«Je ne vole pas, je me rembourse , je ne cambriole pas, je récupère, je ne trafique pas, je commerce , je ne me présente pas, je m'invite, je ne mens pas, je suis déjà ce que je serais, je suis juste en avance sur la vérité : la mienne». Badia, l'héroine du film «Sur la planche», dernier né de Leila Kilani sorti le 24 octobre et présenté au Festival international de Tanger, est une rêve-olution, un conte moderne tourné dans les rues de Tanger. Ce film est une histoire de femmes-usines, le fruit d'une passion pour les petites «brodeuses de Tanger» qui tissent leurs fabrique en paille pour survivre face à un univers dure, rude et austère. C'est l'histoire de Badia, Imane, Asma et Nawal quatre jeunes femmes de vingt ans qui travaillent le jour et vivent la nuit, elles sont ouvrières réparties en deux castes : le textile et les crevettes. De l'aube à la nuitn la cadence est infernale. C'est la course contre la montre pour se fixer, travailler à l'usine, gagner son pain. Elles arrivent souvent de leurs petits patelins sans rien, sans leur famille avec un élan et une vitalité incroyables. Elles sont dans un bricolage de leurs petites vies très intuitif et très intelligent, dans une liberté de fait, pas du tout revendiquée. «On est là !» disent-elles. Le quatuor du film, Badia, Asma, Nawal, Imane sont des «t'debarrates». Des petites bricoleuses de l'urgence moins hors-la-loi que simples ouvrières, mais pas plus. «Travailler» voulant dire : course à la survie au jour le jour, la transformation des matières, des occasions, des opportunités en monnaie d'échange, payer de sa personne, de son temps et se faire rembourser par les autres. Le choix de la ville de tournage Tanger n'est pas anodin «J'ai toujours pensé que Tanger était une ville de polar. C'est indissociable dans le rapport à la ville. Cela tient à la tradition littéraire, à l'unité visuelle, au rapport à la violence... C'est une ville avec un imaginaire de la mafia, avec des héros magnifiés, une ville où il y a un rapport au temps très particulier qui fait que l'on est dans une tension permanente. Une ville interlope, faite de zones grisâtres... Il y a quelque chose d'excessif, de profondément romantique dans cette ville», souligne Leila Kilani. La réalisatrice est née à Casablanca en 1970, elle travaille comme journaliste jusqu'en 1999, et se passionne pour le cinéma muet européen et le film noir , elle se penche très vite vers la réalisation documentaire et donne naissance à «Tanger» en 2003, «Le rêve des brûleurs» en 2008 œuvre de mémoire sur les années de plomb du règne de Hassan 2. Leila Kilani remporte pour «Sur la planche», la mention spéciale du Jury pour Paris Cinéma en 2011,le prix du meilleur film étranger à Antalya en 2011 et le grand prix du festival national de Tanger en 2012