Sale temps pour le cuir. Selon les derniers chiffres de l'Office des changes, les exportations du secteur de ce premier trimestre ont baissé de 5% en volume en comparaison avec la même période l'année dernière. Sur le plan quantitatif, le chiffre d'affaires a baissé de 7%, atteignant les 1,04 MMDH. «Aujourd'hui, selon les données recueillies auprès de nos adhérents, les commandes ont baissé de 20 à 40%», ajoute pour sa part Jamal Bahar, directeur général de la Fédération des industries du cuir (FEDIC). Cependant, il faut bien souligner que cette situation dure depuis plus d'un an déjà, lorsque la FEDIC a tiré la sonnette d'alarme déclarant le secteur dans une très mauvaise passe. Cette année le marasme se poursuit avec notamment la récente fermeture de quatre entreprises du secteur et de la mise en veille de trente autres. Bien évidemment la crise économique qui sévit dans la zone euro joue un rôle important dans la dégringolade du secteur. Sur ce point, il faut bien rappeler que l'Europe, notamment la France et l'Espagne, représente le marché principal à l'export, absorbant près de 90% des exportations de produits de cuir. Dépendant fortement de la demande extérieure, le secteur est donc touché de plein fouet par l'essoufflement des exportations. À titre d'exemple, la chaussure, constituant 80% des exportations globales du secteur, a vu ses exportations chuter de plus de 20% ce mois de mai, par rapport au mois de mai précédent. Cette tendance baissière concerne également les filières du vêtement et de la maroquinerie. Par ailleurs, la baisse des exportations n'est pas exclusivement liée à la baisse de la consommation des produits cuir marocains. Il existe notamment d'autres causes, dont la réorientation stratégique des opérateurs européens. Ces derniers optent beaucoup plus pour des produits finis. Il ne s'agit plus d'exporter des produits de sous-traitance, mais d'offrir des produits ayant une réelle valeur-ajoutée. Le marché a de nouvelles exigences face auxquelles les opérateurs marocains ont du mal à s'adapter. On observe ainsi que peu d'entreprises disposent des moyens financiers nécessaires pour proposer des produits finis. Une autre cause de cette chute de la demande est la concurrence étrangère. Plus compétitives, les entreprises asiatiques et celle d'Europe de l'Est malmènent leurs concurrentes marocaines sur le marché européen. Mais celles-ci sont également présentes sur le marché marocain. Les entreprises marocaines s'en trouvent irritées, perdant les parts d'un marché domestique qui jusqu'à lors était leur fief. Ces dernières doivent notamment faire face à des entreprises qui s'approvisionnent en matières premières (peaux) directement sur le marché local, ce qui ne manque pas d'exercer une certaine pression sur l'offre des peaux. À cela s'ajoutent les produits chinois qui inondent le marché marocain, participant également à la perte de compétitivité du secteur. Devant une telle situation, les professionnels ont tenu en juin dernier une réunion avec la douane dans le but d'appliquer à ces produits les normes d'importations exigées par la loi marocaine. Pour l'heure, il n' y a pas encore eu d'avancées réelles sur le sujet. «Nous sommes toujours en pourparlers avec la douane pour activer les mesures relatives au respect des normes», souligne le DG de la FEDIC Fondamentalement, la problématique centrale à laquelle doit faire face le secteur, est la compétitivité. À cet égard, les professionnels estiment estime que la compétitivité est grévée par les charges salariales, fiscales et sociales. La revalorisation du SMIC, la hausse de la facture énergétique liée à l'augmentation des prix des carburants et la faible productivité de la main d'œuvre sont autant de facteurs qui plombent les entreprises du secteur. Ceci explique pourquoi la FEDIC appelle à des exonérations. Ajoutons aussi que, au vu de la situation, la FEDIC n'a eu de cesse d'appeler les pouvoirs publics à intervenir. Toutefois, ces derniers ont une marge de manœuvre limitée du fait de la situation des finances publiques. En parallèle, la compétitivité du secteur est aussi érodée par la mauvaise qualité de la matière première (les peaux). Faisant ce constat, la Fédération des industries du cuir a suggéré une restructuration de la filière afin de mettre à disposition une matière première de qualité moins onéreuse. De ce fait, une étude a été réalisée par la FEDIC en partenariat avec les ministères des Finances, de l'Intérieur et de l'Agriculture. Les conclusions de cette enquête recommandaient d'agir sur trois niveaux : l'élevage et l'abattage, le négoce des peaux et leur conservation. C'est de là que découle l'idée de la création d'une Bourse du cuir. Ce projet diligenté par l'ANPME (Agence nationale pour la petite et moyenne entreprise), vise à assurer la transparence en matière de négoce (www.lesechos.ma). Par ailleurs la mauvaise qualité de la matière première nuit également au rendement du secteur, à cause notamment de l'insuffisante mécanisation des abattoirs au Maroc. Pour les opérateurs, le fait d'institutionnaliser le négoce des peaux au sein d'une structure, permettra au marché de se charger lui-même de classifier les peaux selon leur qualité. Par ailleurs, cette Bourse fonctionnera, selon le mécanisme de l'offre et de la demande, ce qui signifie que le prix d'acquisition se calquera sur le prix du marché. Au final, pour faire face à la morosité économique, la FEDIC propose donc de baliser large. Ainsi, il s'agit d'implémenter des projets structurants (Rass El Ma) qui sont déjà en cours tout en organisant des missions de promotion en Europe et en Amérique du Nord. Il s'agit également de se tourner vers de nouveaux marchés tels que l'Afrique. C'est dans cette optique que s'inscrit cette année l'organisation de la 5e édition du salon Marocuir, qui aura lieu du 4 au 6 octobre à Casablanca.