La crise du Covid-19 a montré plus que jamais l'importance du recours aux nouvelles technologies pour assurer notamment la continuité du service public et de la machine économique. La transformation digitale, chantier entamé au Maroc depuis plusieurs années, est une nécessité cruciale. La question a d'ailleurs été au cœur d'un débat de l'Alliance des Economistes Istiqlaliens. Plus d'un gadget, la transformation digitale est devenue un vecteur certain de poursuite des services de l'Etat et de la compétitivité économique et sociale du pays, particulièrement sous l'effet du Covid-19. En effet, l'état d'urgence sanitaire a mis à l'arrêt nombre d'activités et de services pour respecter les mesures sanitaires et les mesures barrières face à la propagation du virus. De ce fait le recours aux nouvelles technologies a été d'un grand secours pour la poursuite des services de l'Etat, grâce notamment à la dématérialisation de plusieurs procédures administratives, ou encore pour faire acheminer l'aide financière aux populations sinistrées. Par ailleurs, le recours au digital a permis à plusieurs secteurs de poursuivre l'activité à distance. Ceci étant, la prise de conscience immédiate et sans préavis de l'importance de la transformation digitale doit donner lieu à une réflexion sur le post-Covid, les priorités pour accélérer cette transformation tout en la réussissant. Une question sur laquelle a planché l'Alliance des Economistes Istiqlaliens en proposant une série de 12 mesures-phares, au profit de quatre domaines stratégiques. En voici quelques-unes. Le premier domaine concerne les moyens humains et les supports technologiques d'une telle transformation et bien évidemment le cadre réglementaire propice à un tel virage. L'Alliance appelle ainsi à la formation des ressources humaines, notamment en soutenant les entreprises, et en vulgarisant les utilisateurs à l'importance d'un tel chantier. Le cadre législatif et institutionnel doit également être toiletté pour favoriser cette révolution digitale. L'AEI propose de repenser l'investissement public afin d'élargir la commande publique aux TPME grâce à une garantie par la CCG. L'élargissement transversal des prérogatives de l'Agence du Développement du Digital et la création d'un régulateur des blockchains pour les Smart Contrats, sont également deux propositions qui vont dans le sens d'accélération de la transformation digitale. Pour l'AEI, le renforcement des infrastructures digitales et télécoms notamment via l'accélération du déploiement du plan national du haut débit, figure parmi les premiers jalons de ce vaste chantier, entre autres recommandations. Le deuxième domaine identifié par l'AEI la généralisation du @gov dans une approche « Citizen-centric ». Pour l'Alliance, cette dématérialisation doit être consolidée et accélérée pour contribuer à la relance attendue de notre croissance économique. Elle invite le gouvernement à adopter nombre de mesures dans ce sens. Particulièrement la création d'une identité digitale du citoyen en incluant une composante d'identité biométrique multimodale du citoyen (e-mail, numéro de GSM, empreintes digitales, face, iris ...) sous la supervision du CNDP et une Commission Nationale d'Ethique à créer à cet effet. Le Registre Social Unifié (RSU) doit être le premier output de cette digitalisation, insistent les économistes Istiqlaliens. Par ailleurs, dans le cadre de la digitalisation des services publics au niveau de l'Etat et des collectivités territoriales, ainsi que les flux de données entre les différentes administrations (Open Data), une recommandation va dans le sens de rendre obligatoire la certification de tout document public par signature électronique et la dématérialisation obligatoire de toutes les transactions et signatures publiques, des documents contractuels, notariés et juridiques. Dans le même sillage, il est proposé la mise en place de guichets uniques e-Gov, agissant comme interface entre le citoyen et les administrations. Une société marocaine 4.0 « Avec plus de 12 millions d'apprenants dans les différents cycles de notre système éducatif, l'équipement de tous, chez eux et en classe, de PC portables et de connexion internet est à la fois une nécessité impérieuse et une opportunité pour le déploiement de tout nouveau modèle de développement inclusif », estiment les économistes Istiqlaliens. Pour y parvenir, l'AEI propose dans un premier temps, la réforme pédagogique des systèmes scolaire et universitaire en s'appuyant sur le numérique, notamment l'intégration de l'enseignement du numérique (cours d'informatique et de codage) dans les programmes d'éducation, dès le primaire, pour accélérer la transformation. L'Etat est invité à mettre des incitations en faveur des universités pour qu'elles investissent au minimum de 10% de leurs budgets capex dans la plateforme « Maroc Université Numérique » et pour qu'elles effectuent 30% de leurs formations certifiantes en ligne et à fournir gratuitement les certifications aux e.formations... En somme, l'AEI propose de développer un écosystème digital centré sur le citoyen, en agissant sur l'amélioration des compétences (up-skilling) des citoyens à travers le e-Learning. Autre action proposée est l'appui aux startups et entreprises marocaines pour la fabrication massive de PC « Made in Morocco » destinés au marché national et à l'export... E-commerce et télémédecine, le vent en poupe Le quatrième domaine d'intervention identifié par l'Alliance des économistes Istiqlaliens concerne deux secteurs qui ont eu le vent en poupe durant cette crise sanitaire. En effet, la pandémie a mis en exergue l'importance du e-commerce mais également de la télémédecine pour garantir l'accès aux soins même en plein confinement. Le premier a été perçu comme vecteur de croissance des transactions commerciales domestiques et à l'export. Dans ce cadre, l'AEI suggère de vulgariser davantage le commerce électronique auprès des chefs d'entreprises, des porteurs de projets et des consommateurs, entre autres, par la création d'une filière et de modules de formation au e-commerce dans les universités et centres de formation professionnelle. Et ceci, en s'appuyant sur le réseau des Chambres professionnelles, ou toutes autres institutions similaires, pour faire bénéficier les commerçants de formations courtes et professionnalisantes autour de l'usage du digital... Bien évidemment encourager le e-commerce passe par la fiabilisation des transactions commerciales électroniques, relève l'Alliance. Elle suggère dans ce sens de réduire les échecs de livraison des achats en ligne en simplifiant le système d'identification des rues et de numérotation des domiciles ; ou encore le lancement d'une assurance à 0,05% de la valeur pour fiabiliser les transactions. De même qu'il est proposé le plafonnement des commissions et autres coûts de transaction facturés par les banques et centres monétiques en appliquant un taux préférentiel pour les TPME. Concernant l'importance d'encourager la télémédecine comme vecteur d'amélioration d'accès aux soins, l'AEI propose de revoir le cadre législatif du décret de télémédecine pour élargir ses champs d'applications en retirant l'obligation de présence physique d'un paramédical avec le patient. Cela passe également par l'opérationnalisation du remboursement des actes de téléconsultations par les assureurs publics et privés (CNOPS, CNSS, CMIM...). Les assureurs du secteur privé doivent avoir le libre choix d'asseoir les termes de remboursement/garantie. Aussi, l'AEI suggère-t-elle d'agréer des points de télémédecine, dans les zones reculées, gérées par des techniciens médicaux (infirmiers diplômés) agréés et ce en vue de réduire les inégalités de la carte sanitaire. L'exemple de la Société marocaine de télémédecine (SMT) qui a lancé officiellement les premiers sites de télémédecine, dans des zones rurales connaissant une situation d'enclavement sanitaire en fin 2018 en partenariat avec l'Université Mohammed VI des sciences de la santé basée à Casablanca. Sur un autre niveau, l'Alliance propose la mise en place de plateaux chirurgicaux (CHU) ultra robotisés et connectés, assistés par l'intelligence artificielle et des spécialistes établis loin du CHU. L'Alliance estime que grâce à la transformation digitale, le Maroc peut réussir d'importantes améliorations dans une série de facteurs de compétitivité qui conditionnent son classement mondial en la matière. Il s'agit particulièrement de la corruption, des lourdeurs bureaucratiques, de l'inadaptation de la formation à l'emploi et de la faible capacité d'innovation.