Si le Maroc disposait d'un registre social unifié en cette conjoncture inédite, l'opération de soutien aux ménages serait moins compliquée. Le calendrier fixé au départ par le gouvernement pour la mise en place de ce dispositif sera-t-il révisé? Tout devra être discuté au cours des prochains jours au sein de la Commission de l'Intérieur, des collectivités territoriales et des infrastructures à la chambre haute. Lors de la dernière réunion de cette commission avec le ministre délégué à l'Intérieur, Noureddine Boutayeb, début mars, les conseillers ont été informés que le Registre social unifié ne verra le jour qu'à partir de 2023. Le processus s'annonce très long! Selon le planning initial du gouvernement, cette année 2020 sera consacrée à l'adoption du projet de loi et à l'élaboration des textes réglementaires pour ensuite créer l'Agence nationale des registres. Pour éviter «l'exploitation électorale» du dossier, le chantier sera suspendu momentanément en 2021, année de la tenue des élections législatives. Après une première expérience pilote, la généralisation du dispositif ne devrait avoir lieu que d'ici cinq ans. Remarques préliminaires La prochaine réunion de la Commission de l'Intérieur de la Chambre des conseillers sera consacrée à la discussion détaillée du texte. Les parlementaires ont déjà émis plusieurs remarques sur le projet qu'ils comptent amender avant son adoption puis transfert à la chambre basse. Le coordinateur du groupement de la Confédération démocratique du travail et membre de la Commission de l'Intérieur, Mbarek Sadi, souligne que le texte gagnerait à être amélioré. Il estime nécessaire de renforcer, dans les dispositions du texte, la protection des données à caractère personnel pour que le projet 72-18 soit en conformité avec la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. À cela s'ajoute la nécessité de rendre automatique le soutien financier, sans demande préalable des personnes concernées. Le parlementaire de la CDT émet, par ailleurs, des doutes quant à la faisabilité du dispositif, surtout en milieu rural. «On n'est pas sûr du taux de réussite de cette expérience au Maroc», assure-t-il. À l'instar d'autres parlementaires de la chambre haute, Sadi tient à relever que le Registre social unifié ne doit pas être vu comme une baguette magique qui permettra de résoudre les problèmes sociaux, mais il doit impérativement être accompagné d'une véritable politique sociale, d'autant plus que le diagnostic autour des dysfonctionnements du système actuel d'appui social est partagé. D'après l'Exécutif, le texte en cours d'examen par les conseillers vise à mettre en place des mécanismes permettant de renforcer l'harmonie entre les programmes d'appui social, à travers une vision unifiée pour les mettre en œuvre de manière juste et transparente, dépasser les problématiques techniques qui empêchent les catégories méritantes d'en bénéficier et de garantir la convergence de ces programmes. Le gouvernement compte sur la mise en place du Registre social unifié et la création de l'Agence nationale des registres pour mettre fin au problème de ciblage. La future agence permettra de mettre en place des mécanismes de ciblage efficaces et de dépasser, ainsi, les multiples couacs qui altèrent l'efficacité des programmes sociaux comme le RAMED dont 10 à 15% des bénéficiaires ne remplissent pas les critères requis. Le gouvernement est appelé à prendre en considération les recommandations des institutions nationales dans l'élaboration d'une nouvelle vision sociale. L'Exécutif est très attendu pour la mise en place d'un système unifié et intégré de la protection sociale. Il est en effet grand temps de mettre fin aux multiples dysfonctionnements qui émaillent le secteur et privent des millions de citoyens de protection sociale. Manque de coordination Le gouvernement, qui a affiché son intention de s'attaquer à cette question, est appelé à accélérer le rythme de la mise en œuvre de la réforme. La nouvelle vision gouvernementale est en cours d'élaboration à la lumière des recommandations des Assises de la protection sociale. L'objectif étant d'assurer la convergence escomptée entre tous les programmes à caractère social. Il est urgent de pallier le manque d'intégration dans l'élaboration des politiques qui limite l'efficience du système de protection sociale. Le système actuel, rappelons-le, est marqué par un manque d'intégration au niveau programmatique avec une multitude d'initiatives de protection sociale, ainsi qu'un manque d'intégration au niveau institutionnel avec environ 50 organismes intervenant dans ce domaine. Aussi l'environnement institutionnel est-il très complexe. Quelque 139 programmes sociaux ont été recensés, selon le gouvernement qui s'est engagé à s'atteler à l'harmonisation des efforts de tous les acteurs concernés. Un système déclaratif Le Registre social unifié est un système national d'enregistrement des familles qui pourront bénéficier des programmes d'appui social. Le processus d'enregistrement est ouvert aux citoyens marocains et aux étrangers résidant sur le territoire marocain, qui se verront attribuer un identifiant civil et social digital permettant la vérification des données personnelles déclarées par les personnes souhaitant s'inscrire au RSU pour bénéficier des programmes d'appui social. Il s'agit aussi de la création d'un registre numérique d'enregistrement des familles qui pourront bénéficier des programmes d'appui social, à la demande du déclarant au nom de son ménage. Ce registre sera le seul moyen d'accès à tous les programmes d'appui social, en déterminant les conditions d'éligibilité à travers des critères précis et objectifs, fondés sur un scoring déterminé par les données sociales et économiques disponibles.