Pour réaliser son nouveau rapport thématique, une équipe du Conseil national des droits de l'homme a effectué des visites dans 15 établissements pénitentiers, du 31 janvier au 19 juin 2012. Les commissions régionales des droits de l'homme ont elles aussi participé à cette nouvelle enquête. L'approche genre a été la première à guider les recommandations finales du document intitulé «La crise des prisons, une responsabilité partagée». Les visites aux lieux de détention ont «voulu s'arrêter, de manière objective et précise, sur les violations qui pourraient porter atteinte aux droits des détenu(e)s, identifier les causes directes et indirectes de ces violations et présenter des recommandations concernant l'adoption des dispositions législatives et administratives proactives», a indiqué Driss El Yazami, président du CNDH, qui a insisté sur «les mesures pratiques en vue de résoudre les problématiques constatées et de lutter contre les violations relevées». Pas moins de dix axes majeurs ont été abordés par le CNDH. Télécharger le Rapport CNDH de la crise des prisons Le document final liste les mesures relatives aux dysfonctionnements législatifs et budgétaires liés à l'application des lois et des procédures et enfin la gestion et le fonctionnement des établissements pénitentiers comme chantiers prioritaires dans l'amélioration des conditions de la population carcérale. Le Conseil a voulu être tatillon sur la situation vécue par des catégories comme les mineurs, les femmes détenues, les détenus atteints de maladies mentales, les personnes en situation de handicap et les toxicomanes. Une autre série de recommandations se focalise pour sa part sur les personnes atteintes de maladies chroniques. Les recommandations finales tournent autour de l'encombrement, de la malpropreté et du trafic de drogue. Les constats établis suite aux données qui ont été collectées font état de plusieurs établissements qui comptent plus de 1.200 détenus en moyenne, au moment où ils ont été conçus pour l'accueil de quelque 800 personnes. La feuille de route Si la mission de l'administration pénitentiaire qui intervient à la fin du processus pénal pour l'exécution des peines privatives de liberté prononcées par les tribunaux doit concerner l'accueil des détenus, son nouveau rôle consiste à tenter la réinsertion sociale ultérieure des détenus. De nouveaux moyens devront être mis à la disposition de l'administration pénitentiaire pour mener à bien sa politique de réadaptation et de réinsertion sociale, qui a été reléguée au second plan à cause de l'encombrement. D'autres anomalies seront, pour leur part, traitées dans le cadre de la nouvelle politique pénale recommandée par le CNDH. Les chiffres montrent que 17.000 détenus au sein des prisons ont purgé les deux tiers de leurs peines, alors que 9.000 ont une peine d'emprisonnement de moins de 6 mois à purger. Ceci ouvre de vastes horizons devant la réforme de la politique pénale à travers la mise en place de sanctions alternatives qui seraient nettement plus efficaces que la privation de la liberté. Une approche intégrée pour les prisons L'appel lancé par Driss El Yazami pour l'organisation d'un débat national sur les prisons vise à fédérer le gouvernement et le Parlement autour d'un seul état des lieux, afin de pouvoir partager les responsabilités. Si le rapport reste «clément» envers le législateur, plusieurs membres du Conseil pensent que le rôle du Parlement sera décisif pour baliser le chemin à une nouvelle politique pénale. La problématique de la détention provisoire ne se trouvera plus supportée uniquement par le département de la Justice et des libertés, mais devra concerner aussi le Parlement qui doit accélérer d'abord le processus d'adaptation de la législation marocaine aux conventions internationales, mais surtout à la Constitution. Le CNDH a recommandé de mettre en place une instance nationale chargée de la lutte contre la torture dans des délais raisonnables et après la finalisation de la nouvelle stratégie pour les centres de détention. Les réformes institutionnelles seront accompagnées par une série d'actions visant à humaniser le traitement au sein des établissements pénitentiers en assurant un contrôle régulier de la justice et des organismes habilités à émettre des avis sur la politique pénale.