L e ministère de la Santé organise, au cours des prochains mois, un colloque national de la santé pour essayer d'apporter un certain nombre de réponses aux questions et aux défis posés face à notre système de santé. Ce colloque, tant attendu, intervient dans un nouveau contexte caractérisé par une nouvelle Constitution consacrant le droit d'accès aux soins. Il est également et surtout caractérisé par un climat de revendication avéré nécessitant un vrai débat entre les vraies parties prenantes, des recommandations pertinentes et faisables et des contrats affichés et déclarés avec des mesures d'accompagnement pour ne pas rester lettres mortes. La contribution de chacun est requise et la mobilisation de tous est nécessaire. Le débat public est de mise, en voici quelques réflexions préliminaires. De la préparation du colloque Avant tout, il faut se mettre d'accord sur le concept de la charte, son contenu et son objectif. Tout le monde en parle au point que ce vocable risque d'être galvaudé. S'agit-il d'une simple déclaration d'intentions ou d'un vrai contrat. Quelle forme doit-elle prendre ? Quels axes et quels objectifs ? Comment peut-on s'engager collectivement ? Le colloque, même s'il doit être préparé sur la base d'une analyse stratégique du secteur, doit forcément s'orienter vers le futur, vers l'avenir en posant les vraies questions et ne pas sombrer dans le diagnostic à outrance ni dans l'autosuffisance pléthorique. Le débat que permettrait le colloque doit se passer entre les vraies parties prenantes, à identifier objectivement. Les parties prenantes étant des individus ou groupes qui dépendent de l'organisation pour atteindre leurs propres buts et dont l'organisation dépend également. Il convient de les identifier et même de dresser une cartographie de leurs intérêts et pouvoirs à influencer les choix. Dans le cas d'espèce, la sphère politique est très influente et l'industrie pharmaceutique et des cliniques privées sont très intéressées. Sans oublier bien sûr les professionnels de santé, le personnel administratif et de soutien, les partenaires, les syndicats, les ONG, la communauté, les patients en tant qu'usagers nécessitant un service de qualité, les citoyens ayant des droits et devoirs, les contribuables vigilants quand à l'efficience, les politiques, les financiers, les gestionnaires des régimes d'assurance maladie et leurs tutelles... Le débat doit également prendre assez de recul, se nourrir des expériences réussies des pays similaires et se projeter dans le temps tout en gardant le référentiel consensuel de la société marocaine devant les yeux à savoir la Constitution de 2011, afin d'élaborer une charte nationale sur la santé qui soit viable. Partant de là, une préparation sérieuse est nécessaire pour permettre une vraie confrontation des idées et non un simple brainstorming. De même, des auditions ciblées sur la base de problématiques sont requises loin des simples dissertations rhétoriques. Il faut en effet, présenter des papiers contenant des problématiques assorties de propositions claires, de manière à renforcer le débat sur les normes, les objectifs et les mesures nécessaires à mettre en œuvre par chaque intervenant. Effets escomptés Le débat sur le contenu de la charte est primordial et ne doit être escamoté sous aucun prétexte. Son cadre de référence, composé de la nouvelle Constitution du royaume et des engagements internationaux du Maroc en matière de droits de l'homme, est précis et consensuel. Il est question à ce stade de se prononcer sur sa nature, s'agit-il d'un référentiel normatif de droits en matière de santé, que l'ensemble des partenaires et intervenants s'engageront à rendre effectif ? Auquel cas la charte va être un outil orienté vers l'action qui dépasse une simple déclaration de bonnes intentions. De même, en définissant les aspects contractuels (valeurs, normes, objectifs, droits et obligations), la charte se veut un moyen de déclarer et d'afficher ses contrats en prévoyant les déclinaisons possibles. Elle ne doit pas prendre la forme d'un texte juridique, mais un cadrage référentiel des textes législatifs et réglementaires en matière de santé. Même si elle décline les leviers d'action et les domaines d'intervention, elle ne remplace aucunement le plan stratégique du ministère. La charte constituera de ce fait la pierre angulaire des politiques et stratégies de santé initiées par le gouvernement sur une perspective temporelle plus longue et garantira la construction progressive mais accélérée d'un système de santé performant. Elle constituera également le cadre de l'action de l'Etat en tant que régulateur, stratège, incitateur, employeur, facilitateur et autorité publique chargée de promouvoir la santé au Maroc. Dans cet exercice, les relations du ministère avec les autres composantes du gouvernement, les partenaires sociaux, les professionnels de santé du secteur libéral, les ONG, les intervenants de la coopération internationale et les fournisseurs de biens et de services se verront imprimés de transparence et de responsabilité sociale, de part et d'autre. À terme, une charte viable permettra une meilleure maîtrise du système de santé, de ses composantes et de leurs évolutions, dans le respect des normes et des droits. Enfin l'élaboration d'une charte nationale ne peut en aucun cas omettre la dimension régionale. L'expérience de la charte nationale de l'aménagement du territoire est édifiante, en ce qu'elle a permis aux différents intervenants locaux de se sentir concernés par la question, de mieux comprendre les problématiques et d'apporter des contributions au lieu de compliquer les situations. L'objectif ultime étant une démocratisation des questions inhérentes à la santé et la recherche de l'appropriation de l'engagement et de la mobilisation de tous pour promouvoir la santé des citoyens et répondre aux impératifs sanitaires induits par les transitions démographiques et épidémiologiques dans une société de plus en plus exigeante en matière de droit à la santé.