Le Maroc prépare activement les travaux de la 6e session de la Commission mixte maroco-coréenne qui se tiendront le 2 novembre prochain à Rabat. Tout dernièrement, à l'occasion des travaux de la Conférence pour la coopération économique Corée-Afrique qui se tient du 15 au 18 octobre à Séoul, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, a fait le point des préparatifs avec une importante délégation coréenne. Il faut dire que des deux côtés, la rencontre est très attendue au vu des principaux enjeux et des points qui y seront discutés. En plus du fait que cette session coïncide avec la commémoration du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Maroc et la Corée du Sud, elle intervient au moment où les deux pays se sont engagés à impulser une nouvelle dynamique de leurs relations bilatérales. C'est dans ce cadre qu'à l'issue de la rencontre qui sera présidée par les ministres de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies des deux pays, seront validés les pistes et outils permettant la mise en place d'une véritable feuille de route pour un partenariat stratégique collatéral. Ce qui constituera une réelle opportunité pour le Maroc qui a, depuis quelques années, érigé par rang de priorité, l'intensification de ses relations et des échanges commerciaux avec la Corée du sud. L'enjeu pour le royaume est à ce niveau double puisqu'il s'agit de parvenir à élargir ses parts de marchés dans les pays asiatiques, mais aussi, à servir de destination pour les IDE sud-coréens, surtout à un moment où le pays a décidé de renforcer sa présence en Afrique, sur le plan des IDE et de l'aide à la croissance inclusive, ce qui ne pourrait qu'intéresser le Maroc qui multiplie les opérations de séduction auprès des investisseurs coréens. De plus, en prélude à la rencontre de Rabat, le ministre de l'Industrie et du commerce a profité de ces assises pour inciter les opérateurs coréens à se servir des atouts géostratégiques et économiques du pays et accroître leur présence sur le continent. Plaidoyer pour l'Afrique La volonté du Maroc et de la Corée du sud de renforcer leur coopération bilatérale et surtout d'intensifier leurs échanges commerciaux coïncide avec la volonté de cette dernière d'intensifier sa présence économique en Afrique. Bien que celle-ci ait connu, ces dernières années, une évolution significative, elle est appelée à connaître un nouvel essor dans le sillage de l'intérêt que manifestent les investisseurs coréens pour le continent. Le flux des échanges commerciaux entre la Corée et l'Afrique a été estimé, pour ces dernières années à 60% et la hausse des investissements directs (IDE) de 80%. Il faut souligner que depuis 2000, le commerce avec l'Afrique a quadruplé, pour atteindre les 22 milliards de dollars. La politique de promotion des IDE coréens en Afrique constitue donc une réelle opportunité pour le Maroc, qui veut servir de relais, au vu de son expertise sur le continent, tout en améliorant le flux d'IDE coréens et en élargissant ses parts de marchés en terre coréenne. C'est d'ailleurs ce qu'a mis en avant le ministre, Abdelkader Aâmara, qui lors des entretiens qu'il a eus, la semaine dernière avec des hommes d'affaires coréens, les a incités à saisir les opportunités que leur offre le Maroc, mettant en avant le fait que le royaume «a su établir un environnement économique et institutionnel propice à l'investissement». Le ministre Aâmara a d'ailleurs profité de cette occasion pour rencontrer des responsables de grandes firmes coréennes qui envisagent de s'implanter sur le continent. Des discussions qui ont été menées entre les deux parties, il est ressorti que le Maroc figure en bonne place parmi les destinations prioritaires des investisseurs coréens, lesquels ont mis en avant «les avancées réalisées en matière de promotion de l'investissement et d'amélioration du climat des affaires au Maroc». Il faut dire que plusieurs groupes coréens sont déjà implantés dans le royaume à l'image du géant Samsung qui a annoncé, récemment, le renforcement de sa présence en Afrique de l'Ouest. Le Maroc, qui entend servir de plateforme régionale, ne manquera pas d'intensifier la promotion de la «destination Maroc» notamment de la réunion mixte maroco-coréenne de novembre prochain. En outre, le terrain est déjà balisé, comme l'illustre l'intervention du responsable du département de l'Industrie et du commerce à l'occasion du Forum économique Corée-Asie. Au cours d'un véritable plaidoyer pour le continent, le ministre marocain a balisé les pourtours d'une nouvelle forme de coopération entre l'Afrique et la Corée, invitant cette dernière à intensifier les échanges bilatéraux et multilatéraux et à encourager les investisseurs coréens à s'orienter vers les pays africains. L'objectif est selon le ministre, «de contribuer de manière active à l'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale en participant notamment au développement des infrastructures, à la création de réseaux transafricains et à la réduction de la fracture numérique». Le message semble avoir bien porté ces fruits puisqu'à l'issue du Forum, la Corée du Sud a décidé le lancement d'un fonds de 590 MUSD, sur les deux années à venir pour le financement de projets de coopération. Selon les premiers détails de cette opération, les financements coréens s'orienteront principalement vers la construction d'infrastructures à hauteur de 370 MUSD, soit de 60% du montant alloué, tandis que les nouvelles technologies, les ressources humaines ou encore l'agriculture bénéfiecieront d'un montant de 150 millions. C'est d'abord l'Afrique de l'Est qui bénéficiera des investissements coréens, avec douze projets sur les 37 sélectionnés, suivi de l'Afrique du nord avec 7 réalisations. La Corée du sud s'est également engagée à soutenir les pays africains à travers son Programme de partage des connaissances (KSP), conçu pour offrir son expérience de croissance aux pays les moins avancés. C'est d'ailleurs l'autre aspect de l'enjeu du renforcement de la coopération bilatérale puisque de l'avis de plusieurs spécialistes, le Maroc pourrait fort bien s'inspirer du modèle économique et de développement mis en œuvre par la Corée, lequel lui a permis, en moins d'un demi-siècle, de passer du statut de pays sous-développé à une économie parmi les plus développées et dynamiques dans le monde, avec à la clé un développement socio-économique et humain assez impressionnant. Partenaire au développement Le modèle de développement économique coréen, considéré comme l'un des plus réussis au monde, au vu des résultats qu'il a permis d'atteindre comporte, également assez d'éléments intéressants pour le Maroc. Principalement dans le contexte actuel où le gouvernement vise à mettre en œuvre une stratégie dite de «croissance inclusive». L'exemple vient d'ailleurs des projets mis en œuvre par l'Agence coréenne de développement (KOICA) présente au Maroc depuis 1991. La Corée du sud est, en effet, un important partenaire pour le royaume en matière de développement. En matière d'aide au développement, la KOICA n'a cessé de rehausser le volume du soutien financier accordé au Maroc dans le cadre de la mise en œuvre des programmes porteurs de valeur ajoutée (INDH, Emergence, Maroc Numeric, Plan Maroc vert). De 39.000 USD en 2000, le montant du financement annuel accordé au Maroc a atteint 7.070.000 USD à la fin de l'année 2011. Pour l'année 2012, les interventions de la KOICA ont été axées autour de trois domaines de coopération prioritaires. Il s'agit de l'éducation, de la gouvernance et du domaine de l'industrie et de l'énergie. Pour chaque domaine, deux projets sont mis en œuvre dont un volet consacré à la formation. «La contribution de la Corée au Maroc illustre son engagement à accompagner le royaume dans ses efforts pour développer ses compétences dans les domaines d'intervention de notre coopération» souligne-t-on à la représentation nationale de la KOICA. Dans le sillage du nouveau partenariat entre le Maroc et la Corée, nul doute que le renforcement de ces programmes sera au menu de l'agenda de la réunion de novembre prochain, qui s'annonce donc comme une étape cruciale pour le royaume. Une destination de choix pour l'export La Corée du Sud ne constitue pas encore un partenaire commercial majeur pour le Maroc avec une part ne dépassant pas 1% dans le commerce extérieur national. Cependant, ces dernières années les échanges entre les deux pays ont prit une nette tendance à la hausse principalement en faveur du Maroc. Alors que la valeur des importations marocaines en provenance du marché coréen ont connu une évolution à la baisse sur la période 2008 à 2011avant de progresser à 23% les deux dernières années, les exportations marocaines ont explosé. De 4,51% sur la période 2008 à 2011, l'évolution moyenne des exportations marocaines a grimpé à 231% en 2012. Il est vrai que leur valeur reste encore faible mais cela légitime le choix du Maroc de faire de la Corée du sud une cible prioritaire dans le cadre de sa quête de nouveaux débouchés. Surtout que les leviers ne manquent pas. Connu pour le dynamisme de son industrie automobile, la Corée du sud accompagne le Maroc dans le renforcement de son expertise en la matière à travers le financement à hauteur de 6MUSD, de l'Institut de formation avancée aux Métiers de l'Industrie automobile à Casablanca (IFMIAC). Il en va de même pour le Centre marocain d'alerte et de gestion des incidents informatiques (ma-CERTI) pour 3,4MUSD et l'Etablissement, d'ici 2014, de plates-formes de formation pour le renforcement des capacités en commerce international pour 2,950M USD. Autant dire les jalons pour accompagner l'essor des échanges entre les deux pays dans le sillage de la convention de formation signé, il y'a un an, entre l'Office national des aéroports (ONDA) et Incheon Airport, 6e aéroport d'Asie en matière de trafic de passagers. Déjà à cette occasion, les deux responsables ont annoncés leur volonté de travailler ensemble pour mieux se positionner sur le continent.