Le dialogue social est une pièce qui se joue en plusieurs actes. En préparation de la réunion entre la Primature et les représentants des différentes centrales syndicales, qui aura lieu d'ici la fin de l'année, une réunion a rassemblé les représentants de l'Union marocaine du travail (UMT) et pas moins de trois ministres : Jamal Rhmani pour l'Emploi, Nizar Baraka pour les Affaires économiques et générales et Mohamed Abbou pour la Modernisation des secteurs publics sans oublier les représentants des différents départements ministériels. L'occasion de faire le point sur les acquis, mais aussi d'identifier et surtout de mettre à plat les divergences entre le gouvernement et les syndicalistes. Ainsi, il a été confirmé que l'extension de l'AMO aux soins ambulatoires, après avoir été validée, verra enfin son décret d'application publié en janvier au Bulletin officiel. Mais la vraie avancée concerne l'Indemnité pour perte d'emploi (IPE). Un accord de principe avait été donné par la Primature quant à l'instauration de cette indemnité, sans toutefois préciser les taux de cotisation ou même les parties cotisantes. Les syndicats demandant plus d'engagement de la part du patronat, ces derniers privilégient plutôt un mode de cotisation à parts égales entre l'employeur et le salarié. L'idée avait été avancée que l'Etat soit l'une de ces parties, mais cette revendication des syndicalistes était restée un vœu pieux. C'est désormais du passé, «l'Etat a donné son accord pour supporter une part des cotisations, c'est une avancée non négligeable» se félicite Miloudi Moukharrik de l'UMT. Reste désormais à fignoler quelques détails, comme la création d'un établissement, sous forme de Fonds ou de Caisse nationale, qui centralisera et gèrera ces cotisations. Majoration du Smig et fiscalité Le Premier ministre tranchera ce sujet d'ici la fin de l'année lors du dernier round du dialogue social. Round qui risque d'être houleux, car s'il y a une question qui fâche, c'est bien celle de la fiscalité, principalement sur les salaires. «La diminution de la pression fiscale est insuffisante», martèle le syndicaliste UMT, qui estime que l'impact de la révision de l'impôt sur le revenu reste très marginal, principalement en raison des bas salaires. «Compte tenu du niveau de vie, nous demandons à ce que le Smig atteigne 3.000 DH, et que les salaires en général bénéficient d'une valorisation d'au moins 30%. C'est vraiment le strict minimum pour mener une vie décente», estime Moukharrik. Si aucun engagement ferme n'a été pris à ce sujet par le gouvernement, le feu vert a tout de même été donné à l'ouverture de négociations sectorielles, en vue de préparer ce qui semble d'ores et déjà comme l'un des grands chantiers de 2010 : la réforme du système fiscal. «Les Marocains subissent les taux d'imposition les plus élevés de tout le bassin méditerranéen, vous trouvez cela normal ?». Une interrogation légitime, qui ne manquera pas d'être remise sur la table des négociations lors de la prochaine réunion avec la Primature, dans les quelques jours qui suivent. Philosophie fiscale «Pourquoi payons-nous des impôts ?». Bien qu'elle semble, de prime abord, saugrenue, Miloudi Moukharrik, de l'UMT, pose cette question avec le plus grand sérieux du monde. Et pour cause, le délégué UMT met en balance les niveaux d'imposition, les plus élevés du pourtour méditerranéen, avec les prestations dont bénéficient les citoyens. «Les impôts servent principalement à assurer un service public de qualité, or les citoyens n'ont pas accès à un système de soins de qualité, des parents s'endettent pour inscrire leurs enfants dans l'enseignement privé, en raison de la faillite de l'Education nationale. Cela démontre à quel point l'Etat est défaillant». Les syndicalistes ne mâchent pas leurs mots. De leur point de vue, et surtout en matière d'enseignement, l'Etat doit faire un geste fort envers les Marocains qui cherchent à prodiguer une éducation de qualité à leur progéniture. «Nous demandons à ce que les frais de scolarité soient défalqués du revenu imposable, et aussi que les salaires de moins de 5.000 DH soient totalement exonérés». Cette révision de la logique des salaires, et du système fiscal en général, sera certainement l'un des grands chantiers de 2010, le but étant, pour les syndicats, d'adopter un système fiscal à visage humain. Peut-être saurons-nous alors pourquoi nous payons des impôts.