Dans un nouveau diagnostic, la Cour des comptes rappelle la nécessité d'amorcer rapidement la réforme systémique. Les atermoiements mettent en péril le régime des pensions civiles géré par la Caisse marocaine de retraite. Même si la pression est légèrement moins forte sur le RG-RCAR et la branche retraite de la CNSS, ils méritent tout aussi un traitement d'urgence au risque de constituer une véritable menace pour les finances publiques. Une bombe à retardement. C'est ce que représente l'inertie sur la réforme des retraites pour les finances publiques. Dans un énième diagnostic, la Cour des comptes rappelle la nécessité d'amorcer dès que possible la réforme systémique en accélérant le rythme des réformes paramétriques en vue de la convergence vers le pôle public. Les différents gouvernements qui se sont succédé n'ont pas fait beaucoup avancer ce dossier. Les magistrats de la Cour des comptes invitent l'Exécutif à s'engager sur une feuille de route claire consacrée par une loi-cadre fixant, entre autres, les objectifs, les principes directeurs, la gouvernance, le calendrier de mise en œuvre et de transition vers le système cible. Il faudra aussi s'attaquer à la couverture de la dette implicite. Celle du régime des pensions civiles géré par la Caisse marocaine des retraites (RPC-CMR) est évaluée à 415 milliards de DH en 2019, ce qui pèse lourdement sur sa situation financière. Le régime des fonctionnaires suscite le plus d'inquiétude. Il sera confronté au risque de liquidité à partir de 2023 et ses réserves encourent le risque d'épuisement à l'horizon 2026. Il est le plus vulnérable aux ajournements de la réforme systémique. «Les difficultés du RPC-CMR sont essentiellement structurelles que la consolidation hypothétique du système, dans le cadre de cette réforme systémique, n'apporterait pas de solution pérenne et soutenable. Même avec l'option de financer la dette par la dynamique démographique, le retard enregistré dans la concrétisation du pôle public impactera significativement ce choix», avertit la Cour des comptes. La pression est moins forte sur le régime général du Régime collectif d'allocation de retraite (RG-RCAR), mais il serait amené à partir de 2028 à puiser dans les réserves pour financer ses prestations. Les paramètres du régime ont été ajustés en juin dernier. Cependant, «la réforme n'a pas prévu l'alignement de l'âge légal de départ à la retraite du régime sur le RPC-CMR en vue d'un futur rapprochement dans le cadre du pôle public», s'étonne l'institution présidée par Zineb El Adaoui qui critique globalement le cloisonnement des régimes et l'absence d'harmonisation des règles de fonctionnement. La sous-tarification des droits accordés pour la branche retraite de la CNSS et le RG-RCAR menacent leur pérennité. En cas de statu quo, le premier déficit technique (branche long terme retraite CNSS) apparaîtrait en 2029 et l'épuisement des réserves interviendrait en 2046. Seulement 43% de la population active couverte 4,4 millions de Marocains sont couverts par un régime de retraite de base, soit seulement 43% de la population active. Les femmes jouissent d'une couverture plus large avec un taux de 61% contre 37% pour les hommes. La population non couverte, soit 6,3 millions d'actifs, est constituée principalement des travailleurs non salariés et une part importante de salariés non déclarés auprès de la CNSS. Bien que la couverture des travailleurs non salariés soulève de nombreux défis, la Cour des comptes préconise une révision de la réglementation en vigueur qui régit le régime de couverture retraite des travailleurs non-salariés, notamment en ce qui concerne sa structure de base, ses principaux paramètres, son fonctionnement et sa gouvernance. Des taux de remplacement assez disparates En fonction du régime, le montant de la pension peut s'écarter considérablement de la situation salariale en fin de carrière. Cette disparité s'explique par la différence entre les mécanismes d'acquisition des droits. En 2020, la pension médiane à la CNSS s'élevait à 1.627 DH, c'est-à-dire que la moitié des retraités touchent une pension mensuelle inférieure à 1.627 DH. Le montant médian est de 6.451 DH au niveau du régime RPC-CMR et 4.262 DH au RG-RCAR. Frank Fagnon / Les Inspirations ECO