«Imite, assimile, ensuite innove...», disait Clark Terry, musicien qui par ses enseignements, a fait les jazzmen les plus novateurs du calibre de Miles Davis. Et si le Maroc suivait le même cheminement dans un contexte aussi «improvisationniste» que le jazz de par une nouvelle Constitution et un nouveau gouvernement qui aspirent au renouveau et à la compétitivité ? En tout cas et si les indicateurs du «Global Innovation Index 2012» de l'INSEAD ne dévoilent pas des classements de premiers de la classe en matière d'innovation, une nette amélioration est très perceptible, malgré un contexte agité, qui risque de coûter de bonnes notes aux quelques bons élèves de la région, dont la Tunisie. Dans le détail, le Maroc est passé de la 94e place en 2011 à la 88e en 2012, sur une échelle de 141 pays intégrés à ce classement et qui représentent au total 95% de la population et 99,4% du PIB mondial. Il reste néanmoins légèrement en dessous de la moyenne (36,81) avec un score de 30,7 sur 100. De même pour la région MENA (dont la moyenne est de 34,24) où le Maroc occupe la 15e place (juste après la Turquie) par rapport aux 20 pays qui la constituent. Et finalement, le Maroc occupe la 12e place, sur les 36 pays à revenus moyens inférieurs. Conclusion, le Maroc «peut mieux faire». Modus operandi Cet indice mesure l'innovation au sens large, incluant les innovations commerciales et sociales, mais aussi scientifiques. Il classe le niveau d'innovation de chaque pays sur une échelle de 0 à 100, où 100 représente l'économie la plus innovante. L'indice combine 84 variables, regroupées en deux subdivisions. La première réunit les facteurs endogènes de l'innovation avec les institutions économiques, le capital humain et de recherche, l'infrastructure, la sophistication du marché des affaires. L'autre rassemble les facteurs exogènes, comme le savoir-faire, les technologies et le niveau de créativité. Un tel arrangement des indicateurs permet de relever les forces et les faiblesses de chaque pays, mais aussi d'avoir une réelle anticipation. Ainsi, l'étude précise qu'en prenant en considération les bouleversements macro-économiques qu'a connus la région MENA suite au printemps arabe, quelques indicateurs antérieurs à cette période ne font reflet que de la situation prévalant au moment où les événements ont éclaté. Il serait néanmoins intéressant d'en étudier l'effet sur les politiques liées à l'innovation pour l'année suivante. La Tunisie, par exemple, classée 1ère en Afrique du Nord, (avec sa 59e place mondiale alors qu'elle occupait la 57e en 2011), réalise une meilleure performance que le Maroc (88e), l'Egypte (103e) et l'Algérie (124e) mais verra son classement chuter de façon considérable et inévitable pour les prochaines éditions du GII. Forces et faiblesses Ainsi, les indicateurs démontrent une meilleure performance marocaine concernant les facteurs endogènes. Ainsi et selon les indicateurs en progression par rapport aux éditions antécédentes, les Marocains dépensent plus pour leur éducation, et l'Etat consacre plus de budget pour ce faire. L'éducation tertiaire est un secteur où le Maroc est relativement bien classé (46e position mondiale), avec une forte diplomation d'ingénieurs. Enérgie renouvelable, crédits domestiques, capitalisation des marchés, Fusions-acquisition, trademarking sont autant de points forts de par la progression qu'ils connaissent. Néanmoins, les faiblesses existent tout autant : décrochage scolaire, faiblesse des services e-gov et de l'e-participation, pollution et faiblesse de la performance écologique, cadre juridique boiteux pour l'investissement, et faible consommation de la culture. Clustering prometteur Aussi et parmi les forces citées dans le rapport, l'état du développement des clusters où le Maroc semble faire bonne mine, avec le 44e classement et un score de 47,1/100. En effet, la stratégie Maroc Numeric 2013 a permis l'identification de 4 niches d'excellence pour le Maroc Numeric Cluster : services mobiles, sécurité, monétique, droits numériques, multimédias, progiciels. Les engagements du programme vont ainsi dans le sens du développement de l'écosystème du cluster, considéré comme grappes de PME et de start-ups œuvrant dans les niches identifiées. Point de vue Omar Balafrej, Directeur général du Technopark, et membre du Conseil d'administration du Centre marocain d'innovation. Je pense qu'il est nécessaire de mettre l'éducation au centre des priorités du Maroc, avec l'innovation au centre des priorités éducatives. S'il y a un point intéressant que relève le Global Innovation Index 2012, c'est le classement du Maroc par rapport au voisin tunisien qui semble nous laisser loin derrière. Cela donne un aperçu du retard énorme accumulé par le Maroc et sur le devoir de le rattraper, parce que cela en va de sa propre compétitivité. Passer par exemple de 450.000 étudiants dans l'enseignement supérieur à 2 millions d'étudiants dans un horizon proche, nécessite une multiplication tant des infrastructures que du capital humain qualifié. Sauf que ce n'est pas seulement une question de moyens, mais aussi de vision stratégique et de hiérarchisation des priorités. Ainsi, et en parallèle avec l'éducation, c'est la R&D qui doivent être sérieusement pris en compte et la volonté politique doit aller dans le sens de la création de la richesse et de la valeur ajoutée à long terme et non seulement vers la création d'emploi. Ainsi et en parallèle avec l'encouragement de l'offshoring qui est un secteur fortement générateur d'emplois, il faut impérativement viser l'implantation d'incubateurs technologiques dans les universités marocaines. Généraliser l'innovation expérimentale que représentent des expériences comme le Centre marocain d'innovation ou le Technopark. De telles ambitions nécessitent l'implication convergente de tout les départements : industriel, emploi et éducation. Internet pas assez exploité Malgré un accès aux TIC relativement important et en progression, l'administration marocaine n'a pas l'air d'être sérieusement partie prenante. En témoigne le score nul en e-participation figurant sur le GII et que l'on peut justifier par l'absence du vote électronique entre autres, alors qu'un outil comme Internet est considéré comme un vrai catalyseur du processus démocratique. Aussi, l'étude souligne le faible classement des services e-gov, qui sont pourtant au cœur de la modernisation de l'administration, dont le Maroc numeric fund est la locomotive. Outre ce qui ressort de l'infrastructure numérique en tant qu'indicateur endogène, l'absence de créativité en ligne en tant que facteur exogène, vient conforter le fait que la créativité en ligne n'est pas le fort des Marocains. Ces derniers seraient de faibles uploaders de vidéos sur Youtube, et de faibles éditeurs sur l'encyclopédie libre Wikipédia. Pour la création de noms de domaines, les Marocains ont tendance a préférer le domaine national de premier niveau (.ma), où ils sont classés 83e, aux noms de domaine de premier niveau (.net, .org, et .com) où ils sont 93e. Pour ces deux cas, le classement est faible par rapport à des pays comme la Turquie.