Difficile de parler des arts plastiques au Maroc sans évoquer le nom d'Abderrahmane Ouardane. Prolifique, dynamique, l'artiste peintre vient de participer à la biennale de Dakar. Il s'envolera dans peu de temps à Montréal, au Canada, pour présenter une rétrospective de ses œuvres. Des événements pareils, Ouardane les connaît bien pour avoir sillonné les quatre coins du monde, chantre d'un art sans frontières, ouvert et libre. Rappelez-vous, Abderrahmane Ouardane est connu pour avoir peint la femme nue mais aussi voilée. À tel point qu'on l'a surnommé «le peintre de la femme». «Je ne le dirai jamais assez : le Maroc se fera ou ne se fera pas par la femme. J'ai du sang berbère dans les veines. Vous savez, depuis toujours, la femme occupe un rang privilégié dans la culture berbère. Elle est toujours vénérée, naguère tatouée du signe de sa tribu, la femme en est l'emblème et la fierté (...) J'aime la femme et comme mes aïeux, je ne lui prête que de beaux attributs. J'appelle la femme gazelle, colombe, étoile, soleil, fleur, ou tout simplement «zina», belle», commente Abderrahmane Ouardane. Puis, l'artiste peintre s'est penché sur un autre style, plutôt abstrait. Un style que l'on a décelé lors d'une exposition présentée il y a deux ans à Casablanca. «Griffes de lumière» s'est présentée en effet comme une occasion pour prouver que l'artiste est capable de faire «autre chose». «Il a convergé vers une simplification des formes et une purification des couleurs pour proposer un discours plastique condensé mais intensément éloquent», avait souligné André Robert Kass, écrivain, journaliste et critique d'art. Une effusion de couleurs chaudes, une pluralité de formes (cercles, carreaux, stries et signes...), des matériaux variés, notamment la soie «comme une façon de conserver un peu de la douceur des femmes qu'il a tant peintes, de la soie pour conférer la virilité et la sensualité dont a besoin son discours» dirait Kass. «Cette exposition présente en effet, un concept nouveau dans ma démarche. C'est une approche nouvelle. C'est l'aboutissement de mes investigations théoriques durant ces dernières années dans la sphère du signe et de sa relation avec le sacré et le spirituel (...) L'approche intensifie la simplification des couleurs. L'événement nouveau c'est le rôle réservé à l'opposition ombres-lumières pour exprimer avec beaucoup plus de force la notion de dualité», avait expliqué Ouardane, mais pourquoi s'essayer à de nouvelles formes artistiques après tant d'années d'expériences ? Ouardane répond vite : «L'idée c'est de mettre en évidence à travers cette exposition, à quel point, nous les artistes, nous cherchons des significations élevées dans un espace et une ère marqués par l'égarement, par le matérialisme et par la détresse. Je veux montrer également qu'il existe, derrière les sentiments des hommes et des femmes, derrière toutes les pensées qu'on peut avoir, et derrière tous les efforts pour comprendre le monde». Plusieurs casquettes Si les arts plastiques demeurent son premier amour, Ouardane s'est lancé dans l'événementiel (il en a organisé plusieurs, notamment celui de la franchise), mais aussi dans la littérature. C'est ainsi qu'il a édité, il y a deux ans un livre qui se veut «une conjugaison de regards et d'impressions qui retracent tout le chemin qu'il a parcouru depuis sa première exposition individuelle de 1980, à ce jour». Natif de Casablanca en 1947 et lauréat des ateliers artistiques de Thur-Paris, Abderrahmane Ouardane a commencé à exposer ses œuvres il y a fort longtemps. En 1970, il expose déjà aux côtés d'autres artistes dans le cadre du Salon des artistes indépendants à Casablanca, et il a fallu attendre dix ans, pour qu'il puisse monter sa toute première exposition individuelle. C'était à la galerie 88 à Casablanca. Une exposition «décriée» par les critiques et la presse qui l'ont jugée très audacieuse. En effet, lors de cette première exposition Ouardane avait présenté des œuvres de femmes nues. Ce choix artistique n'est point anodin. Ouardane a subi, en effet l'influence de son apprentissage aux «Ateliers Thur», pour se consacrer au dessin figuratif de la femme. D'abord nue, parce qu'à Paris les artistes peignent beaucoup de corps humains nus. Ensuite des femmes voilées pour éviter toute polémique. Les années se suivent et ne se ressemblent pas pour l'artiste. Il participe à bon nombre d'expositions au Maroc et à l'étranger, remporte des prix, explore de nouvelles formes artistiques... Bref, Abderrahmane Ouardane ne chôme pas ! Ses œuvres ont été présentées dans des pays arabes, en Europe, aux Etats-Unis... et puis vint sa découverte d'Imilchil. C'était en 1987. L'artiste voue toute une passion à cette région et à la culture qui l'anime. Deux facteurs déterminants dans sa démarche artistique. Au départ, cela a conforté le qualificatif qu'on lui a longtemps attribué «le peintre de la femme». Ensuite, cela lui a ouvert le magnifique espace du signe, du symbole et de l'allégorie.