Comment se porte la recherche en sciences humaines et sociales au Maroc ? Cette question a été de mise lors d'un séminaire organisé en fin de semaine dernière à Agadir par le British Council et l'université Ibn Zohr avec le soutien du ministère de l'Enseignement supérieur. «Au Maroc, si l'importance des sciences humaines est avérée, un coup de fouet à cette discipline s'avère indispensable». C'est le constat sur lequel se sont accordés les participants à cette rencontre. «L'évolution de l'image de l'enseignant au sein de la société marocaine a connu des changements qui ont modifié le vécu de l'enseignant et l'image qu'il se fait de lui-même», explique l'enseignant-chercheur Mohamed Tozy de l'université Hassan II. De l'avis de Tozy, les enquêtes effectuées dans ce sens ont montré l'absence d'une communauté scientifique structurée au Maroc, consciente de sa place dans la société, mais aussi d'une culture d'autoévaluation et d'autocritique nécessaire pour valoriser la recherche. S'agissant de la production scientifique, le conférencier a fait le constat à partir de l'étude bibliométrique réalisée par le professeur Cherkaoui en l'année 2009, pour la période 1960-2006 et qui a concerné 57.000 unités, toutes publications confondues. Le Professeur a indiqué que les écarts sont importants entre les publiants et non-publiants. Il a aussi noté que la production en termes de science humaines et sociales a connu une évolution linéaire, pour toutes les disciplines, parallèlement à la croissance du nombre d'enseignants et l'augmentation du ratio d'articles produits, qui est passé d'un article pour deux chercheurs à un article et demi. Ce qui est globalement faible par rapport aux standards internationaux. Quant aux contraintes liées à la recherche en sciences humaines et sociales, le professeur a souligné l'absence de commandes claires de l'Etat et des collectivités locales. Ce qui nécessite une pédagogie particulière pour inciter les agents publics et les élus à clarifier et à expliciter leurs besoins. De surcroît, l'importance de revaloriser le rôle des écoles doctorales au sein de l'université marocaine est indispensable selon les participants pour qu'elles puissent jouer leurs rôles de moteur du développement de la recherche en SHS, ainsi que pour préparer la relève. Dans le cadre de l'état des lieux de la recherche en SHS en Grande-Bretagne, le responsable des politiques au sein du Conseil de la recherche économique et sociale (CRES) a exposé le rôle de cette entité dans la promotion de la recherche scientifique en SHS, à travers une présentation de ses missions. Dans le même sens, le professeur Connolly de l'université Queen à Belfast, a présenté le Centre de recherches appliquées et multidisciplinaires, en s'appuyant sur des exemples de projets de recherche traités par le centre, et pour rester dans l'expérience britannique, le professeur Rafols de l'université de Sussex, a indiqué que le système académique s'intéresse aux deux aspects qui régissent la gouvernance de la recherche scientifique en SHS, notamment les financements liés aux impacts sociaux de la recherche sur la qualité de vie des citoyens et la recherche de l'excellence. À l'issue de cette rencontre, plusieurs recommandations ont été émises. Il s'agit d'inscrire la recherche scientifique en sciences humaines et sociales parmi les priorités nationales et régionales, et dans tous les projets de développement sociaux et économiques, avec une identification des besoins. Les participants ont insisté sur l'institutionnalisation de la relation universités–collectivités en matière de recherche scientifique, particulièrement en sciences humaines et sociales. Concrètement, les enseignants-chercheurs ont appelé à l'élaboration d'une charte de l'expertise et de la qualité dans le domaine de la recherche scientifique en sciences humaines et sociales, oeuvrer pour l'édition d'une revue avec un comité de lecture, dédiée aux SHS, mais aussi la mise en place des pôles d'excellence et/ou de compétences en sciences humaines et sociales.