Abdelilah Benkirane aurait sans doute souhaité arriver à la tête de l'Exécutif une année plus tôt . La période des «vaches grasses» caractérisant la dernière campagne de commercialisation céréalière, est arrivée à son terme. La fin du mois dernier a en effet coïncidé avec l'arrivée à terme de la campagne de commercialisation des récoltes céréalières record de 2011, avec 84 millions de quintaux (Mqx), en hausse de 28% par rapport à 2010. L'heure est au bilan chiffré au niveau de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL). Principal enseignement, la balance commerciale aura profité d'un léger soulagement au terme de la dernière campagne, une sorte de sursis, en attendant des perspectives plus chargées. Depuis le début de cette campagne, les importations de céréales ont régressé de 2% par rapport à la campagne précédente (2010-2011). Ces importations ont atteint un volume global de 59 Mqx, dont près de 50% de blé tendre. Ce recul est évidemment une suite logique de la situation optimale des stocks nationaux en céréales, constitué sur la base des récoltes de 2011. Au final, les stocks disponibles déclarés par les opérateurs à l'ONICL au 31 mai dernier, sont estimés à un peu plus de 20 Mqx, constitués à presque 72% par le blé tendre. Quant au niveau des collectes, la structure affiche un niveau de près de 22 Mqx. Pour en revenir aux importations, le détail des chiffres maintient le blé tendre comme la céréale la plus importée, avec un volume total annuel de 29 Mqx à fin mai, contre 32 Mqx sur 2010-2011. Le blé tendre s'accapare ainsi une part de 49% dans le total des importations céréalières, 29% pour le maïs, 11% pour le blé dur et 10% pour l'orge. Sur chacune de ces céréales, les variations de volumes importés sont certes négatives, mais demeurent légères. Quant à la structure des origines de ces importations, la tradition a été respectée. Le principal fournisseur du royaume en céréales demeure la France, avec 33,5% de part de marché. L'Hexagone se positionne surtout sur le blé tendre, là où l'Argentine et le Brésil - avec des parts de marché respectifs de 27,5% et 10,4% - performent sur le créneau du maïs. Perspectives Les perspectives qui se déclinent à partir des récoltes céréalières de cette année sont loin d'être enthousiasmantes. Au titre de la campagne de commercialisation 2012-2013, qui vient à peine de démarrer, les opérateurs de la première transformation céréalière ne devraient pas avoir grand-chose à se mettre sous la dent. Le ministère de l'Agriculture a estimé la production des céréales de la récolte 2012 à 48 Mqx, dont 26 Mqx de blé tendre. Ce volume est en chute de près de la moitié, en comparaison au niveau atteint en 2011. C'est une chute brusque et abrupte, que le gouvernement n'a pas vu venir, après plusieurs années successives de silos remplis et qui ouvre la porte à plusieurs menaces sur le marché en 2013. «La première concerne les tendances à la spéculation, qui s'en prend aux cours aux halles à grains et souks, en période d'offre déficitaire couplée à une demande croissante», nous explique ce responsable à la Fédération de l'interprofession céréalière. Mais l'Etat semble décidé à prendre le taureau par les cornes, dès maintenant. Le prix de référence du blé tendre a été ainsi arrêté à 290 dirhams le quintal, pour une qualité standard, selon une circulaire de l'ONICL rendue publique le 29 mai dernier. La seconde grande menace de marché, tributaire de cette récolte déficitaire, est liée au fait que le royaume devra recourir massivement aux importations pour assurer l'approvisionnement du marché intérieur. Si aucune prévision officielle n'a encore été livrée sur cet aspect, des sources étrangères parlent déjà de quelque 5 millions de tonnes de blé tendre pour 2013 (estimations du Département d'Etat américain à l'Agriculture). Mais là aussi, l'Etat tente de contrôler les impacts. «Le gouvernement a décidé de reconduire, à fin mai 2012, la suspension des droits de douane appliqués sur le blé tendre», nous informe-t-on auprès du département de l'Agriculture. Quant au blé dur et à l'orge, les importations sont exceptionnellement défiscalisées jusqu'à la fin l'année en cours. La transformation industrielle stagne Si l'Etat des récoltes a été bien meilleur en 2011, la transformation industrielle des céréales ne semble pas avoir suivi le même rythme. À fin mai dernier, la transformation industrielle a en effet atteint un volume de 66,6 Mqx, marquant de fait une très légère régression de 0,1% par rapport à la même période de la campagne précédente. Plus précisément, la minoterie industrielle a écrasé 43% de blé tendre d'origine locale, à la fin de la dernière campagne de commercialisation. Quant à la fabrication des farines subventionnées (FNBT), elles représentent respectivement 55% et 14% des fabrications de la minoterie industrielle. Dans sa dernière note annuelle dédiée au segment de la transformation industrielle, l'ONICL dresse un bilan encore déficitaire sur le niveau d'utilisation des capacités globales de ce secteur. La filière de la minoterie, plus particulièrement, continue de tourner à environ 55% de la capacité installée. 202 unités industrielles sont ainsi opérationnelles dans l'ensemble du royaume, dont 152 sont à vocation de blé tendre. Autre observation, le segment industriel à un très faible taux de croissance de ses capacités. Au cours de l'année 2011, seules trois nouvelles unités ont été créées, toutes à vocation de blé tendre. Quant à la répartition des effectifs du secteur, elle est caractérisée par une forte concentration (+60%) de la capacité des minoteries dans les régions de Casablanca-Settat, Marrakech et Fès-Meknès.