Benkirane pourra-t-il répondre aux doléances des opérateurs économiques ? C'est la question qui taraude les esprits au lendemain de l'annonce par le patronat de ses principales propositions pour la loi de finances 2013. Certes, hormis quelques mesurettes à l'image de la refonte des tranches de l'IS et la revue des droits d'enregistrement, les pistes tracées par la CGEM n'impliquent pas vraiment de grands efforts budgétaires de la part de l'Exécutif. Cependant, Benkirane et son ministre des Finances, Nizar Baraka, devront surtout composer avec les promesses faites à certains secteurs par le passé et qui, selon eux, impactent directement le Budget de l'Etat. Pour illustrer, deux secteurs se dégagent du lot : l'immobilier et le tourisme. Pour le premier, une série de mesures a été réclamée par la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI) pour la loi de finances 2012, sans être retenue. Il s'agissait pour la FNPI d'inciter le gouvernement à émettre des mesures d'encouragement à la production de logements destinés à la classe moyenne, comme pour le logement social auparavant. Finalement, il n'en a rien été et la mise en place de mesures incitatives a été reportée pour la prochaine loi de finances. D'ailleurs, même le ministre de l'Habitat se joint aujourd'hui à la position de la FNPI et fait de la promotion du logement de la classe moyenne un de ses principaux chevaux de bataille. Des mesures concernant l'immobilier sont donc fortement attendues, encore faut-il que le gouvernement ait les moyens de les concrétiser. Rien n'est moins sûr. Ce qui l'est en revanche, c'est que pour les économistes istiqlaliens, tels que Adil Douiri, patron de Mutandis, l'espérance est forte que «la loi de finances 2013 soutienne la croissance par le logement, ce dernier étant une réelle locomotive pour l'économie». À ce niveau, l'une des principales recommandations des économistes est le soutien du secteur via la TVA, réduisant ainsi sensiblement son impact sur le Budget de l'Etat. Pour ce qui est du tourisme, en revanche, plusieurs réunions ont été tenues entre l'Exécutif et les représentations du secteur, en vue de décider des mesures à même de sortir le secteur de la crise. Là encore, le ministre de tutelle n'y est pas allé par quatre chemins. D'après ce qui a été rapporté par les opérateurs touristiques, le gouvernement aurait confié lors de ces réunions, qu'il n'avait pas pu intégrer des mesures concrètes dans la loi de finances 2012 en raison des conditions dans lesquelles elle a été élaborée. Néanmoins, l'Exécutif s'engageait à mettre en œuvre ces mesures dans le cadre de la loi de finances 2013. Parmi les principales mesures à prendre et qui alourdiraient le Budget, figure le volet consacré à la promotion. Qu'il s'agisse de la Fédération nationale du tourisme ou de l'Association nationale des investisseurs touristiques, des efforts supplémentaires dans la promotion de la destination Maroc permettraient au secteur de sortir de sa léthargie. «Selon les normes fixées par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), l'équivalent de 1,5 à 3 % des recettes générées par le secteur doivent être réservées à la promotion, soit quasiment 900 MDH pour le cas du Maroc. Aujourd'hui, on arrive à peine à la moitié», explique Said Tahiri, directeur général de la FNT. Ce sera vraisemblablement l'un des points essentiels sur lesquels sera attendu le gouvernement dans le cadre de la loi de finances 2013. «Il ne faut cependant pas arrêter toute la stratégie du secteur au volet lié à la promotion. Nous avons une feuille de route et un mémorandum. Il s'agit donc d'améliorer la destination Maroc et de répondre aux problématiques liées à la formation et à l'aérien», ajoute Tahiri. Par ailleurs, ce ne sont pas seulement les mesures promises qui impliquent la mobilisation par le gouvernement d'un Budget dans le cadre de la loi de finances 2013. C'est le cas du secteur du transport. Les professionnels, qui ont déjà tenu une première rencontre avec les responsables du ministère des Finances, font déjà savoir qu'ils s'attendent à ce que la loi de finances 2013 consacre la révision à la baisse de la taxe à l'essieu. La reconduction de la prime à la casse et la refonte des conditions de soumissionnement sont également à l'ordre du jour chez les professionnels, au même titre que la TVA sur le gasoil professionnel. Selon un professionnel, la réunion tenue avec les Finances s'est également intéressée aux mesures relatives à l'amnistie fiscale pour les petites entreprises du transport indigent. Pour ce qui est du secteur du textile, en revanche, «nous nous inscrivons dans la même lignée que la CGEM dans ces propositions», se contente de répondre Mostapha Sajid, président de l'AMITH. Ce dernier reconnaît néanmoins que les professionnels se penchent toujours sur les mesures spécifiques au secteur et qui seront transmises aux Finances. Vu le contexte que subit le textile marocain ces dernières années, les propositions des professionnels risquent également de toucher au Budget. Prémices de réforme fiscale Quoi qu'il en soit, il devient clair que si le patronat a fait preuve de fair play dans les propositions communes qu'il a présentées, prenant notamment en compte les contraintes budgétaires, cela n'épargne pas l'Exécutif des revendications de certains secteurs et auxquelles des réponses ont été promises. D'autant plus que la relance de certains de ces secteurs s'impose aujourd'hui comme une nécessité au maintien du cap de la croissance durant cette période de crise. D'ailleurs, à ce titre, par la voix de son ministre délégué, chargé des Affaires générales et de la gouvernance, Najib Boulif, le gouvernement annonce que la prochaine loi de finances devrait contenir des mesures devant assurer le maintien des fondamentaux économiques du Maroc. Dans le même sens, il s'agirait pour l'Exécutif de poser les premiers jalons de la réforme fiscale, annoncée depuis plusieurs mois déjà. Boulif promet dans ce cadre, l'introduction dans la loi de finances 2013 de quelques éléments d'orientation. «Nous voulons en effet que 2013 soit une année de grande réforme de la fiscalité avec pour but de travailler sur la compétitivité de l'entreprise et du pays», avait-il souligné la semaine dernière. Des chantiers seront aussi ouverts au niveau de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), mais à ce niveau, il ne faudrait certainement pas s'attendre à de grands chamboulements cette année. De l'avis même de la patronne des patrons, Miriem Bensalah Chaqroun, «la réforme de la TVA ne pourra pas intervenir dès 2013, mais pourrait néanmoins être enclenchée par la loi de finances 2013». Pour rappel, le processus de réforme de la fiscalité tant réclamée par les opérateurs économiques doit être entamé dès la prochaine loi de finances, mais ne prendra sérieusement de l'ampleur qu'après les Assises de la fiscalité, prévues pour février prochain. Selon le ministre des Finances, ces Assises permettraient de disposer d'une fiscalité plus équitable, avec en même temps des rendements importants. Il s'agira, lors des Assises, de déterminer les améliorations à apporter à la fiscalité actuelle, tout en veillant à en faire un atout de compétitivité pour les PME. Rappelons que lors de la campagne électorale, le parti au pouvoir semblait en phase avec les revendications des opérateurs économiques. Ainsi, Benkirane optait-il pour une baisse de l'IR sur les catégories faibles et la classe moyenne et à son augmentation pour les hauts revenus. Il n'avait cependant jamais précisé quel serait le niveau de cette baisse et de cette hausse. Pour ce qui est de l'IS, le PJD voulait ramener le taux de droit commun à 25% à l'horizon de son mandat. De la même manière, sur la TVA, sa position était d'appliquer un taux de 30% sur les articles de luxe et un taux unique sur les autres produits, au lieu de quatre taux actuellement et, enfin de parvenir à une exonération sur les services et produits de première nécessité, comme les médicaments et les produits alimentaires. La prochaine loi de finances et, surtout, les prochaines assises permettront de savoir si le gouvernement compte effectivement entamer l'exécution de ces promesses électorales, surtout qu'en ce moment le vent souffle en sa défaveur. Point de vue:Ahmed Bouhaouli,Directeur délégué de l'association professionnelle des cimentiers. Nous avons la même position que la CGEM et nous adhèrons parfaitement aux propositions formulées. Maintenant pour ce qui est propre au secteur du ciment ou de celui du BTP en général, nous espérons qu'il y aura une reconduction des incitations pour le logement afin de relancer la production et, partant, la consommation de ciment. Nous avons vu que selon les statistiques à fin juillet, le secteur s'inscrit dans une tendance baissière et cela ne manque pas d'engendrer des pertes économiques pour les opérateurs. Une relance du secteur du logement permettrait donc de compenser cette situation. Pour ce qui est de la taxe spéciale sur le ciment, elle vient d'entrer en vigueur et devrait être reconduite. Ce qu'il faudrait à ce niveau, c'est de prévoir des mesures afin que les fonds récoltés soient utilisés à bon escient. Pourquoi ne pas s'assurer que ces fonds soient utilisés pour dynamiser le segment du logement à faible VIT. Il faudrait prévoir une structure qui puisse assurer une bonne gestion de ces fonds. La profession attend avec impatience la promulgation de la loi sur les carrières et la mise en place de mesures d'encouragement pour l'élimination des déchets, en conformité avec les orientations du ministère de l'Environnement