Mardi 28 mai, la galerie SoArt, à Casablanca, organisait le vernissage de la nouvelle exposition de Ahmed Hajoubi. Après avoir présenté son travail aux foires d'art contemporain africain 1-54 à Londres et Akaa Paris au Carreau du Temple, en 2023, Hajoubi présente au public casablancais une nouvelle évolution de son travail, «Une alchimie des contraires», jusqu'au 31 juillet. L'artiste formé, aux Beaux-arts de Tétouan, est connu pour avoir longuement exploré le matériau de la laine. Son exposition «Qorchâl», littéralement «carde», avait été un tournant de son parcours. La laine est toujours présente dans les œuvres d'aujourd'hui, mais entre en résonnance avec d'autres techniques, notamment le plexiglas. Le plasticien explique aux Inspirations ECO : «Oui, je travaille depuis toujours sur le qorchâl, cette brosse pour peigner la laine. Il y a déjà là une alchimie des contraires. Entre le métal, le bois et la laine. Une matière fragile face au métal. C'est déjà une alchimie. Aujourd'hui, on trouve aussi le verre, le plexiglas... Et moi je travaille sur cette recherche depuis 2012. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Ce travail est une évolution». Sa mère, lit-on dans le catalogue, avait l'habitude de porter son enfant sur le dos. Elle a placé un jour, entre elle et lui, un qorchâl métallique et tranchant. Hajoubi fait de la répétition de cet outil dans son œuvre le symbole paradoxal d'une séparation et d'un lien. Très présent, le plexiglas est tordu, aux volumes et contours comme déchirés, lui fait-on remarquer. «Ce n'est pas une déchirure, mais une déformation», précise Hajoubi. «Des choses déformées peuvent être de belles choses. Quelqu'un de déformé n'est pas moche, cela fait ressortir sa beauté intérieure. C'est donc très beau, pour moi.» Un autre thématique se dégage, unique dans certaines pièces, en interaction avec la laine dans d'autres. Elle présente quelque chose de plus enfantin, au traitement plus pop, avec un usage de la couleur très maîtrisé : les silhouettes découpées d'un enfant, avec comme un petit navire intérieur. Ce personnage récurrent du «Mage» ne semble pas très loin de la personnalité de l'artiste. «Chaque œuvre raconte une histoire unique, que ce soit par la matière, par le concept ou le dessin», ajoute Hajoubi. Ce sont ces silhouettes du Mage, taillées dans le plexiglas ou le métal, qui sont le plus souvent déformées, superposées à des panneaux de laine cardée ou suspendues en mobile translucide. Terme technique de science physique s'appliquant au métal, à l'origine, «la résilience, qui s'exprime en joules par cm2, caractérise la résistance au choc», définit le dictionnaire. Si le travail de Ahmed Hajoubi n'est pas directement narratif, de fait, une émotion forte se dégage d'un long travail sur le voyage intérieur, la réconciliation des contraires et une beauté très contemporaine. Murtada Calamy / Les Inspirations ECO