La rentrée scolaire 2022-2023 est-elle déjà compromise? La question est loin d'être fantaisiste. À seulement quelques jours de ce rendez-vous, une possible pénurie de manuels scolaires est annoncée par les professionnels qui subissent de plein fouet la flambée des prix des intrants. À défaut d'une révision à la hausse des prix de vente, les éditeurs réclament les subventions promises par l'Etat pour se rattraper sur leurs investissements. Les élèves ont encore quelques jours de vacances avant la rentrée scolaire qui s'annonce électrique pour le 5 septembre prochain. Et pour cause, si durant les deux années précédentes la pandémie de Covid-19 a été au cœur de ce rendez-vous, cette fois-ci, c'est un autre dossier, pour le moins épineux, qui sera sur la table du ministère de l'Education nationale, du préscolaire et des sports. Les éditeurs des livres scolaires, qui refusent de produire à perte, ont bien l'intention de se faire entendre. Alors que les intrants destinés à la production des manuels scolaires ont connu des hausses importantes, ces derniers exigent une révision des prix de vente fixés par l'Etat. L'Exécutif s'est déjà prononcé à ce sujet en juin dernier affirmant examiner la demande des éditeurs pour revoir les prix des livres scolaires à la hausse, suite à la flambée des prix des intrants et matières premières. «Le gouvernement a reçu une demande de la part des éditeurs pour l'augmentation des prix des livres scolaires, suite à la hausse des prix des matières premières, mais je peux vous assurer que rien n'a encore été décidé à ce jour», avait déclaré en juin dernier le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas. Pas de révision des prix La demande de révision des prix à la hausse, qui concerne 186 manuels du primaire et du collège, sera finalement rejetée. Par contre, une subvention aux livres scolaires, pour éviter une hausse de leur prix et adoucir le coût de la prochaine rentrée, avait été décidée à la place. Mais, jusqu'ici, cette promesse dort encore dans les tiroirs de la tutelle. Il semble que les négociations entre le département dirigé par Chakib Benmoussa et les acteurs sont toujours en cours pour débloquer la situation. Des négociations qui ont déjà assez duré, regrettent les professionnels. «Les éditeurs attendent toujours la subvention de l'Etat pour procéder à la livraison des livres sur le marché», a indiqué, jeudi 11 août, Hassan El Kamoun, président de l'Association des libraires indépendants du Maroc, prédisant une rentrée scolaire difficile qui risque de "s'étaler". Pendant ce temps, les libraires se tournent les pouces sans aucune perspective rassurante. Une bonne partie des livres destinés à la rentrée ont été déjà sortis des imprimeries, mais les éditeurs refusent de les livrer aux distributeurs. Car ceux-ci ont été produits avec des intrants dont les prix ont connu des pics cette année, déplore El Kamoun, rappelant que le coût du papier a augmenté de 120%, voire 140%, sur le marché international. Alors que le bois se fait de plus en plus rare, à cause notamment des restrictions plus contraignantes sur la coupe des arbres et de la hausse des tarifs de la logistique mondiale, dans un contexte d'augmentations massives sur des produits de grande consommation en papier, certains fabricants ont été obligés de doubler, voire tripler, leurs tarifs. Résultat: les prix, fixés par l'Etat et restés figés face à l'envolée des cours du papier et des autres intrants, sont devenus caducs. Pour rappel, en janvier dernier, la tutelle avait remis aux éditeurs concernés des annexes aux contrats d'édition et d'impression des manuels approuvés, en prévision de l'année scolaire 2022-2023. Ces annexes, qui font office d'autorisation d'impression, concernent plusieurs centaines de manuels. Pour les professionnels, ces contrats sont considérés comme "has been" car étant daté d'une vingtaine d'années au moins et, par conséquent, il fallait procéder à une révision des avenants pour pouvoir réimprimer les manuels scolaires. Aujourd'hui, la balle est dans le camp du ministère, qui peut soit subventionner le papier, soit réviser à la hausse les prix de vente au public ou carrément libéraliser les prix, de l'avis de certains éditeurs. Une seule certitude, en cas de "no-deal": il pourrait y avoir une pénurie de livres au Maroc; ce qui pourrait compromettre la rentrée scolaire. Khadim Mbaye / Les Inspirations ECO