Le nouveau directeur général promet plus de contrôle. Il signe une rupture claire avec l'approche de son prédécesseur. Premiers traits de la stratégie de l'ADII à l'horizon 2015 Pour sa première sortie médiatique, depuis sa nomination en juin dernier à la tête de l'Administration des Douanes, Zouhair Chorfi a clairement affiché la couleur de son mandat. «L'Administration souffre encore, et sur plusieurs plans. S'il fallait que je choisisse entre facilitation et contrôle, je choisirai contrôle», a lancé le nouveau patron des douanes, qui arborait un air des plus détendus lundi à la présentation du bilan annuel de son département. Un franc parler aussi que Zouhair Chorfi a adopté, vraisemblablement pour donner le ton des mesures qu'il prendra à l'avenir. Cette administration qui est actuellement sous tous les projecteurs, et le sera davantage à l'arrivée à échéance des accords de libre échange. Il faut dire que l'année 2010 n'a pas été mauvaise pour l'institution de Chorfi, puisque celle-ci a enregistré un total des recettes de 73,6 milliards de DH, dépassant même les prévisions de la Loi de finances. À savoir que la part de ces recettes provenant des opérations de lutte contre la sous facturation a augmenté pour s'établir à 1,2 milliard. L'ancien Directeur du Trésor a tout de même tenu à rassurer quant à la baisse des recettes douanières due à la levée des barrières tarifaires. «Le trou que laisse le démantèlement tarifaire dans le cadre des accords commerciaux du Maroc a été progressivement compensé ces dernières années par la TVA à l'import, ainsi que la Taxe intérieure de consommation. Cette dernière a sensiblement augmenté», a expliqué Chorfi. Rigueur ? Le mot devenu tabou dans les cercles de la finance publique pourrait bien devenir le mot d'ordre de Zouhair Chorfi. «Il y a eu plusieurs suspensions de collaborateurs irrespectueux de l'éthique douanière» a-t-il déclaré. Sur le chantier des ressources humaines, Chorfi promet un effort considérable au niveau de la formation, mais également la révision de certains éléments comme la pénibilité du travail. «Un agent des douanes qui habite à Tanger met une heure pour arriver à Tanger-Med, et à y travailler sous la pluie et le soleil douze heures par jour. Comment vous pouvez lui demander d'accueillir les MRE qui passent, avec le sourire en plus?» s'est exclamé Chorfi. De la rigueur il y en aura donc dans les troupes de la douane, mais la fibre "humaniste" semble trouver tout de même sa place dans la méthode managériale de Chorfi. Au-delà de ce volet, l'Administration des douanes est aussi engagée dans un important processus de recrutement. Sur les trois dernières années, plus de 600 collaborateurs ont été recrutés et formés sur neuf mois avant de regagner des postes douaniers. Par ailleurs, la Loi de Finances 2011 a prévu plusieurs dispositions dont, sur ce volet, le renforcement des mesures répressives applicables principalement à la profession des transitaires. Désormais, le refus de communication des informations aux agents de l'administration sera sanctionné par une amende allant de 30.000 à 60.000DH. Avant, cette sanction était fixée entre 2.000 et 20.000. Certaines amendes pourraient atteindre 100.000DH. Outre les manquements à l'éthique et aux lois commis et par les professionnels du transport et de l'import/export, Zouhair Chorfi considère que son administration a fait beaucoup de concessions par le passé et donné beaucoup de facilitations sans que cela puisse forcément avoir des retombées très positives. «Nous accompagnerons ceux qui respectent la loi, et serons stricts avec ceux qui trichent», a-t-il tranché. Plusieurs dispositifs ont été également mis en place, notamment en matière de contrôle en 2e ligne (après le contrôle à la frontière, appelé de première ligne). Ces opérations de contrôle se mènent conjointement avec l'Office des changes ou la Direction générale des impôts. Sur le plan de la sécurité aux frontières, l'administration a renforcé sa présence dans le Sud du Maroc en se dotant d'un second scanner à la frontière Maroco-Mauritanienne, et en augmentant l'effectif de son personnel à Laâyoune également, où un premier scanner vient d'être opérationnel. Modernisation, l'autre mot d'ordre Cela fait maintenant deux ans que les déclarations se font à 100% de manière électronique avec le système BADR. Le prochain chanier pour Chorfi reste la dématérialisation des opérations de règlement. «On veut supprimer carrément le contact au guichet». Et pour ce, l'Administration est en train de développer plusieurs moyens de paiement, dont le règlement par carte bancaire. Le montant total des taxes et droits perçus par paiement électronique s'élève à 682millions de dirhams en 2010. Un autre chantier est en cours, celui de la révision de la nomenclature douanière. «Actuellement, il y a plus de 17.000 items, et plus de 300 taux différents. C'est un système très complexe, et il est nécessaire de la réduire et le simplifier» explique Chorfi. L'opération est d'ailleurs en train de se dérouler en concertation avec les autorités européennes en la matière dans le cadre du projet du statut avancé, où il est question également de rapprocher les règlementations. Indiscrétions Dans le cadre du conflit autour du marquage fiscal, l'opérateur international du tabac et fournisseur jusqu'ici d'Altadis, Philip Morris a déposé plainte contre l'Administration des douanes. Chorfi n'a pas voulu commenter car l'affaire est encore en procès et a considéré ce fait de porter plainte «arrogant quant on est pas installé au Maroc et qu'on est pas entreprise de droit marocain». Il y a deux ans, 3,5/10 cigarettes fumées au Maroc étaient issues du circuit de la contrebande. Aujourd'hui, on est à 1/10, dixit Chorfi. En 2010, les services de la douane ont saisi quelque 5 millions de paquets de cigarettes. 2015 daba ! L'exposé de Zouhair Chorfi dans lequel il a donné un avant-goût des méthodes de gestion et des priorités de l'ADII sous son mandat, résume clairement les grands traits de la politique de l'Administration jusqu'en 2015. S'appuyant sur plus d'ouverture à l'international et aux partenaires internationaux, sur les nouvelles technologies, et une gouvernance qui mise sur la communication et la transparence, l'Administration des Douanes ne devrait plus se limiter à son rôle financier de «percepteur à la frontière», mais également un levier à la production et de la consommation locale. Ce processus a déjà commencé, quelques premières actions en témoignent, comme le programme de catégorisation des entreprises, et le projet d'Opérateur économique agréé (OEA).