L'heure est au développement des compétences humaines dans le secteur de la logistique. Alors que jusque là, ce sont plus les volets liés aux infrastructures et aux moyens matériels qui ont été mis au devant de la scène dans le cadre de la stratégie de développement de la logistique, aujourd'hui, l'accent est mis sur les ressources humaines. C'est du moins le message qu'ont tenté de faire passer les participants à la 5e édition de la conférence méditerranéenne de la logistique (Medlog), qui s'est tenue en fin de semaine écoulée à Tanger. Le ministère de l'Equipement et des transports, représenté par son secrétaire général Mohamed Benjelloun, n'a d'ailleurs pas raté l'occasion de présenter les principaux axes du plan d'action de la tutelle dans ce sens. «Les métiers de la logistique sont en pleine mutation et les ressources humaines se retrouvent aujourd'hui au cœur du développement du secteur», souligne-t-il d'emblée. Pour l'heure, la tutelle se fixe comme objectif de former 61.000 personnes à l'horizon 2015, à travers le plan de formation inclus dans la stratégie logistique. Plus de 20 filières de la logistique sont concernées par ce plan de formation, qui devrait être mis en place de «manière progressive». Parallèlement, des actions communes devraient être incessamment lancées en collaboration avec l'OFPPT et l'ANAPEC. Ces dernières auront pour principal objectif de mettre en place les infrastructures nécessaires pour assurer la formation dans le secteur, notamment les centres de formation, ainsi que l'encouragement des opérateurs privés à accompagner le plan du ministère. Ceci étant, la mission est loin aujourd'hui d'être gagnée d'avance. Selon l'expert français Michel Fender, la diversité des métiers qu'intègre le domaine de la Supply Chain (chaîne logistique) implique le développement de différents types de compétences pour assurer la conception, le pilotage et l'exécution des opérations logistiques. Il s'agit dans ce sens de promouvoir les compétences techniques relatives à l'exécution des opérations, mais également les compétences non techniques, comme le sens managérial, les comportements de respect des conditions de sécurité ou encore la communication. En d'autres termes, il ne suffit pas seulement de lancer de vaste programme de formation d'ingénieur, mais surtout de l'accompagner par la formation des compétences pour assurer toute la chaîne de valeur. Les autorités marocaines semblent en avoir conscience. Le ministère reconnaît en effet que le marché de l'emploi se caractérise actuellement par une inadéquation entre l'offre et la demande en termes de profils, en particulier pour les métiers des opérateurs. De plus, «la modernisation du secteur logistique marocain crée une demande de profils nouveaux, parfois très spécialisés et peu ou pas disponibles sur le marché national», ajoute-t-on auprès de la tutelle. C'est ce qui a d'ailleurs poussé la tutelle à prévoir, lors de la définition de la nouvelle stratégie, la nécessité d'une approche de programmation et de mise en œuvre opérationnelle d'un plan intégré des formation dans le domaine de la logistique, touchant l'ensemble des niveaux de qualification : opérateurs spécialisés, techniciens spécialisés, ingénieurs et managers. Par ailleurs, «le rôle des directions des ressources humaines reste primordial pour l'adéquation des compétences disponibles avec les besoins de chaque maillon de la chaîne logistique», ajoute Fender. En effet, au-delà du nombre, les autorités marocaines sont appelées aujourd'hui plus que jamais à s'intéresser à la qualité des formations dispensées, afin de les mettre en adéquation avec les besoins réels du secteur. Pour ce faire, la mobilisation du secteur privé est plus que souhaitable. D'ailleurs, le ministère de l'Equipement et du transport promet d'intégrer la formation dans la convention de partenariat public/privé qui est en discussion avec les opérateurs. L'enjeu est de permettre aux personnes en formation d'alterner la formation théorique des centres de formations avec la mise en pratique dans l'entreprise. Michel Fender, Professeur à l'école des Ponts ParisTech, Senior Advisor Log-infutur. «Il faut partir des besoins du marché» Les Èchos quotidien : Dans le secteur de la logistique, on semblait donner plus d'importance au développement des infrastructures et des moyens matériels que des moyens humains. Pensez-vous que c'est une logique qu'il faut abandonner ? Michel Fender : Il est très important que le Medlog s'intéresse enfin aux compétences humaines. Il a fallu certes attendre cinq éditions pour que le sujet soit enfin mis en valeur. Cependant, il faut reconnaître que dans ce secteur, les infrastructures et les processus sont des «préliminaires» nécessaires à la performance de la supply-chain. Les choses ne doivent pas se faire de manière séquentielle, mais plutôt de façon concomitante. Quand on met les infrastructures en place, on met aussi les processus et les ressources humaines en place. Ce n'est pas l'un sans l'autre, mais le tout en un ensemble. Quand on veut donc bâtir une solution de supply chain complète, il faut donc absolument intégrer tous les volets. Quels peuvent être les points clés sur lesquels il faut s'atteler, dans le cadre de la stratégie de développement de la logistique et surtout dans son volet formation ? On a bien compris que la formation est une approche multi-acteurs. La balle n'est pas dans le camp des écoles, ni dans le camp des entreprises ou des pouvoirs publics, mais dans tous à la fois. Il faudrait donc mettre en place des règles de jeu qui facilitent une collaboration à plusieurs. Par ailleurs, s'il y a un point sur lequel je souhaiterais attirer l'attention, c'est bien celui de l'adéquation entre les formations et les besoins du marché, non seulement au niveau quantitatif avec le nombre de diplômés et de certifiés, mais également sur le plan qualitatif. Aujourd'hui, il y a un emballement et une sorte de dynamique très positive pour développer la logistique, mais il faut faire attention à ne pas tomber dans l'excès, qui consiste à avoir un foisonnement des centres de formation, sans s'assurer de leur adéquation avec le marché. Il faut donc partir des besoins du marché, des entreprises et de l'ambition du pays, pour définir le contenu des formations. La stratégie idéale donc est de commencer la formation dans les universités, mais de la poursuivre dans l'entreprise... De toute façon, nous sommes sur des parcours qui doivent mêler l'apport théorique et conceptuel du monde universitaire, avec la mise en perspective réelle de ce que l'on peut effectivement faire dans l'entreprise.