Identifiée comme chantier phare de la stratégie Halieutis, l'aquaculture est appelée à jouer un rôle central comme fort relais de croissance de la production halieutique nationale. Il faut «faire de l'aquaculture un moteur de croissance majeur», indique le ministère de tutelle dans la présentation officielle du Plan Halieutis. Dans la foulée, la loi n° 52-09 instituant la création de l'Agence nationale de développement de l'aquaculture (ANDA) a été promulguée par dahir le 18 février dernier et publiée dans le Bulletin officiel du 3 mars courant. Agence publique dédiée au développement et à la promotion de l'activité aquacole avec l'appui des professionnels du secteur, l'ANDA sera le bras armé chargé de concrétiser les orientations stratégiques du ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime. Quels seront donc les chantiers prioritaires auxquels devra s'attaquer cette toute jeune structure encore en phase d'amorçage ? Quelles sont les opportunités réelles qui s'offrent à la filière aquacole marocaine et quels freins et limites devront être surmontés pour saisir ce grand potentiel, encore en jachère ? Plus qu'une option, une nécessité Selon les dernières statistiques de la FAO (Food and Agricultural Organisation), l'Agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, ce secteur fournissait en 2006 près de 50% de la production halieutique mondiale totale, soit 51,7 millions de tonnes, le marché européen consommant à lui seul environ 40% de l'ensemble de production aquacole. Ainsi, au vu de la situation catastrophique des stocks mondiaux en ressources halieutiques, la production ne peut suivre les besoins alimentaires que grâce à la filière aquacole. Déjà, depuis le milieu des années 90, l'augmentation de la production halieutique mondiale est exclusivement imputable à l'essor de l'activité aquacole. Une tendance qui est en plus appelée à devenir de plus en plus marquée pendant la décennie. Les captures pour leur part vont au mieux stagner, si elles ne déclinent pas suite à l'épuisement des ressources et les menaces climatiques et environnementales grandissantes. Au Maroc, la filière est tellement peu développée que quand les sites européens et asiatiques commencent à saturer, la production nationale reste largement marginale. L'aquaculture nationale représentait, en 2008, la modique part de 1,2 pour mille (0,12%) des revenus halieutiques, soit 13,2 millions de dirhams sur un total de 10,9 milliards de dirhams. Une situation liée à des contraintes à plusieurs niveaux. Des freins identifiés et que la stratégie nationale tente de rectifier. «Les investisseurs aquacoles continuent à faire face à diverses contraintes», indique une étude de la Direction des études et des prévisions financières sur le sujet. Un retard tellement patent qu'il se transforme paradoxalement en opportunité. En effet, l'aquaculture mondiale est marquée par la saturation de sites des pays producteurs, notamment au niveau du bassin méditerranéen, par ailleurs plus gros consommateurs. Or, le Maroc dispose d'une côte faiblement occupée, d'une qualité de l'eau de haut niveau, d'une disponibilité de ressources pélagiques qui peut être transformée en farine de poisson pour les besoins des élevages, d'un institut de recherche scientifique performant et reconnu (INRH) et d'une diversité maritime importante. L'ensemble de ces variables, mises face à une demande mondiale qui ne peut que s'intensifier, constitue un atout pour le Maroc. Au vu de cet arrière-plan prometteur, les visées du plan Halieutis sont volontaristes. Ambitions à hauteur du potentiel La stratégie ambitionne d'atteindre une production annuelle de 200.000 tonnes à l'horizon 2020 (contre à peine 2.000 actuellement) pour générer un chiffre d'affaires démultiplié qui devrait atteindre les 5 milliards de dirhams (contre 13,2 millions actuellement), et porter ainsi la contribution de la filière à 11% de l'ensemble des revenus halieutiques. Trois principaux leviers stratégiques de développement ont été identifiés : la gouvernance durable en tenant compte de la composante environnementale et sociale, l'organisation du secteur et le cadre légal et administratif. Jusque-là, seule la composante institutionnelle commence à émerger avec la mise sur pied de l'ANDA, aux côtés d'un autre projet en cours qui porte sur la mise en place d'un code de l'aquaculture. Ce référentiel devrait répondre aux attentes des professionnels en leur apportant l'appui nécessaire, notamment en matière d'investissement. «Nous avons également travaillé sur une chaîne de valeur où tous les acteurs de l'aquaculture sont identifiés, la réalisation de plans d'aménagement et les pôles de compétitivité, celui de Oualidia, d'Agadir et de Dakhla», soulignait Abdellah Moustatir, chef de la Division des structures de la pêche à la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture. Il ne fait aucun doute que la production aquacole nationale montera en flèche pendant la décennie. Reste à voir si les réalisations seront à la hauteur des ambitions et, surtout, des potentialités offertes. O.Z