Vraiment, nous les Marocains, on n'a pas de chance. Pire : on ne nous aime pas. On nous envie et on nous en veut d'être mieux qu'eux. D'ailleurs, dès qu'ils voient que nous sommes les meilleurs dans un domaine, ils trichent, ils maquillent, ils falsifient, juste parce que ça les dérange de nous voir briller. Vous voulez des exemples ? Je vais vous en donner deux. Le premier est redondant et ce sont les gens qui ont une dent contre nous, qui le remettent sur la table à chaque fois que notre pays réalise une performance. Et comme vous le savez, nous, les performances, on en a tous les jours. Justement, ces méchants garnements nous attaquent presque chaque jour, devinez sur quoi ? Les droits de l'homme ! N'importe quoi ! Bon, c'est vrai, de temps à autre, certains préposés au gardiennage de notre temps sacré, croyant bien faire, en font un peu trop. Mais il ne faut pas leur en vouloir, car, en général, ça part d'une bonne intention. D'ailleurs, ils prennent les choses tellement à cœur que même si on leur répète à longueur de journée qu'ils doivent faire attention, et, comme on dit chez nous, «frapper et mesurer», ils n'en font qu'à leur tête. Résultat : le Maroc est tout le temps montré du doigt sur la question des libertés, alors que tout le monde sait que, sur ce plan-là, on est imbattables, mais, hélas, souvent battus. Mais, ne désespérons pas. On finira bien par rétablir la vérité, quitte à utiliser les gros moyens. Légaux, bien sûr. Car nous, c'est connu, la légalité, on l'a dans le sang. Enfin... je veux dire qu'on l'a dans les veines. Mais, justement, on n'a pas de veine. On ne nous aime pas. On nous en veut. On ne veut pas, par exemple - c'est mon 2e exemple – reconnaître que, nous aussi, nous avons de grands nantis. J'ai bien dit «nantis», et pas «anti» car les «anti ceci», les «anti-cela», les «anti-tout», on n'a que ça, dans ce bled. D'ailleurs plus tu es «anti», plus tu es bien vu. Il y a même des «anti» qui étaient tellement «anti» qu'on a dû les payer très cher pour les faire changer d'avis. On les appelle vulgairement et méchamment «les vendus» alors qu'en fait, ils n'ont pas vendu leur âme, comme le prétendent les mauvaises langues, mais juste rendu leurs armes. Et avec ça, ils se sont bien rachetés. Certains de ces gentils «anti» sont même devenus, m'a-t-on rapporté, pas mal nantis. Après cette petite parenthèse sur nos brebis égarées revenues sur le droit chemin, revenons à nos moutons. Je disais donc que par jalousie viscérale, on ne veut même pas reconnaître la valeur et le degré d'opulence de nos riches locaux. Nous, nous avons la chance et le privilège de les voir chaque jour, sous nos yeux ébahis et admiratifs, profiter sans peur et sans crainte, parfois sans façon et sans manière, de leur fortune gagnée, comme chacun sait, n'est-ce pas, à la sueur de leur front souvent dégarni par tant de dépense d'énergie et d'efforts consentis. Non, ils ne friment pas, ils ne font que montrer à tous les tire-au-flanc et aux paresseux que pour être riche et bon vivant, il n'y a qu'une seule solution : il ne faut pas être pauvre. C'est clair et net. Oui, ils ont raison de dilapider leurs milliards comme ils le veulent. Après tout, c'est leur blé. Peu importe s'ils l'ont moissonné honnêtement ou s'ils l'ont fauché, l'important c'est qu'ils en ont. Et beaucoup. Mais, pas nous. Ce n'est pas grave. Ce sont nos riches, et c'est comme si c'était nous. Pourtant, ça m'a fait beaucoup de peine pour eux, de ne voir aucun d'entre eux dans la fameuse liste de personnes les plus riches du monde. Et vous savez pourquoi ? Parce que tout simplement, on ne nous aime pas. Mais, on les aura un jour. On les aura !