Adil Douiri, Président de l'Alliance des économistes istiqlaliens Les Echos quotidien : Quelle lecture faites-vous de la situation économique aujourd'hui ? Adil Douiri : Malgré l'environnement difficile, le rythme de croissance économique demeure acceptable dans un contexte où nos partenaires économiques sont en grosse difficulté et où les importations s'avèrent très coûteuses pour le Maroc. Rappelons que les importations ont un impact négatif sur le PIB : plus on importe, moins on croît. À 4% de croissance dans ce contexte, cela reste honorable. Cependant, nous avons actuellement deux problématiques importantes que nous traînons depuis au moins 4 ans, et qui se sont aggravées rapidement ces derniers mois. Il s'agit de l'insuffisance du chiffre d'affaires à l'export, particulièrement dans les services comme le tourisme, comparativement à l'évolution de la consommation des ménages de biens importés. Ceci risque aujourd'hui de nous mener à un accident macro-économique si l'on ne change pas rapidement notre politique économique. Quels sont justement les changements que l'on doit adopter ? Notre alliance a dressé des recommandations dans ce sens. D'un point de vue global, la politique économique de notre pays doit se concentrer sur un objectif unique, à savoir, équilibrer les échanges extérieurs récurrents. Pour y arriver, il nous manque 50 à 60 MMDH de chiffre d'affaires à l'export chaque année. C'est dans ce sens que nous proposons trois grandes initiatives. Premièrement, il faut changer le rôle de l'Etat dans les plans sectoriels exportateurs. L'Etat doit se concentrer sur une intervention dans le capital des infrastructures exportatrices des projets, pour s'assurer lui-même de l'accélération de leur mise en œuvre. C'est notamment le cas de l'offshoring, dont il s'agit de terminer le plan de la construction d'une deuxième grande usine automobile avec un grand constructeur et d'achever les cinq stations du plan Azur, qui ont été confiées à des privées. Si l'Etat se concentre lui-même sur ces projets, en y mettant les investissements nécessaires, le Maroc pourrait espérer dégager près de 30 milliards de chiffre d'affaires supplémentaires à l'export d'ici 3 à 4 ans. Ensuite, il s'agira pour l'Etat de trouver 3 à 5 MMDH par an pour relever ce défi. Pour ce faire, elle peut ralentir le rythme de construction des infrastructures lourdes auxquelles est consacré l'essentiel des dépenses d'investissement, notamment les routes et autoroutes, pour une période de 4 ans le temps de boucler les projets des secteurs exportateurs. Enfin, le troisième axe de nos propositions concerne la consommation des ménages. Il faut aujourd'hui que la politique économique arrête de stimuler la consommation de biens importés après l'avoir encouragée durant une dizaine d'années. Il est temps d'arrêter cela le temps de créer les 50 à 60 milliards dont nous avons besoin. Ne pensez-vous pas qu'il existe aujourd'hui des plans sectoriels plus urgents que d'autres, à l'image du plan solaire par exemple? Ce n'est justement pas le même horizon de temps. Concernant Emergence, le plan Azur ou l'offshoring par exemple, il s'agit de plans déjà en construction. Nous, on dit qu'il faut d'abord finir ce que nous avons entamé. Des plans comme ceux des énergies renouvelables nécessiteront encore au moins une décennie pour espérer en faire un outil de recul des importations pétrolières, or il ne faut que 3 à 4 ans pour achever les plans en cours. L'ouverture d'une LPL par le FMI est-elle une bonne chose? Puisqu'il faut au moins 3 à 4 ans pour arriver à terminer ces plans exportateurs, on continuera donc à avoir besoin sur cet horizon, de 50 à 60 MMDH. Il faudra donc avoir un minimum de réserves de change pour continuer à fonctionner et payer nos importations. Pour ce faire, nous serons donc obligés d'emprunter en devises pour reconstituer temporairement le stock des réserves de change. Néanmoins, toutes les facilités, crédits, prêts bilatéraux... que nous pouvons avoir sont les bienvenus. Il faut donc multiplier les sources possibles de tirages pour rester à l'aise et bénéficier de bonnes conditions de financement.