Les femmes sont aujourd'hui partout. Epouses, chefs d'entreprise, ministres, médecins, elles sont dans tous les secteurs, même les plus pointus ou ceux réservés traditionnellement aux hommes. Néanmoins, certains clichés persistent, un plafond de verre semble toujours bloquer leur ascension aux postes clés et une certain responsabilité des femmes elles-mêmes entravent les avancées en matière de parité en entreprise. Pour arriver là où elles en sont, les invités de la table ronde des Inspirations ECO ont toutes dû batailler pour se faire une place dans un monde où les hommes sont le plus souvent aux commandes. Rajaâ Cherkaoui El Moursli, enseignante, chercheuse, spécialiste en physique nucléaire, a fait les frais de cette dominance masculine dans son domaine. «Souvent quand j'arrivais en réunion, j'avais l'impression qu'une réunion avait eu lieu avant entre hommes dans un café ou autres», confie-t-elle à la salle. Selon la chercheuse, le problème est d'autant plus ancré, étant donné que «le travail en entreprise actuellement, la façon de travailler, elle est faite par l'homme pour l'homme, rien n'est fait pour la femme». Le regard sur la femme doit changer Le même constat a été partagé par Fatima-Zahra Ouriaghli, vice-présidente du Conseil national de la presse au Maroc : «Dans beaucoup d'entreprises, le regard porté sur l'homme n'est pas le même que celui porté sur la femme». Et de souligner : «Des stéréotypes pèsent encore sur la femme. Normalement dans une entreprise, il doit y avoir une égalité entre hommes et femmes, elle n'est pas moins intelligente, moins productive, elle ne donne pas moins de rendement, bien au contraire. La femme assume, assure et essaye au mieux de concilier entre sa mission principale, qui est celle de mère et maître du foyer familial et aussi ses engagements personnels». Selon la femme des médias, «tout ça est lié au management au sein de l'entreprise et au regard qu'on porte sur la femme». Ce regard souvent rabaissant et discriminatoire «doit changer», et cela devrait passer «au niveau du département des ressources humaines de chaque entreprise», explique-t-elle. Le changement a déjà commencé ailleurs, indique Rajaâ Cherkaoui El Moursli. «Quelques grandes entreprises internationales ont déjà commencé à mettre en place des dispositifs, afin que la femme puisse concilier entre sa vie familiale et sa vie professionnelle», notamment en Espagne où «une collègue m'avait une fois expliqué qu'elle pouvait libérer une journée entière pour elle, si elle parvenait à terminer toutes ses heures hebdomadaires», confie-t-elle. La femme est son propre frein Salariée autrefois, Maria Ait M'Hamed, actuellement présidente de l'Union des agences de conseil en communication, a fini par créer sa propre entreprise afin d'instaurer ses propres règles. «La femme est souvent le premier obstacle à l'évolution de la femme», a-t-elle observé. D'abord, une forme d'autocensure s'installe chez les femmes en entreprise, les empêchant d'exprimer leurs besoins, soutient Maria Ait M'Hamed. «Les études le prouvent, les femmes demandent moins souvent des augmentations que les hommes et réclament moins que les hommes. Nous sommes peut-être aussi conditionnées pour nous contenter de ce qu'on a», rappelle-t-elle. «C'est à la femme de se battre pour se faire une place. Quand nous voyons deux hommes se battre pour un même poste, ils ne se font pas de cadeaux entre eux, la femme non plus ne doit pas en faire et doit se battre jusqu'au bout. Certains de mes collègues arrivaient à en oublier que je suis une femme. C'est donc à la femme de batailler, mais aussi à l'entreprise de ne pas oublier qu'une femme a des engagements familiaux», estime, pour sa part, Rajaâ Cherkaoui El Moursli. Toutefois, «même en exprimant ses besoins et attentes, la femme se retrouve des fois face à un mur», a souligné Maria Ait M'Hamed. «Il est important de souligner qu'on ne cherche pas l'égalité, mais l'équité. L'égalité des chances ne doit pas rimer avec l'instauration des mêmes conditions. La femme, de par ses contraintes, doit disposer de conditions de travail qui lui sont adaptées», affirme la patronne de l'agence Bonzai qui estime que les femmes sont, souvent, dures envers les autres femmes. «J'ai déjà eu des patrons femmes qui étaient plus dures que les hommes envers les femmes. Elles se disent peut-être qu'elles sont déjà passées par là et qu'elles devaient faire leurs preuves, alors les prochaines aussi», exprime-t-elle, notant tout de même l'émergence d'une certaine solidarité féminine et une sorte de sororité dans quelques entreprises. «Si l'on arrive à mettre en place une certaine sororité dans les entreprises, alors on pourra changer énormément de choses», souhaite Maria Ait M'Hamed. Le travail doit émaner d'abord des femmes elles-mêmes, selon nos intervenantes, en créant une certaine solidarité entre elles, en éduquant au mieux les générations futures et en se battant pour obtenir ce qu'elles méritent et qui ne peut que faire bénéficier l'entreprise et la société dans sa globalité. Fatima-Zahra Ouriaghli Vice-présidente du Conseil national de la presse «Des stéréotypes pèsent encore sur la femme. Normalement, dans une entreprise, il doit y avoir une égalité entre hommes et femmes, elle n'est pas moins intelligente, moins productive, elle ne donne pas moins de rendement, bien au contraire. La femme assume, assure et essaye au mieux de concilier entre sa mission principale, qui est celle de mère et maître du foyer et aussi ses engagements personnels». Maria Ait M'Hamed Présidente de l'Union des agences de conseil en communication «Demain le Code du travail marocain doit pouvoir donner un coup de boost à la femme et mettre en place des lois pour l'épauler, notamment en prolongeant son congé de maternité et en prolongeant aussi celui de l'homme, qui ne bénéficie que de deux semaines, mais qui, une fois allongé, permettra d'alléger le fardeau de la femme. C'est aujourd'hui que ça se passe et c'est ce qui permettra de faire évoluer plus rapidement les mentalités». Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO