L'entrée en vigueur imminente de la nouvelle plateforme de gestion des certificats de conformité suscite l'inquiétude des importateurs. Entre délais serrés, surcoûts logistiques, contraintes saisonnières et problèmes techniques, les opérateurs s'interrogent sur la pertinence et le calendrier de cette réforme, censée pourtant fluidifier et sécuriser le contrôle des produits industriels à l'importation. La nouvelle plateforme de gestion des certificats de conformité (COCs), destinée à améliorer le système de contrôle des produits industriels à l'import, crée la polémique. Accessible via le site Portnet.ma, cette plateforme a été mise en place afin de fluidifier le traitement des produits contrôlables à l'origine, et de faciliter la gestion des COCs, des licences, ainsi que des enregistrements accordés aux importateurs. Dans une communication récente adressée aux opérateurs économiques, le ministère de l'Industrie et du Commerce, à l'origine de cette initiative, annonce que l'entrée en vigueur de cette application interviendra le 15 janvier 2025, date à partir de laquelle la demande et l'obtention des COCs devront être effectuées par ce biais. Délai insuffisant Or, ce délai est jugé très court par les opérateurs, notamment les importateurs de tissu. Ces derniers estiment qu'il peut leur porter préjudice. Bien que ce délai ait déjà été rallongé – les opérateurs devaient à l'origine s'y conformer au plus tard le 15 décembre dernier -, ils considèrent cette nouvelle échéance comme trop rapprochée. Pour obtenir un sursis supplémentaire, l'Association nationale des importateurs de tissus (ANIT) a adressé un courrier au ministère, sollicitant une prolongation de six mois, soit jusqu'en juin 2025. Le ministère a marqué son accord pour ce faire, sans toutefois satisfaire pleinement les importateurs. «Nous ne nions pas l'importance de cette démarche pour la transparence et la bonne gouvernance, mais le fait que la décision ait été prise dans un délai aussi court, sans concertation préalable avec les parties concernées, crée des tensions. Certains paramètres n'ont pas été pris en compte, ce qui est contraignant pour les importateurs, d'autant plus que la période actuelle n'est pas la plus propice à de tels changements», reproche Younès Moufti, président de l'ANIT. En effet, en Chine et en Europe, qui comptent parmi les principaux fournisseurs du Maroc, cette période coïncide avec les fêtes de fin d'année, durant lesquelles les usines sont souvent à l'arrêt. Le président de l'ANIT souligne également qu'en Chine, des marchandises sont déjà en cours d'acheminement, mais qu'elles disposent de l'ancien certificat de conformité. Le maintien de ces conteneurs en rade entraîne des surestaries, entièrement supportées par l'importateur. Un autre point d'achoppement concerne les incidents techniques rencontrés sur la plateforme Portnet.ma. «Actuellement, ces problèmes techniques freinent le bon déroulement des opérations, alors que la plateforme est censée simplifier les démarches administratives. Il arrive que le système reste bloqué pendant plusieurs jours. À ce rythme, les retards peuvent coûter très cher», signale Moufti. Toutefois, dans la notification du ministère, il est précisé que seuls les certificats de conformité émis via la plateforme seront acceptés à partir du 15 janvier. Durant cette période de transition, les opérateurs économiques ont le choix d'utiliser la plateforme ou de recourir aux organismes de contrôle agréés. Le ministère se dit également disposé à tenir des réunions de clarification avec les opérateurs rencontrant des difficultés. C'est dans ce cadre que l'ANIT a tenu, il y a quelques jours, une réunion avec les services compétents du ministère, au cours de laquelle les importateurs ont réitéré leurs doléances et signalé les problèmes techniques rencontrés dans l'utilisation de la plateforme. Une demande atone Il est à noter, par ailleurs, que la saison en cours n'est guère favorable pour les importateurs de tissu. Compte tenu du froid tardif, la demande pour les tissus chauds s'est effondrée. «Nous travaillons habituellement avec de petites entreprises industrielles du textile, auxquelles nous fournissons du tissu pour la confection, notamment de pyjamas et de peignoirs. Or, cette saison, nous nous retrouvons avec beaucoup d'invendus, en raison de l'absence de froid et de la baisse du pouvoir d'achat», explique Moufti. Depuis la flambée de l'inflation, le pouvoir d'achat a été fortement impacté, entraînant une baisse du volume des ventes chez les revendeurs. Néanmoins, les professionnels assurent que les prix restent abordables. Ceux des pyjamas de qualité moyenne varient entre 70 et 90 dirhams, tandis que pour une qualité supérieure, ils vont de 140 à 150 dirhams. Quant aux invendus, il est difficile de les écouler la saison suivante, du fait de l'évolution des tendances. Younès Mofti Président de l'ANIT «Nous ne nions pas l'importance de cette démarche pour la transparence et la bonne gouvernance, mais le fait que la décision ait été prise dans un délai aussi court, sans concertation préalable avec les parties concernées, crée des tensions. Certains paramètres n'ont pas été pris en compte, ce qui est contraignant pour les importateurs, d'autant plus que la période actuelle n'est pas la plus propice à de tels changements.» Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO