Après plusieurs reports, la généralisation du Régime d'assistance médicale pour les économiquement démunis (RAMED) a été annoncée avant la fin de l'année. C'est la ministre de la Santé publique Yasmina Baddou qui en avait fait récemment l'annonce avant qu'elle ne soit confirmée par le chef du gouvernement Abbas El Fassi, lors de sa rencontre avec les responsables des partis politiques où il a fait état de l'élargissement progressif de la couverture médicale au niveau de toutes les régions du pays. Pour une fois que la décision s'est faite sur instructions royales et au vu du contexte social, les professionnels s'accordent à croire que c'est la bonne. Lancée en 2008, l'initiative à caractère social a d'abord été mise en œuvre dans la région de Tadla-Azilal afin de juger de sa viabilité. Initialement, sa généralisation progressive aux autres régions du pays devait intervenir au plus tard en 2010. Cependant, l'expérience pilote a relevé plusieurs dysfonctionnements que la commission ministérielle en charge du dossier s'est attelée à corriger. Pourtant, même si la ministre a attesté des résultats positifs enregistrés à l'issue du bilan de la phase pilote, beaucoup reste à faire afin d'apporter les réajustements nécessaires pour une mise en œuvre complète et efficace du Ramed. À ce titre justement, les recommandations de l'enquête d'évaluation menée par le cabinet d'audit et de conseil EMC sur la période 2009 dans la région ne semblent pas encore avoir trouvé les réponses nécessaires du côté de la commission qui de l'avis même de la ministre continuera à «veiller à la mise en place des mécanismes à même de garantir la réussite de la généralisation de l'assistance médicale au profit des démunis». Ce qui laisse clairement entendre que des réajustements sont encore nécessaires au-delà de ceux jusque-là validés comme la simplification du formulaire d'identification. Dysfonctionnements en série L'enquête menée par EMC conseil et audit a en effet mis en lumière plusieurs lacunes ayant entaché la bonne mise en œuvre du Ramed lors de la phase pilote. Outre l'inadaptation du système de pilotage et du cadre juridique dans lequel a été inscrit le processus, c'est surtout l'aspect relatif aux critères d'éligibilité du régime qui pose de sérieux problèmes. D'une part, la population cible de cette mesure qui concernera 8,5 millions de personnes, soit près de 28% de la population, a été calculée sur la base des données de 2004. Or, ces données, notamment celles relatives aux personnes vulnérables que cible le Ramed (indigents relatifs et démunis absolus) ne permettent pas autant de visibilité que l'enquête du HCP de 2007 sur la vulnérabilité que le cabinet a jugée plus pertinente. Un autre aspect, considéré comme le plus épineux, est celui relatif au scoring nécessaire pour obtenir la carte d'indigénat et qui est du ressort de l'administration territoriale locale. Plusieurs associations et professionnels du secteur ont ainsi émis des doutes sur la sincérité et donc la fiabilité des données et le mode opératoire choisi, qui est de nature à ouvrir les brèches pour tous les excès et les abus, surtout que certaines informations sont basées sur des considérations subjectives, notamment au niveau des déclarations faites par les bénéficiaires. À partir de quel seuil peut-on considérer quelqu'un comme démuni ? Surtout que les conditions de vie peuvent varier d'une région à une autre. À un autre niveau, se pose le problème d'inadéquation des médicaments ou maladies concernées en fonction des besoins de la population. Egalement pointée du doigt, la coordination entre les institutions en charge de la mise en œuvre de la mesure, et le problème d'informations nécessaires permettant aux populations bénéficiaires de connaître véritablement l'enjeu de l'initiative et son processus de mise en œuvre. De plus, le mécanisme de prise en charge par les communes d'une partie des frais liés au Ramed n'a pas encore été clairement défini. La mise en œuvre du Ramed nécessitera, en effet, une enveloppe annuelle de 2,8 milliards de DH, dont 75% pris en charge par l'Etat, 6% par les collectivités locales et 6% par les bénéficiaires qui contribueront à hauteur de 120 DH par personne éligible avec un plafond de 600 DH par ménage. En outre, la limitation des maladies et interventions médicales couvertes ne permet pas une prise en charge effective, même si Baddou a indiqué qu'il y aurait un élargissement dans les brefs délais de cette liste ainsi que celle des médicaments y afférents. Certaines associations qui œuvrent dans le même cadre ont émis également le souhait d'appliquer le principe de «tiers payant» afin de garantir la rentabilité du régime pour toutes les parties concernées par sa mise en œuvre. L'un dans l'autre, il appartiendra à la commission de se pencher à apporter les correctifs nécessaires au fur et à mesure de la généralisation du Ramed afin que le caractère social et solidaire du Ramed soit préservé. En dépit de sa pertinence dans le cadre de l'assistance aux populations vulnérables, certains errements peuvent en effet découler sur l'instauration d'un climat de frustration comme l'ont démontré plusieurs expériences menées dans certaines régions et dans un cadre similaire, celui d'entraide nationale. A.Y.B