La Côte d'Ivoire souffle le chaud et le froid sur les marchés mondiaux du cacao et du café. Les chocolatiers marocains redoutent déjà un arrêt d'activité en raison des problèmes d'approvisionnement Adeptes de café ou de chocolat? Il faudrait peut-être s'en défaire. Dans quelques mois, ces petits plaisirs du palais risquent de côtoyer caviar et saumon sur la liste des mets de luxe. Depuis que Alassane Ouattara, Président reconnu de la Côte d'Ivoire, a ordonné un embargo d'un mois sur les exportations du café, et surtout du cacao, les cours volent de record en record. Si pour le cas du café, le problème est moins critique, celui du cacao est par contre "brûlant". La Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial et une fermeture de ce marché est un étouffement de plusieurs secteurs à l'échelle internationale. Lundi, le prix de la tonne de cacao, pour livraison en mars 2011, est grimpé jusqu'à 2.307 livres sur le marché Liffe de Londres, son plus haut niveau depuis début août dernier. À New York, le cours de cette denrée a atteint 3.393 dollars, son plus fort niveau depuis janvier 2010. Et même si, au Maroc, nous n'en sommes pas encore jusqu'à analyser les cours sur les marchés à terme, n'ayant pas de segment matières premières, les retombées sur certaines branches de l'économie sont déjà suffisantes pour alarmer opérateurs et analystes. D'emblée, on peut dire que c'est une crise qui se profile pour les chocolatiers. «Il faut s'attendre, au meilleur des cas, à une flambée des prix sur les produits finis dans les trois prochaines semaines», alerte Amine Berrada, PDG d'Aiguebelle. Déjà, un brin d'espoir: mardi, il a été annoncé que l'embargo du président élu sur le café et le cacao ne serait pas rétroactif. Les quantités de fèves de cacao achetées jusqu'au vendredi 21 janvier, et sur lesquelles des taxes auraient déjà été payées aux administrations toujours aux mains du président sortant, ne seraient pas concernées et pourraient en effet quitter les ports. Cependant, la donne reste toujours la même, surtout sachant que le marché doit déjà faire face à un déficit de production de 82.000 tonnes, selon les estimations des organisations internationales. Ce qui attise encore plus les inquiétudes autour de la tendance actuelle des cours de cacao. «Nous sommes actuellement dans l'expectative. Les cours ont progressé de 10% sur les deux derniers jours et plusieurs de nos fournisseurs envisagent de rompre leur contrat de livraison», ajoute le patron d'Aiguebelle. Si le blocus est maintenu pour la durée annoncée par l'autorité ivoirienne, des arrêts d'activités pourraient même être envisageables. Cela d'autant plus que, dans la situation actuelle, les spéculateurs sont motivés par la forte demande asiatique en cacao, particulièrement celle émanant de la Chine et de l'Inde au détriment de pays tels que le Maroc où la demande est moins importantes. Cette situation risque ainsi d'être catastrophique pour un secteur qui connaît d'habitude son pic d'activité en fin d'année et, surtout, au mois de Février qui coïncide avec Pâques et la Saint Valentin. La seule alternative qu'auront les opérateurs du secteur serait celle de répercuter la hausse des cours de la matière première sur le consommateur final. Chose qui n'aiderait certainement pas à faire augmenter la consommation des marocains en chocolat et qui se trouve déjà à des niveaux très bas comparativement à d'autres pays voisins. Par ailleurs, ce constat relevé chez les chocolatiers devrait également être le même pour les opérateurs de la biscuiterie. Sauf que dans ce cas précis, la hausse des cours du cacao ne se répercuterait pas sur les prix des produits vendus mais plutôt sur le grammage des paquets. En ce sens qu'il est bien connu de tous que les professionnels de ce secteur préfèrent, pour ne pas avoir à dépasser le seuil psychologique de 1DH, «jouer» plutôt sur le poids du paquet. Pour le café, c'est moins critique Pour le cas du café, l'impact est à relativiser. D'abord, il faut rappeler que la Côte d'Ivoire n'est que le 12e fournisseur mondial de Café, ce qui n'en fait pas un fournisseur des plus stratégiques pour le reste du monde. Pour le cas du Maroc, qui importe plus de 30.000 tonnes de café par an, selon les données de l'office des changes, les opérateurs du secteur ont déjà procédé à une première hausse des prix de vente en début d'année, en répercussion de la hausse observé sur les marchés internationaux ces six derniers mois. Une deuxième hausse serait moins envisageable puisque la tendance sur les cours à l'international plaide pour une accalmie incessante en raison principalement de l'annonce par le Brésil, premier producteur de café, d'une récolte exceptionnelle pour la saison agricole sortante. Aussi faut-il rappeler que la situation globale du marché est nettement meilleure que celle du cacao puisque la production arrive généralement à combler les besoins de la demande mondiale.