L'apparition d'un marché du carbone et la possibilité de racheter des droits à polluer sont l'une des conséquences du protocole adopté à Kyoto en 1997. La finance du carbone est une branche de la finance développée, découlant des mécanismes de marché inclus dans ce même protocole. Selon la Banque mondiale, le marché mondial du carbone pourrait atteindre 565 milliards de dollars d'ici 2020. L'Europe reste le principal moteur de ce marché, qu'elle a contribué à stimuler en se fixant l'objectif d'une diminution de 20% des émissions à l'horizon 2020. Elle a procédé à la fixation de quotas réglementés pour ses industries d'électricité, de papier, de ciment et de sidérurgie, ce qui a permis l'organisation d'un marché des crédits carbone. Les certificats verts sont la panacée Découlant des recommandations de Kyoto aux pays développés, afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), des mécanismes favorisant des investissements financiers dans des technologies vertes ont été mis en place. Parmi ces mécanismes, le système de certificats verts a été créé pour renforcer l'introduction des énergies renouvelables et les rendre compétitives sur le marché de l'électricité. Ils ont pour principal avantage de pouvoir s'adapter au nouveau contexte concurrentiel qui s'impose dans les industries électriques. On pourrait, par analogie, comparer les certificats verts aux Appellations d'origine contrôlée (AOC) qui prévalent dans le domaine vinicole. S'il s'agit bien de récompenser une qualité dans la technique de production et d'en assurer la traçabilité du producteur jusqu'au consommateur final, le certificat vert trouve son domaine d'application spécifiquement dans le secteur de l'électricité. Partant du fait que, si la consommation d'électricité renouvelable augmente, la consommation d'électricité produite par combustibles fossiles diminue. En conséquence, les émissions de CO2 diminuent. Les certificats verts doivent permettre à des opérateurs électriques de satisfaire au moindre coût à une quote-part d'électricité verte. Un certificat vert représente une production d'un MWh d'énergie propre. L'originalité du certificat vert, c'est qu'il peut être vendu au consommateur avec de l'électricité qui est tout sauf verte. Ainsi, un distributeur qui se fournit en achetant de l'électricité d'origine nucléaire peut très bien revendiquer dans ses prospectus commerciaux son attachement aux valeurs du développement durable simplement grâce aux certificats verts qu'il aura acquis sur le marché. La plupart des producteurs d'électricité verte ne se gênent d'ailleurs pas pour procéder ainsi. Au premier abord, cela peut paraître un peu surprenant. Surprenant ne veut pas dire contraire au sens moral. Finalement, le certificat vert est un montage astucieux qui permet de «décorréler» les moyens de production et l'image marketing. Le producteur peu respectueux de l'environnement se rachète une conduite en acquérant des certificats verts qui ont été émis pour leur part dans des installations plus écologiques et certifiées comme telles par un organisme indépendant. Par cet acte purement financier, le producteur-pollueur contribue donc à financer des installations de production d'énergie renouvelable qui injecteront dans le réseau un courant propre qui sera commercialisé sans certificat vert. Le marché des certificats verts est un marché purement financier. La production d'électricité renouvelable est valorisée par les producteurs de deux façons complémentaires: d'une part, par la vente d'électricité sur le réseau aux conditions du marché et, d'autre part, par la vente des certificats aux opérateurs soumis à des quotas de production d'électricité renouvelable. Le prix du certificat vert correspond, de ce fait, à la différence entre le coût marginal de production de l'électricité d'origine renouvelable et le prix de l'électricité sur le marché de gros. Un certificat vert est un titre remis par une autorité compétente, en l'occurrence la RECS dans le cas de l'UE, à tout producteur d'électricité faisant la preuve d'une production d'énergie renouvelable. Qu'en est-il du Maroc ? Le Maroc est engagé dans plusieurs accords et conventions dans le cadre des projets MDP (Mécanisme de développement propre) destinés aux Etats et aux industries des pays en voie de développement. Le gouvernement espère ainsi valoriser ses installations d'énergie renouvelable et atteindre une taille critique à l'horizon 2020, ce qui lui permettra de réaliser des bénéfices sur le marché financier des certificats verts. Le Maroc œuvre également pour drainer autant d'investissements et de partenariats qu'il peut, afin de doper la réalisation d'installations génératrices d'électricité verte. Ce faisant, le programme «EnergiPro» répond sur le volet de l'éolien à ce défi et permettra aux clients industriels, désireux de construire leur propre centrale à base d'énergie renouvelable, de bénéficier du service de transport de l'énergie produite du site de production au site de consommation, moyennant le paiement d'une rémunération de transport. Le développement de l'éolien se fera par l'autoproduction et la production indépendante avec garantie d'achat. Parmi les mesures incitatives, on retiendra le relèvement du seuil d'autoproduction de 10 Mw à 50 Mw selon la loi 16/08. Plusieurs opérateurs marocains et étrangers prennent part à ce programme, Il y a notamment les projets Endesa avec 200 Mw, Nareva avec 200 Mw, UPC avec 100 Mw, Ynna Holding avec 70 MW, l'OCP avec 100 Mw, Cimar avec 50 Mw, Avante également avec 50 Mw, Asment Témara avec 30 Mw et l'ONE Tarfaya avec 300 Mw. Actuellement, le Maroc dispose d'une capacité de 264 Mw, mais l'objectif est d'atteindre 1.554 Mw à l'horizon 2012 et 2200 à l'horizon 2020. Quid RECS International est une organisation européenne à but non lucratif enregistrée à Bruxelles et cooptée par l'Union européenne. RECS signifie Renewable Energy Certificate System. C'est un système harmonisé de traçabilité et de certification de l'électricité d'origine renouvelable. Actif depuis 2001, il permet à ses membres, qui sont des producteurs d'énergies renouvelables, des commerçants, des fournisseurs d'électricité et des traders en Europe mais aussi en Afrique du Sud, aux Etats-Unis et au Canada, de détenir des certificats RECS. Dépendant de European Energy Certificate System, le RECS préconise l'établissement de certificats verts comme preuve de production d'une quantité d'énergie renouvelable standard et fournit une méthodologie qui permet la création d'un marché financier pour l'électricité verte. Ces certificats sont un instrument de politique énergétique visant à développer l'installation de centrales de production d'électricité propre. Les pays du Sud marginalisés Le marché carbone n'a finalement pas fait la Une des enjeux du sommet de Copenhague. Les projets financés se concentrent presque exclusivement en Chine et en Asie du Sud-est pour des critères liés à la rentabilité. L'Afrique est bien évidemment délaissée par les multinationales se basant sur les mêmes critères, mais inversement. La proposition qui est sur la table actuellement est de créer un marché mondial du carbone intégralement connecté. Pourtant, de nombreuses ONG pensent que si une telle proposition devait voir le jour, elle ne ferait que renforcer l'instabilité de ces marchés et léserait davantage les pays du Sud. Dynamisation de la finance carbone Lors d'une conférence de presse à Copenhague, la Banque mondiale a demandé aux traders de dynamiser l'expansion de la finance carbone, tout en faisant prévaloir sa compétence. Cette demande a été décriée par les ONG, ainsi que par la plupart des pays du Sud, qui dénoncent des financements de projets socialement injustes. Pour eux, la finance carbone n'est pas la solution, mais une partie du problème. Il était plus qu'opportun de poser ces débats sur la table à Copenhague, car, finalement, pour l'ONG CJN, derrière les volontés d'étendre les marchés carbone et les mécanismes financiers de compensation se négocie la possibilité de maintenir hors marché les biens communs de l'humanité et la gestion des ressources naturelles. Les pays du Sud dénoncent en outre le peu d'engagement des pays industrialisés, qui pensent pouvoir sauver le climat en gardant le même système économique libéral dans lequel nous vivons. Pour des ONG comme Greenpeace, c'est ce même système qui a facilité le réchauffement climatique en favorisant la prédation des ressources naturelles et la mise en concurrence des populations. En somme, les pays industrialisés veulent repeindre en vert le capitalisme. Est-ce suffisant? Les débats sur le marché carbone ont été décalés de six mois et vont être discutés en 2010. Peut-être s'agit-il d'une stratégie des financiers du marché carbone d'exclure les ONG du débat? «Le Maroc se positionne comme un bon partenaire pour l'Europe»:Mohamed Berdai, Directeur de la coopération internationale au CDER* Les échos: Est-ce que le Maroc dispose de son propre mécanisme d'émission de certificats verts? Mohamed Berdai: Le Maroc ne dispose pas encore d'un tel mécanisme. Toutefois, nous avons développé des possibilités de coopération avec des pays comme la Belgique et l'Italie. Le Maroc est en train de préparer tous les préalables requis afin de permettre une exploitation optimale des accords réalisés dans le cadre des MDP. Le tarif de rachat garanti étant généralisé à toute l'Europe, le marché devient très rentable. La directive européenne a placé la barre très haut en matière d'émissions CO2 et en amélioration de l'efficacité énergique. Elle recommande de développer les énergies renouvelables à hauteur de 20%. Pensez-vous que ce système de certificats verts est un système transitoire? Je pense au contraire, que les certificats verts ont de l'avenir. Même avec l'expiration du protocole de Kyoto, il est prévu qu'en 2010, et découlant des débats qui ont animé le sommet de Copenhague, de prolonger ces mécanismes financiers qui ont prouvé leur efficacité dans le développement des énergies renouvelables. Le Maroc se dote en capacité de production d'énergies renouvelables pour être de la partie dans un marché mondial en très forte croissance, mais il reste encore beaucoup à faire. Qu'en est il des réalisations en efficacité énergétique? Sous l'impulsion du ministère de tutelle, nous développons actuellement plusieurs projets de production d'énergies renouvelables avec des efforts diversifiés sur le solaire, l'éolien et le photovoltaïque. Là encore, je pense que le Maroc a développé des projets ambitieux en la matière et se positionne comme un bon partenaire pour l'Europe. *Centre des énergies renouvelables