Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales) Le Palais Brongniart, à Paris, a accueilli, les 22 et 23 juin 2023, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Ont participé à cet événement une quarantaine de Chefs d'Etat et de gouvernement, les dirigeants des grandes organisations internationales, et les grands patrons du secteur public et privé. Le but de ce sommet était de réformer en profondeur le système financier mondial afin de le rendre plus efficace et plus équitable. Les deux objectifs visés sont la lutte contre le changement climatique et la pauvreté. Les dégâts causés par le changement climatique sont de plus en plus catastrophiques, alors que les pays à faible revenu n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour y faire face. Le monde vit également durant ces trois dernières armées une polycrise causée par la pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui ont entraîné une inflation galopante dans la plupart des pays. Les experts ont calculé, du fait de cette polycrise, que 120 millions de personnes dans le monde sont tombées dans la pauvreté, et que l'indice de développement humain (IDH) a reculé dans 9 pays sur 10. Le président brésilien Lula a critiqué l'inertie de la communauté internationale en matière de lutte contre le changement climatique, la réduction des inégalités et du protectionnisme des Occidentaux. «Celui qui était riche est resté riche, celui qui est pauvre est resté pauvre», a-t-il affirmé. Le système financier international a été créé par les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, et ne répond plus aux besoins des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Ces derniers sont sous-représentés dans les organisations financières internationales (Banque mondiale et FMI) et au G20. Les pays en développement souffrent cruellement d'un manque d'investissements, faute de financement. Cette situation et les promesses non tenues par les Occidentaux ont poussé plusieurs pays du «Sud global» à se rapprocher des BRICS et à demander même leur adhésion à ce groupement. Pour répondre partiellement à ces critiques, le Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial a pris ou proposé plusieurs mesures en faveur des pays en développement. C'est ainsi qu'un consensus a été obtenu pour la suspension automatique du service de la dette à tout pays qui subit une catastrophe naturelle. Le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, a promis de son côté de mettre en œuvre de nouveaux instruments de l'aide internationale, et d'offrir une pause dans le remboursement de la dette en cas de nécessité. Le sommet a décidé de mobiliser 2,5 milliards d'euros pour aider le Sénégal à réduire sa dépendance vis-à-vis du fioul lourd. Il a décidé également d'alléger la dette de la Zambie par la restructuration de 6,3 milliards de dollars sur un total de 18,6 milliards d'emprunts étrangers. La directrice générale du FMI, Kristalina Georigieva, a déclaré que la réallocation des DTS (Droits de tirage spéciaux) aux pays pauvres a atteint les 100 milliards de dollars qui étaient promis. Les représentants de 22 pays ainsi que l'Union européenne ont accepté la proposition du sommet de taxer le transport maritime, ce qui rapporterait 100 milliards d'euros par an. Cette proposition sera soumise à la réunion de l'Organisation maritime internationale (OMI) qui aura lieu au mois de juillet prochain. Pour que cette proposition soit applicable, il faut l'accord des grands pays maritimes tels que la Chine et les Etats-Unis. Il a été proposé également une taxe sur l'extraction des énergies fossiles. Mais la taxe la plus rémunératrice serait la taxation des transactions financières qui, appliquée aux pays du G20, rapporterait 400 milliards d'euros par an. Le sommet a enfin incité la Banque mondiale à multiplier par trois ses financements en faveur des pays à revenu faible et intermédiaire en affinant son ciblage, en améliorant sa capacité de prêts, et en simplifiant la procédure d'octroi de prêts. En conclusion, le Sommet de Paris n'a pas été le big-bang espéré pour réformer en profondeur le pacte financier mondial. D'ailleurs, il n'a pas donné lieu à une Déclaration commune, mais à un simple résumé rédigé par la partie française. Certes, quelques mesures concrètes ont été prises, mais insuffisantes pour transformer globalement le système financier international. Cette transformation n'aura pas lieu sans l'accord des Etats-Unis qui sont à l'origine de la création des institutions de Bretton Woods, et du fait de la prépondérance du dollar dans les transactions internationales, et dans les réserves des banques centrales de pratiquement tous les pays. Le nouveau pacte financier mondial sera certainement réexaminé cette année lors des prochaines réunions internationales : le Sommet du G20 en Inde, en septembre, les Assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech en octobre, et la Cop28 à Dubaï du 13 novembre au 12 décembre. Cette réforme par l'Occident du pacte financier mondial est nécessaire, car la Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS, basée à Shanghai, ambitionne de devenir un concurrent sérieux de la Banque mondiale. Le Maroc doit suivre avec attention l'évolution de ce dossier du pacte financier mondial pour en tirer le maximum de profit en tant que pays à revenu intermédiaire.