Un événement au cœur de l'événement. C'est ainsi que l'on pourrait décrire le forum «Sociétés en mouvements, cultures en liberté», organisé à l'occasion de la 15e édition du festival Gnaoua et musiques du monde d'Essaouira, qui s'est clôturé hier dimanche. Deux jours durant, on a débattu de sujets cruciaux qui touchent directement à la société marocaine. C'est ainsi qu'il a été question vendredi dans la matinée de se pencher sur une question des plus importantes : «Pour une alternative à la régression, au repli et à l'exclusion». Cette première table ronde à laquelle ont pris part, le ministre Mohamed Nabil Benabdellah, le président du CNDH, Driss El Yazami (le CNDH est l'un des partenaires de cette édition du festival), la déléguée générale de Palestine auprès de l'Union Européenne Leila Chahid et le militant associatif sud-africain Freddie Nyathela, s'est vite transformée en un espace où l'on parle de la culture, mais aussi de la politique. D'ailleurs, tout au long de cette rencontre ouverte au grand public, on n'a pas cessé de confirmer que politique et culture étaient indissociables. «Culture propre», inquiétudes des intellectuels après la montée du PJD, démocratie représentative... étaient, entre autres, les points soulevés lors de cette table ronde. «J'ai la même inquiétude que vous, mais je tiens à rappeler que nous avons deux garanties au Maroc : la monarchie et la Constitution. Tout le reste est question de combat», a précisé le secrétaire général du PPS Nabil Benabdellah. Cri du coeur Invitée pour participer à une table ronde sur les «Espaces privilégiés de la modernité et de l'universalité de nos valeurs», la comédienne Latifa Ahrrare a livré un témoignage émouvant sur sa souffrance avec la censure. Latifa qui s'est effondrée en larmes a parlé de «Capharnaüm», cette pièce de théâtre qui a créé une polémique au Maroc et à l'étranger. «On s'est focalisé au Maroc sur ma tenue sur scène, alors qu'on m'a reproché en Jordanie le fait de lire un passage en hébreu», souligne-t-elle. Latifa qui a été ovationnée par la salle pendant de longues minutes a affirmé, encore une fois, qu'elle ne baissera jamais les bras. Les participants se sont également penchés sur la diversité et le respect de l'autres. L'accent a été mis sur la pluralité de l'identité marocaine, de la culture judaïque, qui est une partie intrinsèque de cette identité marocaine et que la jeune génération ignore. «J'appelle à ce qu'on revoie complètement nos manuels scolaires. Il faut inculquer à nos élèves des valeurs universelles, si l'on veut qu'il accepte l'autre», a tenu à affirmer le directeur des Archives du Maroc, Jamaâ Baida. La musique était là ! Un forum, mais aussi des spectacles de haute facture ont été programmés cette année, malgré le peu de moyens financiers dont dispose le festival. Le directeur artistique du festival, Karim Ziad nous l'a d'ailleurs confirmé : «Nous traversons une période difficile... J'espère que l'année prochaine sera moins laborieuse pour nous sur le plan financier». Il y a peu de moyens et beaucoup de créativité, grâce à des fusions et à des résidences artistiques. Si les Qawwali pakistanais Farred Ayaz Et Abu Mohammad et les Issaoua de Meknès qui se sont produits vendredi soir, n'ont pas réussi à transporter le public dans cet univers spirituel, le mâallem Hamid El Kasri, habitué du festival, était au sommet de son art samedi aux côtés du saxophoniste britannique Soweto Kinch. Un moment musical inédit où le guembri et le saxophone étaient mélangés harmonieusement. Quand aux amoureux de la musique gnaoua, ils avaient rendez-vous chaque soir avec des «lilas» à la Zaouia de Sidna Blal. Plus loin, la scène Méditel qui s'érige en pleine plage, accueillait des fusions improbables. Samedi par exemple, avant de céder la scène au groupe Hoba Hoba Spirit, le mâallem Mustapha Baqbou et les musiciens de Bob Maghreb ont livré un show des plus recherchés. Hier soir, les mâallems Omar Hayat, Mustapha Baqbou, Abdelkader Amlil et Saïd Oughassal ont clôturé la 15e édition de ce festival, qui ne cesse de consolider sa place sur la scène internationale.