Le verdict est sans appel. Le plan d'urgence, lancé en 2008 pour quatre ans, est en réanimation et avec lui, l'avenir de toute une génération. Mohamed El Ouafa, ministre de l'Education nationale était confu la semaine dernière en faisant son exposé devant les élus. Il faut dire que le constat n'est pas très reluisant et les objectifs fixés pour le plan d'urgence sont loin d'être atteint. Mais El Ouafa n'est pas au bout de ses peines. C'est aujourd'hui qu'il devra passer le véritable test, celui des questions réponses où il tentera de justifier les décalages mais aussi et surtout (car c'est là le plus dur) de convaincre. Le ministre n'a d'autre choix que de montrer qu'il maîtrise la situation et qu'il est capable de recadrer tout cela pour éviter de prendre en otage toute une génération. L'enjeu est de taille. Les récentes déclarations de la présidente du patronat donne une idée sur les attentes du marché du travail et la qualification des compétences commence dès les premières années de scolarisation. Il y a quelques semaines, Meriem Bensalah déclarait: «Un pays à fort niveau d'éducation, n'aura jamais rien à craindre de la compétition internationale». Pour l'instant, à en juger par ce qui se dégage du diagnostic d'El Ouafa, il y a lieu de s'inquiéter très sérieusement. De l'avis même du ministre de tutelle, Mohamed El Ouafa, le bilan du plan d'urgence de l'éducation n'est que «partiellement» positif. Notons à ce titre que le ministère de tutelle a réalisé un audit sur ce programme, en vue d'élaborer le bilan des quatre premières années du programme et les ajustements qu'il faudrait y apporter. C'est dans ce sens qu'ont été concernés par l'audit les volets pédagogique, administratif et financier, en plus des dépenses relatives à certains établissements scolaires. Cet audit a finalement pu relever des dysfonctionnements dans la réalisation du programme d'urgence. Pour le premier, c'est au niveau communicationnel que les choses semblaient coincer. En effet, le manque de communication au sein du système éducatif et le rapport entre l'information et les associés que sont les syndicats et les associations des parents d'élèves sont ressortis en tête des dysfonctionnements relevés par les équipes du ministère de tutelle. De plus, «la pédagogie de l'intégration n'a aucun lien avec le programme d'urgence. Or, son appui sur des crédits du programme d'urgence pour financer les manuels et les formations se rapportant à la pédagogie de l'intégration a provoqué une confusion au sein du système éducatif et de l'opinion publique», souligne Mohamed El Ouafa. À ces dysfonctionnements, il y a lieu d'ajouter ceux relevés par les parlementaires de la commission Education et communication au sein de la Chambre des représentants. Pour ces derniers, les entraves majeures du secteur sont liées à l'enclavement, en passant par les limites des programmes de lutte contre l'abandon scolaire et, surtout, les grèves. Ces dernières ont même failli mener le secteur à constater une année blanche pour 2010-2011 où un total de 11 jours avait été enregistré comme moyenne mensuelle des mouvements de désœuvrement collectifs décrétés. Peut mieux faire... Résultats, le bilan chiffré de ce plan d'urgence, dont le coût a dépassé les 3,3 milliards de DH, ressort loin des objectifs fixés en 2008. Le plan prévoyait ainsi, à l'horizon 2012, la construction de 373 écoles primaires, dont 1.700 salles de classes en milieu rural. Finalement, il faudra se contenter de 99 unités en trois ans, soit seulement 27%. Le constat est encore plus négatif quand il s'agit des collèges. L'audit effectué par le ministère de tutelle a fait ressortir que seules 193 unités sur les 807 prévues initialement ont vu le jour. Pour ce qui est du taux de scolarisation, certes des avancées majeures ont été réalisées, mais force est de souligner que les 63% affichés aujourd'hui restent bien en dessous des 95% promis par l'ancien gouvernement. C'est dire le grand décalage entre objectif et réalisation du plan d'urgence, chose qui pousse aujourd'hui le ministère de tutelle à songer, une nouvelle fois, à une révision du plan. «Le ministère est en train de mener une révision graduelle du programme, afin de définir des objectifs et des plans d'action plus clairs, basés sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement en tant qu'axe fondamental dans le système éducatif», annonce le ministre de tutelle. Si cela est concrétisé, ce sera la seconde fois en moins de dix ans qu'une réforme du système d'éducation sera suspendue pour donner lieu à une autre. En attendant, il y a lieu de souligner que dans son plan d'action, le gouvernement semblait miser gros sur le plan d'urgence pour relancer le système éducatif. Ce plan d'action s'appuyait pour rappel sur trois axes majeurs, dont le premier concerne le renforcement de l'institution éducative à travers notamment le renforcement de son autonomie de gestion, l'évaluation périodique de la performance des institutions éducatives, l'ouverture institutionnelle sur l'environnement éducatif, administratif et social et le renforcement des capacités de gestion. L'amélioration de la gouvernance du secteur éducatif a également été inscrite en tête des priorités gouvernementales, en s'appuyant sur la planification, la définition des objectifs à atteindre et le calendrier de mise en œuvre, ainsi que sur les instruments de suivi et d'évaluation. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'est intervenu ce bilan d'étape du plan d'urgence du secteur. Les prérogatives des structures administratives extérieures chargées de l'éducation et de la formation seront également élargies et leurs capacités de gestion renforcées. C'est du moins ainsi que ressort l'engagement de l'Exécutif, au même titre que la définition des objectifs à atteindre par les établissements en matière notamment de généralisation de la scolarisation, de lutte contre l'abandon et l'échec scolaire, d'amélioration du modèle pédagogique et de rehaussement du niveau d'encadrement. Le renforcement des fonctions de l'école et de son rôle est le troisième grand axe de la stratégie gouvernementale pour l'éducation. Concrètement, l'équipe de Benkirane souhaiterait faire du suivi et de la révision périodiques des modules enseignés un outil de renforcement du fonctionnement des établissements de scolarisation, au même titre que le renforcement du système des valeurs, l'amélioration de l'enseignement des langues nationales et étrangères, des sciences et des nouvelles technologies. On recense également parmi le actions prévues par l'Exécutif l'évaluation périodique, l'amélioration des outils de communication et d'orientation, le renforcement de l'encadrement des enseignants et des cadres administratifs et le renforcement du programme «Tayssir». Notons enfin que le gouvernement s'est engagé sur l'opérationnalisation optimale et rapide du Conseil supérieur de l'éducation et de la formation. Moins d'abandon scolaire Même s'il n'a pas atteint tous ses objectifs, le programme d'urgence a tout de même eu quelques mérites. C'est notamment le cas des réalisations en matière d'obligation de scolarité pour la tranche d'âge de 6 à 15 ans. Ainsi, entre 2007-2008 et 2010-2011, le taux de scolarisation pour la tranche d'âge 6 à 11 ans est passé de 91,4% à 97,5% et celui de la tranche d'âge 12 à 14 ans est passé de 71,3% à 79,1%. En outre, le taux d'abandon est passé de 5,4% en 2006-2007 à 3,1% en 2009-2010 pour l'enseignement primaire et de 13,4% à 10,8% pour le secondaire collégial au cours de la même période. L'Exécutif pourrait même se féliciter de l'amélioration du taux spécifique de scolarisation au niveau de l'enseignement secondaire qualifiant, qui a connu une augmentation entre les années 2007-2008 et 2010-2011, passant de 48,1% à 52,8%. Aussi, le taux d'abandon pour ce cycle d'enseignement a-t-il connu une baisse entre l'année 2006-2007 et 2009-2010, passant de 14,5% à 9,2%. On notera par ailleurs une légère amélioration de l'efficacité interne du système éducatif, comme en témoigne l'évolution du taux d'achèvement qui est passé, entre 2006-2007 et 2009-2010, de 73% à 86,5% pour l'enseignement primaire et de 48% à 64,6% pour l'enseignement collégial et de 24% à 36,2% pour le secondaire qualifiant.