Malgré les nombreux défis dictés par l'hostilité de l'environnement international et climatique, les ambitions, les stratégies et les grands chantiers structurants, dans lesquels s'est engagé le Royaume, constituent de véritables opportunités que les opérateurs économiques doivent saisir pour créer beaucoup plus de valeur et d'emplois de qualité. Pour mieux accompagner ces projets, l'Alliance des économistes istiqlaliens propose des solutions. Le Maroc avance à reculons en matière d'emploi. En dépit des différents programmes, dont ceux mis en place pour stimuler l'entrepreneuriat, les derniers chiffres du Haut-commissariat au plan (HCP) sur le chômage sonnent comme un signal l'alarme. Avec un taux de chômage qui s'est exacerbé pour atteindre un pic de 13,7%, la situation est préoccupante. Rappelons que, dans son programme, le gouvernement s'était engagé à créer au moins un million d'emplois nets au cours des cinq prochaines années. Pour tenter de remettre les pendules à l'heure, Aziz Akhannouch a revu ses priorités en mettant l'accent sur l'emploi. Plaidoyer pour un «Fonds de solidarité des générations» L'Alliance des économistes Istiqlaliens (AEI), qui considère la création massive d'emplois durables et valorisants comme une cause sociale, vient d'émettre une série de recommandations censées contribuer à réduire le gap entre l'offre et la demande sur un marché marocain du travail de plus en plus internationalisé. En effet, afin d'améliorer le taux d'activité et emploi dans les milieux urbain et rural, l'AEI préconise le lancement de programmes accélérés de formation-insertion incluant des soft-skills ainsi que de la technicité, et répondant à des spécialités à forte demande de talents, telles que le tourisme, la restauration, les services aux personnes (y compris les éducatrices et puéricultrices), le codage, ou encore les métiers liés aux industries montantes telles que l'aéronautique, l'automobile et les énergies vertes, entre autres. Et comme les compétences manquent notamment dans le domaine de la formation, l'AEI propose d'aller à la recherche de profils parmi les Marocains du monde ainsi que dans les rangs des retraités. Quant aux jeunes fraîchement diplômés, il est recommandé, pour assurer leur insertion dans le monde professionnel, de créer un «Fonds de solidarité des générations» (FSG) («Tadamoune Ajial»), destiné aux jeunes de 20 à 35 ans. Ce dernier permettrait de financer des formations accélérées de reconversion pour des emplois définis à l'avance et des stages opérationnels à plein-temps, d'une durée de 10 à 20 mois. L'aspect régional n'est pas en reste. Il serait, en fait, judicieux de créer des fonds d'investissement régionaux, pour porter des petits et moyens projets, accompagnés de programmes de formation et de mentorat et de services d'incubation au profit des jeunes entrepreneurs. Réduire l'empreinte de l'informel L'AEI préconise en outre de simplifier des procédures et d'alléger la fiscalité sur la transmission des entreprises pour sauver des entreprises économiquement viables. L'alliance recommande également d'autoriser la flexibilité de l'emploi à hauteur de 15% des effectifs au profit des entreprises justifiant d'une baisse d'activité supérieure à 15% sur une année, avec engagement d'embauche en cas de reprise. Parmi les mesures proposées dans le même sens, figure l'octroi d'une réduction sur 5 ans de 50% des charges sur salaire aux employeurs qui présentent un programme de croissance, avec augmentation net des effectifs sur la base d'un «contrat de croissance emploi». Par ailleurs, dans la perspective d'intégrer des unités informelles dans l'économie formelle, les économistes suggèrent d'accorder une amnistie de 4 ans à celles qui adhèrent au changement avant de les soumettre aux règles du droit commun, avec d'autres avantages fiscaux à la clé. Le monde rural n'est pas en reste Sur un autre volet, les économistes istiqlaliens se sont attelés aux mesures dédiées à l'employabilité dans le monde rural. Rappelons que les conditions climatiques, qui sévissent depuis quelques années, ont engendré la perte de 159.000 emplois en milieu rural entre le 1er trimestre 2023 et celui de 2024. Pour améliorer l'employabilité et les conditions de vie dans le rural, il s'avère crucial de renforcer les infrastructures de transport, d'électricité et de connectivité internet des zones rurales pour leur faciliter l'accès aux services publics. Développer le tourisme rural est également un impératif. Sur le plan agricole, l'AEI propose de lancer un nouveau programme d'appui à la petite production agricole, financièrement supporté par le «Fonds de développement rural» pour aider à la reconstitution du cheptel et des arbres atterris par la sécheresse, ainsi que de procéder au reboisement massif des terrains non agricoles. Développer les synergies Pour les activités génératrices d'emplois, l'alliance a identifié huit domaines, et émis des recommandations portant sur les pistes à explorer pour accompagner les chantiers d'envergure initiés par le pays. Pour le BTP, il s'agit d'encourager et encadrer la sous-traitance et les soumissions groupées aux commandes publiques, entre grandes entreprises et PME. Il est également recommandé de mettre en place un système national de normes et de certification écologiques pour les produits industriels. Toujours au niveau de l'industrie, les économistes favorisent l'installation de stations de traitement et de réutilisation des eaux usées et d'unités de recyclage de déchets industriels dans les zones industrielles. Pour le tourisme, artisanat, culture et divertissement, dont les activités complémentaires représentent un grand gisement d'emplois à exploiter, il serait plus approprié d'adopter un classement des établissements de tourisme selon les normes et critères internationaux. Concernant les énergies renouvelables et l'économie circulaire, les professionnels incitent les pouvoirs publics à réaliser une cartographie régionale des sources renouvelables et lancer des appels à manifestation d'intérêt ouverts pour leur exploitation, en encourageant les projets de moyenne et petite taille de production des énergies propres, avec une libéralisation régulée du secteur. Faire du Maroc une place forte de l'IA Sur un autre registre, pour réussir sa transformation digitale, le Maroc devrait s'ériger en Centre afro-atlantique de la data et de l'intelligence artificielle. Concernant l'économie du bien-être, l'AEI suggère de mettre en place des programmes de certification basés sur des normes internationales. L'objectif est de valoriser les compétences des prestataires de ces services, d'en garantir la qualité, mais aussi d'encourager l'émergence de Centres spécialisés de services aux personnes (CSSP) à dimension internationale. Ces derniers pourront accueillir sportifs, personnes âgées, malades de longue durée et toute autre personne pour des séjours de remise en forme. S'agissant du secteur du transport, les économistes insistent sur la nécessité de se doter d'une stratégie intégrée, à l'instar des stratégies des autres secteurs. Outre la règlementation, cette stratégie doit couvrir l'ingénierie du transport, l'investissement, la formation, le développement des services et la maintenance. Préserver le patrimoine bleu Toutefois, parmi les secteurs qui présentent des opportunités de croissance et d'emploi figure l'économie bleue. Pour tirer profit de cette filière, les économistes de l'Istiqlal mettent la lumière sur la réglementation des captures et la création et l'expansion d'Aires marines protégées (AMP) pour la conservation de la biodiversité marine, la régénération des stocks, la protection des écosystèmes vulnérables, la replantation des herbiers marins et la reconstruction des récifs coralliens. Activer la création et le développement d'une flotte maritime battant pavillon marocain, employant des compétences marocaines est également une mesure à prendre en compte. In fine, l'AIE souligne que pour une complémentarité de la data, il faut se référer aux sources du HCP et de la CNSS en matière de création d'emplois Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO