Des efforts ont été déployés pour améliorer le dispositif d'enseignement à distance. Cependant, de grandes contraintes persistent, notamment le manque de financement et les difficultés d'accès à Internet. Le décret visant à institutionnaliser cet enseignement sera bientôt adopté en Conseil de gouvernement. L'année blanche est exclue par le ministère de l'Education nationale, quelle que soit la situation épidémiologique. Le gouvernement compte sur l'enseignement à distance, en cas de difficulté à accueillir les élèves dans les écoles, pour sauver cette année scolaire, à l'instar de la précédente. Mais peut-on compter sur le télé-enseignement dont la première expérience a été «lacunaire», comme le reconnaît le ministre de tutelle lui-même, et a laissé pour compte des milliers d'élèves ? Le ministère de tutelle a-t-il pu améliorer ce type d'enseignement ? Rien n'est moins sûr. Des efforts ont été déployés par le ministère de l'Education nationale et les académies régionales d'éducation et de formation pour développer le dispositif. Ceci dit, le chemin est encore long avant d'atteindre les objectifs escomptés. Une première évaluation de l'enseignement à distance a permis de pointer les dysfonctionnements que l'on essaie désormais de redresser. Une véritable course contre la montre a été engagée après la fin de l'année scolaire pour élaborer le contenu pédagogique du premier trimestre. Jusque-là, le département de tutelle a pu produire la totalité des enseignements prévus pour les mois de septembre et d'octobre. De leur côté, les AREF sont en train de peaufiner les cours de novembre et de décembre. Le ministère de l'Education nationale entend, cette fois-ci, accorder une importance particulière aux classes virtuelles pour favoriser la communication entre les enseignants et les élèves. Mais ce ne sera pas toujours possible vu que les enseignants seront amenés à dispenser des cours en présentiel à de petits groupes d'élèves. D'après nos sources, certaines académies régionales d'éducation et de formation sont en train d'explorer d'autres pistes pour améliorer l'enseignement à distance, à travers notamment la création de leurs propres plateformes et la diffusion en live des cours présentiels via les réseaux sociaux pour permettre aux élèves ayant opté pour l'enseignement à distance de suivre en direct les cours dispensés en classe par leurs enseignants. En somme, on mise sur la multiplication des canaux en vue de ne laisser personne pour compte. Mais le défi est difficile à relever car plusieurs contraintes persistent. En tête des problématiques figure l'accès à Internet. Certes, des accords avec les opérateurs télécoms ont permis d'assurer la gratuité de l'accès à Internet pour les plateformes d'enseignement à distance, à commencer par «TelmidTice». Cependant, l'accès aux classes virtuelles, qui permettent une interaction entre les élèves et les professeurs et qui sont considérées comme le meilleur moyen d'enseignement à distance, nécessite une connexion Internet, outil dont ne disposent pas des millions d'élèves qui pourraient être contraints de suivre le télé-enseignement. Certains élèves ne possèdent même pas de smartphone ou de tablette pour pouvoir consulter les plateformes d'enseignement à distance ou communiquer avec leurs professeurs. Ainsi, il s'avère difficile d'assurer l'égalité des chances entre les élèves. Pas de budget dédié Pour cette rentrée scolaire, aucun budget supplémentaire n'a été arrêté par le gouvernement afin de booster l'enseignement à distance en équipant les élèves issus des familles les plus démunies en tablettes et connexion Internet, alors que l'on s'attendait à un effort particulier en la matière. Rappelons à cet égard que, lors de la session parlementaire de printemps, le ministre de l'Education nationale a souligné que le chef de gouvernement et le ministre des Finances étaient disposés à appuyer financièrement l'enseignement à distance. Il avait même avancé un chiffre préliminaire de 2 MMDH qui correspondrait à l'équipement en tablettes des deux millions d'élèves bénéficiant du programme Tayssir. Mais rien n'a encore été fait à ce niveau-là, alors que les parlementaires appelaient à augmenter le budget des ministères de la Santé et de l'Education nationale dans la loi de Finances rectificative pour pouvoir affronter la pandémie de Covid-19. Jusque-là, quelque 10.000 élèves ont été équipés en tablettes grâce au partenariat avec les collectivités territoriales, la société civile et la coopération internationale. Ce chiffre reste dérisoire par rapport aux besoins. Des discussions sont en cours avec le département des Finances pour pouvoir bientôt doter tous les élèves issus de familles nécessiteuses de tablettes. Seuls les établissements scolaires publics ont été équipés en connexion Internet pour que les enseignants puissent dispenser des cours à distance. La priorité a été accordée aux établissements amenés à assurer un enseignement à distance. Il sera aussi procédé au renouvellement du matériel informatique obsolète dans certains établissements. Plus que jamais le gouvernement est attendu pour augmenter le budget de l'enseignement dans la prochaine loi de Finances. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à des miracles, selon une source gouvernementale, vu les contraintes budgétaires et les besoins énormes pour relancer l'économie. Le présentiel s'impose dans le rural Dans le milieu rural, on espère pouvoir compter sur l'enseignement présentiel pour éviter les couacs de l'enseignement à distance et assurer, ainsi, l'égalité des chances. Sauf que cette année ne se déroulera pas normalement, même en optant pour l'enseignement présentiel. Le volume horaire sera réduit à 15 heures par semaine au lieu de 30 heures car la classe sera divisée en deux groupes (au moins) pour assurer la distanciation physique. La moitié du temps scolaire se fera sous forme d'exercices et de devoirs à la maison. Familles et élèves sont ainsi appelés à se mobiliser pour réussir le défi de l'auto-formation. Un pari qui n'est pas à la portée de tous. Nombreux sont ceux qui ont choisi l'enseignement à distance; ils devront compter sur leurs propres efforts pour apprendre à la maison et suivre les cours qui seront diffusés dès demain à la télévision. Il faut s'attendre à une lente progression pédagogique. Si la pandémie s'estompe, une période de mise à niveau des élèves sera prévue au cours de l'année scolaire pour renforcer les acquis avant de procéder aux évaluations. Le décret de l'enseignement à distance bientôt adopté Un décret sera bientôt soumis en Conseil de gouvernement pour institutionnaliser l'enseignement à distance. Jusque-là, rien dans la loi ne l'impose aux enseignants. Le texte permettra d'organiser le dispositif et d'introduire les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le planning d'enseignement. Il s'agit aussi de mettre en œuvre les dispositions de la loi-cadre de l'éducation et de la formation. L'article 33 de ce texte stipule la nécessité de développer l'enseignement à distance, considéré comme complémentaire à celui présentiel, et envisage l'intégration de «l'enseignement électronique» dans le système dans la perspective de sa généralisation progressive. L'Etat est tenu, en vertu de l'article 49 de la loi-cadre, de développer des programmes de partenariat dans le cadre de la coopération internationale pour promouvoir, entre autres, l'enseignement à distance. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco