100 millions de DH. Tel est, selon les estimations des professionnels, le chiffre d'affaires de la communication digitale. Interrogé sur l'état des lieux de ce marché, Youssef Idbenkheir, directeur général de la régie Inovad croit savoir qu'«aujourd'hui, l'impact quantitatif d'Internet sur le consommateur est nettement plus marqué que celui de la télévision». C'est dire l'évolution importante qu'a connu le secteur au cours des dernières années. Il est désormais clair que l'entreprise se doit d'avoir une visibilité sur le web, passant par les réseaux sociaux, au même titre que le média télévisuel. Comme l'explique Jérôme Mouthon, co-fondateur de la régie publicitaire Buzzeff, le marché marocain est «passé d'une ère où il convenait d'avoir son site web bien référencé pour améliorer la visibilité, vers une ère où le site web n'a quasiment plus d'importance». Et d'ajouter : «Les sites corporate ont perdu 40% de leur trafic pour se déporter vers des pages fans ou des groupes sur les réseaux sociaux. Ces derniers étant plus accessibles et plus adaptés aux attentes des utilisateurs créent de nouveaux rapports entre les marques et leurs cibles». Par ailleurs, l'intérêt croissant pour les réseaux sociaux réside aussi en ce que leur coût est particulièrement attractif par rapport au retour sur investissement. Aujourd'hui, les annonceurs consacrent 30% du budget de communication aux campagnes web, via les réseaux sociaux. Pourtant, il y a encore moins de deux ans, communiquer sur Facebook, Twitter, LinkedIn... semblait pour certaines entreprises locales inadapté à leur stratégie de communication. Les «rares» annonceurs qui cédaient alors à la «e-tendance» ne consacraient pas plus de 5 à 10% de leur budget communication. Mouthon explique ainsi que «le coût par contact-utile (contact obtenu) sur le web est très compétitif». On compte 2 DH par vidéo vue, par exemple, et de 0,80 à 3 DH par bannière affichée sur un réseau tel que Facebook. Néanmoins, Mohamed Amine, directeur de communication de Touch Media précise qu'«il faut investir lourd pour avoir un retour effectif. Certains clients mènent de vraies campagnes efficaces via les réseaux sociaux pour 100.000 DH, avec la certitude de toucher leur cible», ajoute à ce titre Mouthon. Idbenkheir, lui, va jusqu'à estimer le coût d'une campagne web globale à près d'un million de DH, en fonction des objectifs de communication. Ces chiffres restent néanmoins bien en dessous de ceux nécessaires à l'élaboration d'une campagne audiovisuelle. En plus de sa compétitivité financière, l'autre atout des réseaux sociaux n'est autre que la mesurabilité. En effet, il est possible, d'obtenir des statistiques précises et détaillées sur le tracking de la campagne (nombre de vues, de clicks, géo-localisation de l'audience, durée d'exposition au message publicitaire, répétition, etc.), chose que ne propose aucun autre média dit «traditionnel». Le ciblage est également un facteur clé des campagnes «sociales». À cet égard, Mouthon affirme que «l'ensemble de ces réseaux sociaux permet d'être en contact avec des communautés réunies autour de centres d'intérêts communs et permet également de générer des conversations et des interactions en leur sein». Cependant, quels sont les réseaux les plus intéressants ? À la tête de ces réseaux sociaux, pratiquement tous les professionnels s'accordent à dire que Facebook est le plus attractif. Avec 4 millions d'utilisateurs marocains sur les 14 millions d'internautes nationaux, le réseau arrive largement en tête dans les médiaplannings devant des interfaces plus spécifiques telles que Linkedln (40.000 membres) ou Viadéo pour le registre professionnel, voire Twitter (20.000 usagers). Un secteur pas encore mature Cependant, même si les réseaux sociaux ont un potentiel considérable, le marché fait face à certaines difficultés. En effet, selon Idbenkheir, «les régies publicitaires font plus du branding que du marketing». Les annonceurs se concentrent plus sur la présentation de leur marque, au lieu de communiquer sur leurs produits. Comme le signifie Idbenkheir, «le secteur n'est pas encore suffisamment mature». Même si certaines entreprises mettent en place une stratégie de communication sur les réseaux sociaux, l'outil n'est pas totalement intégré à leur stratégie globale. Pour le DG d'Inovad, l'entreprise a tendance à «essayer l'outil», mais il arrive généralement que ce dernier soit délaissé après coup. Ce manque de maîtrise s'accompagne d'une «impatience» managériale. Comme toutes les stratégies de communication, celles prévues sur les nouveaux médias demandent également du temps avant d'obtenir un retour sur investissement. C'est un détail que certains annonceurs semblent éluder, mais qui relève, normalement, des agences spécialisées chargées de conseiller leurs clients. À ce titre, il est à noter le manque de compétences dans le secteur, surtout au niveau de la formation. Une partie des agences médias aujourd'hui se tournent vers le web par la force des choses, sans pour autant disposer des compétences humaines nécessaires. Autre frein également relevé par les professionnels, le vide juridique concernant le secteur. C'est en substance ce qui explique le manque de maturité du marché national.