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Les investissements à la rescousse
Publié dans Les ECO le 22 - 08 - 2012

Au moment où la tension sur les prix internationaux des céréales, en l'occurrence du blé tendre, n'encourage pas encore au recours massif à l'import, la Banque mondiale vient de livrer sa «recette» d'optimisation de la gestion de la logistique d'approvisionnement dans dix pays arabes, dont le Maroc. L'objectif est de mettre l'accent sur la mesure dans laquelle le gouvernement et/ou les intervenants du secteur privé peuvent contrôler les coûts et améliorer la fiabilité et l'efficience des opérations de déplacement du blé, tout au long de la chaîne d'approvisionnement. «Les prix dans les pays arabes et les risques d'approvisionnement peuvent augmenter considérablement si les chaînes d'approvisionnement ne parviennent pas à fonctionner», avertit l'institution mondiale. Ces risques sont d'autant plus pesants pendant les périodes de chocs de prix sur les denrées alimentaires, ce qui caractérise de fait, la conjoncture actuelle dans laquelle le royaume évolue. La recette proposée par l'institution financière mondiale porte sur l'ensemble des éléments constitutifs de la chaîne logistique du pays. En effet, pour le cas précis du corridor marocain d'importation de blé, les auteurs de l'étude en question préconisent deux grandes améliorations stratégiques, afin que la machine soit mieux huilée. La première porte sur l'élimination des droits de douane saisonniers à l'importation, afin d'atténuer la congestion des terminaux céréaliers du royaume. Celui de Casablanca est l'exemple sélectionné par les auteurs de l'étude. Pour la campagne de commercialisation qui vient de commencer, plus de 80% du volume des céréales importées par le royaume y ont transité. Il est certain que la logique du marché voudrait que ces mesures ponctuelles et périodiques de suspension des droits d'importation, soient synonymes d'un volume de trafic intense au niveau des différents grands terminaux céréaliers du royaume. Cette situation entraîne souvent, par voie de conséquence, des cas de congestion et de ralentissement des circuits d'approvisionnement des silos à stockage des minoteries.
La main à la pâte
Cela nous mène tout droit vers une autre recommandation pour la filière marocaine d'importation de blé, beaucoup plus stratégique. Elle consiste de fait en «la définition du rôle du secteur privé en matière de réserves stratégiques de blé». Selon la Banque mondiale, cela devrait contribuer à la protection du marché en temps de crise et en cas de perturbations de l'offre alimentaire, et en contribution aux effets de stabilisation des prix nationaux et internationaux. Justement, les dernières actualisations des autorités locales sur cet aspect se veulent rassurantes. Après avoir atteint son maximum à fin juin cette année, «le stock de blé tendre détenu par les opérateurs devrait rester à fin août à un niveau très confortable de 17.5 Mqx, soit l'équivalent de plus de 4 mois d'écrasement des minoteries industrielles», selon le ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime. La tutelle relève qu'en comparaison avec la campagne précédente où la production nationale était pourtant nettement supérieure (42 Mqx au lieu de 27 Mqx cette année), le stock détenu par le Maroc à fin août 2011 était de 18,6 Mqx. Cela a permis un recours aux importations qu'à partir de la deuxième quinzaine de novembre, selon la tutelle.
Investissements
Les auteurs de l'étude de la Banque mondiale préconisent par ailleurs la «promotion des investissements» dans toute la filière, pour améliorer la fluidité logistique, la sécurité alimentaire et ainsi assurer un approvisionnement fiable en blé. Ces investissements devraient également permettre de réduire le coût de base de l'importation de blé et réduire les pertes de marchandises. Quant au volet de l'approvisionnement, il est nécessaire, selon la Banque mondiale, d'élaborer «une stratégie d'approvisionnement qui mobilise des partenariats stratégiques», tout en conservant un portefeuille diversifié de fournisseurs et atténuant les risques d'importation grâce au recours à des «stratégies de couverture». Sur cet aspect, le royaume, dans le cadre des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et l'Union européenne, est tenu de lancer des appels d'offres pour importer du blé tendre sous des conditions douanières préférentielles. Les conditions de lancement de ces appels d'offres et la taille de ces contingents dépendent de l'importance de la production nationale. «Les pays qui adoptent cette approche à long terme devront disposer d'infrastructures appropriées, pour importer et stocker de grandes quantités de blé et de politiques appropriées de destockage et de distribution du blé», commente-t-on dans l'étude de la Banque mondiale.
Réticence conjoncturelle à l'import
Pour la campagne de commercialisation 2012/2013, les derniers appels d'offres du 13 et 15 août dernier pour l'utilisation du contingent américain et européen, ont été caractérisés par une absence d'offres par les importateurs. La tutelle justifie cette situation par les prix de revient jugés moins compétitifs par rapport aux prix des blés offerts sur le marché local et compte tenu de leur disponibilité. Il faut rappeler qu'une partie seulement des importations est effectuée dans le cadre des accords de libre-échange, pour lesquels l'ONICL lance les appels d'offres. Les importations dans le cadre de ces accords sont effectuées par les importateurs, qui choisissent librement leurs fournisseurs selon les opportunités présentées. À ce titre, les principaux pays fournisseurs de céréales au Maroc (dont les USA et l'UE), n'ont jamais eu recours aux restrictions de leurs exportations et en particulier pour le Maroc, auquel ils accordent un intérêt particulier. La tutelle confirme que toute présomption de restriction des exportations de céréales par ces pays vers le Maroc est sans fondement.
Capacité de stockage figée ?
De nombreux pays arabes se préparent à augmenter leur capacité de stockage... à l'exception du royaume. Sur ce graphique, le Maroc semble en effet bien en retrait en termes de perspectives d'extension des capacités de stockages, en comparaison avec d'autres pays du monde arabe. «Ces chiffres prennent pour hypothèse que l'intégralité de la capacité de stockage est consacrée au blé et que les silos restent remplis à 100%», précise toutefois l'étude de la Banque mondiale. Le Qatar et Bahreïn n'ont pas de plans concrets de rehaussement de leur capacité de stockage, mais ils ont envisagé de rehausser leurs stocks stratégiques. C'est sur cette base que l'étude laisse supposer, pour l'instant, que ces deux importateurs comptent donc doubler leur capacité de stockage installée. «Cette estimation représente peut-être une limite inférieure, car la demande devrait progresser», poursuit-on. L'Egypte a pour objectif d'ajouter un volume supplémentaire de 4,5 millions de tonnes de stockage, mais pour le moment, la construction de capacité prévue n'est que de 1,5 million de tonnes.
1,84 dollars US/tonne de coût de stockage
«Le maintien de stocks stratégiques a un coût. Chaque pays doit décider de ce qu'il est disposé à dépenser en échange de la sécurité physique, financière et psychologique que procurent les réserves stratégiques de blé». Dans les pays arabes, ce coût se situe en moyenne à 2,15 dollars US par tonne par mois, selon les auteurs de l'étude de la Banque mondiale. Au Maroc, le niveau de coût est légèrement en deçà de cette moyenne. Il est estimé à 1,84 dollars US la tonne. Le voisin tunisien est à une moyenne de coût beaucoup plus élevée, avec 3,47 dollars US. Dans l'intervalle se situent le Qatar et le Liban, avec des coûts respectifs de stockage de 3,37 dollars US et 2,40 dollars US. Mais stocker des céréales au royaume demeure toutefois un peu plus cher que l'Egypte et la Jordanie, avec 1,78 dollar US et 1,69 dollar US.
La logistique portuaire pèse
«Les coûts de la filière d'importation de blé (FIB) dans les pays arabes en 2009 ont été jusqu'à quatre fois supérieurs à ceux des Pays-Bas», pris comme référence. Pour le cas du Maroc, dans le détail, c'est surtout la logistique portuaire qui semble peser sur la structure des coûts, suivie des coûts globaux de gestion de la FIB. À cela viennent s'ajouter, par ordre d'importance, les coûts de stockage et de transport. «Par ailleurs, si les coûts de transport représentent une faible part du total des coûts de la FIB pour la plupart des pays arabes, les transports intérieurs comptent cependant pour une part importante du total des coûts de la FIB dans certains des plus grands pays», nuancent les auteurs de l'étude de la Banque mondiale. Il faut savoir que les coûts de transport intérieurs sont liés à un certain nombre de facteurs, notamment la superficie, la qualité des infrastructures de transport, le temps d'attente des camions, le niveau des subventions sur le carburant, le nombre des intervenants dans la FIB et le pouvoir relatif de ces intervenants à chaque segment de la FIB.
12% des coûts de la FIB sont absorbés par le transport
«Les coûts de transport intérieur peuvent représenter jusqu'à 51% des coûts totaux des FIB». Pour le cas particulier du royaume, ces coûts accaparent près de 12% du total des dépenses de la FIB. Le royaume reste relativement plus compétitif que l'Egypte (21%), la Jordanie (42%) et le Yémen (51%). Les surcoûts du transport dans ces pays sont en partie dus à la géographie, qui bien évidemment est immuable, mais ils peuvent être aggravés par l'insuffisance des infrastructures, des routes en mauvais état par exemple. Les pays qui ont des minoteries dans les ports ou à proximité ou des segments de transport minimes, auront les coûts de transport totaux les plus faibles, tant en chiffres absolus qu'en pourcentage des coûts totaux de la FIB. Mais les transports intérieurs du pays restent toutefois plus chers qu'au Liban ou en Tunisie, où ils constituent des parts respectives de 10% et 7% des charges financières totales des FIB. De façon plus globale, en moyenne, les transports intérieurs représentent environ 22 % des coûts de la FIB, mais ce chiffre varie largement évidemment d'un pays à l'autre.
5 jours de temps d'escale des navires
«Les navires céréaliers livrant du blé dans les ports des pays arabes affichaient en moyenne une durée d'escale de 9,5 jours». Pour le Maroc, ce chiffre est de 5 jours en moyenne, incluant à la fois les temps d'attente au port plus important que le temps de déchargement à quai. Cette performance est comparable à celle de la Jordanie et de la Corée du Sud, un des pays de référence considéré dans ce graphique, à la seule différence que le temps de déchargement est sensiblement plus important. Le Maroc fait toutefois mieux que le Yémen (8 jours), l'Egypte (10 jours) et la Tunisie (11 jours). Dans la région arabe, l'Arabie Saoudite bat le record avec un temps d'escale des navires estimé à une moyenne de 13 jours. Il faut toutefois noter que la durée d'escale est fonction de la capacité de déchargement et du volume de la cargaison. Le temps d'attente est largement indépendant de la taille des navires et pourrait être réduit. Les navires arrivant dans les ports des pays arabes en 2009 ont attendu en moyenne environ trois jours avant de commencer le déchargement du blé.


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