Le Maroc est le 8e pays exportateur de produits halal au monde selon les chiffres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Sans norme prédéfinie, qu'est-ce qu'un produit dit halal sur le plan commercial ? «Un produit sans alcool et sans porc», nous explique Mahmoud Sall, chargé des études économiques et commerciales pour le Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC). En l'absence de certification, rien ne justifie qu'un produit est halal. Interrogés par Les Echos Quotidien, les responsables du groupe Koutoubia semblent surpris par nos questions. «Il est évident que nos produits sont halal. Nous respectons les normes islamiques d'abattage. Il n'y a pas de certification halal au Maroc, cela n'existe que pour l'étranger», relèvent-ils. Auprès de la société Dindy, le personnel semble plus sensible à la problématique. «On est halal mais nous ne sommes pas certifiés. Pour tous les produits que nous importons qui rentrent dans la composition de nos produits, nous exigeons des certificats étrangers. Sinon, nous appliquons déjà les dix critères qui sont en cours de validation par le Comité technique de normalisation du produit halal, donc nous aurons le label sans problème», avance Bouzoubaa Nafaa, directeur production pôle viande. Le Maroc s'est attelé à la question, il y a peu de temps. «Depuis six mois, nous travaillons sur la norme halal», explique Abderrahim Taïbi, chef de la division de la normalisation et certification au ministère de l'Industrie. «Le Comité technique de normalisation du produit halal a été mis en place avec pour mission de définir un référentiel halal. Cette norme devrait paraître au Bulletin officiel vers mars/avril de cette année. L'introduction de cette norme dans la loi sur la normalisation fait suite à un travail de l'OCI qui vise à définir une norme halal pour ses pays membres». Et de préciser : «La norme ayant été définie au niveau de l'OCI, c'est maintenant à chaque pays de l'introduire au sein de son corpus juridique. À terme, l'Organisation compte présenter cette norme comme référence à l'OMC pour qu'elle soit valable sur le plan international». Enorme potentiel La certification halal pour des produits marocains à l'export existe pourtant mais elle est réalisée jusqu'à présent par des organismes étrangers comme l'IFANCA (USA). L'entreprise Setexam, spécialisée dans l'agar-agar, cette algue qui sert à la production de gélatine végétale, en sait quelque chose. «Nous faisons venir un rabbin du Royaume-Uni et un imam des Etats-Unis. Ils viennent une fois tous les deux ou trois ans vérifier que notre production est aux normes et nous certifient. Nous attendons avec impatience la norme marocaine pour la promouvoir à l'étranger», s'exclame Rachid Lebbar, PDG de cette entreprise à 100% exportatrice. Cette norme sera en effet un plus marketing pour les produits marocains à l'étranger. «Avec une certification marocaine, nous allons clairement assister à une hausse du volume commercial du pays. Les Marocains à l'étranger achèteront forcément un produit halal certifié par le Maroc que par un autre pays, ce qu'ils sont obligés de faire pour le moment. Les potentiels à l'export sont énormes», renchérit Sall. «Ce qui nous a poussés à nous lancer dans un label halal c'est le marché que représente la communauté musulmane en Europe», atteste Abderrahim Taïbi. Votre maquillage est-il halal ? Cela peut surprendre, mais la dernière tendance dans le business du halal, c'est la beauté. À Dubaï, se tient chaque année le «Beauty World Middle-East» et les produits «halal» s'y sont fait une place. Pour l'organisatrice du salon, Heather Nix, «il y a clairement une demande croissante pour les produits de beauté halal. Le halal ne concerne pas que la nourriture, et certains produits non autorisés peuvent se retrouver dans la cosmétique. De plus en plus de personnes en ont pris conscience et préfèrent acheter des produits en accord avec leurs valeurs religieuses». Loin du débat sur le bien-fondé ou non d'une cosmétique aux normes «halal», des entreprises européennes et même nord-américaines commencent à se positionner sur le marché. Bien que peu nombreuses, elles séduisent de plus en plus de clientèle. La gamme Jamal, de Candea, est distribuée en France par Cosmelal. «Avec l'explosion du marché de la cosmétique ethnique (pour peaux noires, métisses, asiatiques, etc.), nous avons choisi de créer une gamme spécifique pour les personnes musulmanes originaires d'Afrique du Nord», explique Sandrine Japhet, la gérante de la marque. Même son de cloche chez Sahfee Halalcare, marque néerlandaise lancée par un Marocain. Certaines personnes ne veulent pas utiliser de produits dont la composition n'est pas à 100% halal. Or, beaucoup de produits de beauté utilisent de l'alcool ou de la graisse de porc», relève de son côté Pascalle Driouech, responsable des ventes pour le groupe. Ces deux marques exportent au sein de l'Europe et même vers le Moyen-Orient. Serions-nous en train de passer à côté d'un marché en plein développement ? Khalida Azbane ne le pense pas. «Nous n'avons jamais pensé à faire certifier halal nos produits. Et honnêtement, ce n'est pas notre priorité. Nous sommes déjà halal. Nos produits sont bios et nous n'utilisons aucune graisse animale. Tout cela, ce n'est que du marketing».