C'était joué d'avance, les signes étaient déjà là : une forte mobilisation. En quelques semaines, la coalition du 1er mars fait suivre des milliers de mails en utilisant des sites communautaires, le flux d'adhésions à l'association est constant et régulier, le buzz marche à merveille et traverse tout le pays. Puis vint l'intéressement de la classe politique, des syndicats, des organisations des droits de l'homme et des partis de gauche, artistes et chanteurs. Autre victoire, la couverture médiatique, et puis cette fameuse journée, date clé. Journée ayant atteint ses objectifs, tant la participation effective et non effective* a répondu présent. Au même titre que la population «Latinos» aux Etats-Unis, les immigrés de France peuvent se sentir fiers de cette victoire sur les préjugés les plus bas remontés depuis quelque temps et qui avaient tendance à sortir de la bouche de personnes ayant de surcroît un auditoire certain. 24 heures pour chasser les idées reçues En appelant à la mobilisation le 1er mars, le collectif «24 heures sans nous, une journée sans immigrés» entendait «démontrer l'apport indispensable de l'immigration» à la France, en particulier son poids dans l'économie. Elle visait aussi à exprimer l'exaspération d'une nouvelle génération d'immigrés et d'enfants d'immigrés à l'égard des «dérapages» et de propos qui stigmatisent de plus en plus fréquents dans le discours politique. En France, ce collectif se déclare, sans affiliation partisane, ni étant l'émanation d'une association déjà existante, et cherche avant tout, en cessant de consommer et/ou de travailler, à «marquer la nécessité de la participation des immigrés à la vie de la cité». L'action avait pour but de mettre au jour la contribution de l'immigration passée, présente et future à la croissance économique de la France. Ainsi, ce collectif entendait célébrer par la même occasion l'apport de chaque immigré à la prospérité générale du pays. En réalité, leur apport n'a jamais été mesuré. À la différence d'autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne, la France n'a jamais cherché à connaître l'impact de l'immigration sur son économie. «L'immigré» ne joue pas un second rôle Les immigrés tiennent pourtant un rôle non négligeable dans la population active. Selon les dernières données tirées du recensement par l'Insee, en 2007, 2,4 millions d'immigrés résidant en France métropolitaine déclaraient travailler ou se trouver au chômage : ils représentaient 8,6% des actifs. À noter également que pour la seule population active (hors chômeurs), leur part se maintient même à un niveau plus élevé : de 10,7% en 1995, elle était à 11,3% en 2007, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). D'après Jean-Pierre Garson, chef de la division des migrations internationales de l'OCDE, «cette stabilité de la présence des immigrés dans l'emploi total montre que, quelle que soit la conjoncture, on ne s'en passe pas».De plus, contrairement à des idées reçues, les immigrés sont loin de travailler dans les seuls secteurs en déclin, tels que l'agriculture ou l'industrie. Leur présence, bien qu'en recul, reste forte dans la construction. Toutefois, elle l'est bien plus encore et tend à croître dans les services. Les immigrés travaillent désormais majoritairement dans le tertiaire (médical, média, justice...). Leur nombre est important et progresse dans des secteurs plus qualifiés, tels l'informatique avec près de 18%, ou les services aux entreprises 20%. Par conséquent, cette journée d'actions de boycott aura eu pour effet de démontrer que Français et immigrés sont étroitement imbriqués et liés, et qu'aujourd'hui il n'y a pas de distinction à faire. Cette richesse du vivre ensemble est une condition indissociable de la pérennité et de la survie de l'économie du pays et toutes les stigmatisations passées ou déclarations délétères sur les immigrés n'avaient aucun fondement. *Non effective : pour les immigrés obligés de travailler, ils pouvaient marquer leur soutien en portant un ruban jaune ou un vêtement de même couleur. Nadia Lamarkbi,présidente du collectif «La journée sans immigrés -24h sans nous» Les Echos : Est-il vrai que l'envie de réaliser une telle action vous est venue suite aux déclarations du ministre Brice Hortefeux ? Nadia Lamarkbi : La prise de conscience était déjà là bien avant. Au quotidien, le poids du regard d'une certaine frange de la population se faisait oppressant. Mais, il est vrai que cette déclaration a eu pour effet de nous convaincre qu'il était temps de créer une action citoyenne qui agirait sur ce levier essentiel qui est la consommation et donc l'économie. Etes-vous satisfaite de l'impact de cette journée ? Oui, très satisfaite. Les gens ont répondu présent, pour la ville de Paris à midi, on avait une estimation de 2.500 manifestants, à ne pas confondre avec les participants pour lesquels le chiffrage n'est pour l'instant pas calculable. De plus, pour les autres villes, le taux de participation est également important, à savoir qu'il faut attendre demain pour vraiment chiffrer un taux de participation au niveau national. Prochains rendez-vous, prochaines actions ? Nos prochaines actions vont se réaliser conjointement avec d'autres pays d'Europe, où la même stigmatisation des immigrés est dénoncée. Donc, nous allons élaborer une inter-communauté dans un prochain temps et la présenter devant le Parlement européen.