Les Echos : L'analogie entre le pilotage d'un avion et celui d'une PME tient-elle du fait de l'existence auprès des deux activités des tableaux de bord ? Jean-Pierre Otelli : Vous savez, le fait d'avoir des tableaux de bord et des outils pour la GRH ne suffit pas pour anticiper le pilotage RH. Quand on fait confiance uniquement aux tableaux de bord, c'est qu'on perd tout contact avec la réalité. Certes, il y a des décisions à prendre en interaction avec les indications relevées. Toutefois, le coach manager doit autant être capable de reconnaître les émotions, pour prémunir son équipe contre les détonateurs de conflits. Par exemple, dans une patrouille de voltige aérienne, chaque membre doit tenir sa place avec une précision millimétrée. Seul mot d'ordre pour l'équipe, suivre les consignes du leader. Si ce dernier se plante, c'est toute la patrouille qui se plante avec lui. La confiance, en ce sens, est-elle capitale ? La confiance qui doit exister entre un leader et son équipe doit dépasser le cadre organisationnel pour pouvoir être effective. Pour le collaborateur, le fait de ressentir que son leader sait ce qu'il fait et où il va est primordial. Autrement, on ne peut parler de confiance ressentie. Dans un exercice de voltige aérienne, ce manque de confiance ressentie est perçu immédiatement. A titre d'exemple, si le collaborateur n'a pas confiance dans le leader, il va regarder ailleurs. Par conséquent sa manœuvre ne sera plus aussi précise et il va perdre sa place. La figure sera alors complètement ratée dans le meilleur des cas. Pour les gens qui regardent, ce n'est pas le collaborateur qui est nul, c'est toute la patrouille qui l'est. Ceci est également vrai dans le monde de l'entreprise. Si entre le dirigeant et ses collaborateurs il n'y a pas une confiance totale et réciproque, son équipe aura une attitude qui n'est pas idéale pour une performance optimale. A ce moment-là, tout risque de partir en queue de vrille. Est-ce qu'il y a un parallèle à faire entre les conflits et les divergences qui peuvent être créés dans une entreprise et dans une patrouille de voltige aérienne en partant de votre vécu professionnel ? Pour une patrouille de voltige aérienne comme pour une entreprise, il faut que tout le monde soit sur la même longueur d'onde dès qu'il s'agit d'exécuter une tâche d'équipe. Une dissonance entre les membres d'une même équipe va être dommageable pour l'ensemble des collaborateurs. La solidarité qui doit animer une équipe est primordiale. La défection d'une seule personne peut faire plomber l'équipe. Sur ce point-là, je pense que les similitudes entre le lead d'une patrouille de voltige aérienne et celui d'une entreprise sont les plus significatives. Quelles sont les principales recommandations que vous pouvez faire aux patrons de PME ? Il y a d'abord la question du recrutement qui est primordiale. Je pense donc que cette tâche ne doit pas être externalisée pour éviter toute embauche qui ne cadre pas avec les attentes des dirigeants. Ensuite, je dirai qu'il faut pousser ses collaborateurs vers la spécialisation. Enfin, pour s'assurer d'un certain rendement il faut garantir une ambiance de travail saine. Il faut également faire preuve d'un minimum de fermeté et de respect des procédures. Toutefois, le soutien des dirigeants doit pouvoir être perceptible par les collaborateurs, notamment dans les moments critiques. Dans les entreprises aujourd'hui, on remarque la montée d'une notion de conflit intergénérationnel quand les équipes sont composées de collaborateurs de différents âges, pouvez-vous nous citer un exemple tiré d'une situation réelle à laquelle vous avez été confronté durant votre carrière ? Il y a forcément des différences et des divergences qui peuvent naître entre jeunes recrues et collaborateurs expérimentés. Je pense toutefois que ces dissonances surviennent plus fréquemment dans les entreprises que dans une équipe de voltige aérienne. La raison tient du fait que cette question est traitée différemment dans une équipe de voltige aérienne : nous recrutons uniquement des collaborateurs chevronnés et mentalement forts. Il y a un retard sur ce point dans le monde des entreprises. Il faut donc nécessairement inculquer une culture d'entreprise basée sur l'intégration des nouveaux et l'immersion dans l'équipe. De plus, un leader doit faire preuve d'anticipation et échafauder de multiples scénarios pour contenir l'émergence de pareilles dissonances.