Fraîchement nommé en mars dernier, le nouveau Directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI), Mikaël Naciri, n'aura pas la tâche facile durant son mandat qui s'annonce chargé. Le contexte du marché monétique s'apprête en effet à s'ouvrir à un nouvel entrant. Il s'agit en l'occurrence de M2M qui vient d'obtenir de la part de Bank Al-Maghrib son agrément pour opérer des transactions de paiement. Il ne manque plus à l'opérateur marocain que les licences des marques Visa et Mastercard pour pouvoir lancer sa propre plateforme monétique. Celle-ci pourrait bien être mise en service et donc proposée aux commerçants, d'ici l'année prochaine. Equipant déjà, avec ses TPE, bon nombre de commerces, M2M sera par conséquent prochainement du même côté que le CMI, après avoir longtemps été son partenaire. Depuis son lancement en 2004, le CMI s'occupe d'assurer l'interopérabilité des paiements et retraits entre les différentes banques de la place, de surveiller en continu les opérations afin de lutter de façon efficace contre la fraude, et d'effectuer l'équipement des commerçants en terminaux de paiement électronique (TPE). Auparavant, le Centre jouissait de son monopole en ce qui concerne cette dernière activité, mais l'arrivée bientôt de M2M n'empêche pas Naciri d'être serein pour l'avenir du Centre monétique interbancaire. «Notre première ambition est de demeurer le leader de référence dans les solutions de paiement électronique au Maroc. Jusque-là nous étions dans une situation de monopole de fait, simplement parce qu'aucun opérateur n'était intéressé par ce marché. Aujourd'hui, outre M2M, il y aura certainement d'autres concurrents car il n'y a pas de raison pour qu'il n'y en ait pas d'autres. Toutefois, le CMI est aujourd'hui suffisamment structuré pour affronter la concurrence», assure ainsi Naciri. Concurrence et compétitivité Dans sa stratégie de défense, le CMI mise en première ligne sur l'investissement technologique. «Nous allons lancer, d'ici début 2013, une nouvelle plateforme pour l'ensemble de la communauté bancaire et prendre en charge le mobile payment», confie-t-il. D'autre part, avec la formation d'un marché concurrentiel, les compétences commerciales du CMI seront mises à l'épreuve. «Il faut que nous nous renforcions sur l'aspect commercial en rendant notre offre plus visible et plus lisible pour les commerçants. Nous allons donc retravailler notre marketing et notre communication pour rappeler nos forces à nos clients, à savoir notre expertise avérée sur ce marché et notre service client», explique Mikaël Naciri. Très décriée par les clients, potentiels comme actuels, la tarification a, quant à elle, déjà subi des modifications. Les commerces de proximité bénéficient ainsi d'une réduction de 50%, soit une commission de 1% du montant à chaque transaction. Quant au tarif normal, il est de 1,5% du montant de la transaction. Néanmoins, le CMI n'envisage pas de nouvelles baisses: «Il risque d'être difficile de jouer sur le terrain de la tarification puisque la structure des frais de commission intègre un élément incompressible: le frais d'interchange». Le Directeur général du CMI explique ainsi que ce frais d'interchange représente la part de la commission qui revient à la vente et la maîtrise de la carte. «Il est vrai que pour les cartes étrangères, le paiement électronique coûte cher et ceci, justement à cause de ce frais d'interchange», admet néanmoins Naciri. Et d'expliquer que lorsque le CMI prélève 2,5% de la transaction chez les clients, 2% sont prélevés par Visa et Mastercard et la banque étrangère du porteur de carte. «Nous discutons ensuite les 0,5% restants. Il sera donc très difficile de jouer sur ce taux car la marge de manœuvre est très mince», nous explique Mikaël Naciri. Accélérer la cadence Cela sans oublier que la marge bénéficiaire que réalise le CMI est réinjectée pour subvenir aux besoins en investissements. «Nous sommes également contraints par les réseaux internationaux à mieux nous équiper et à renforcer la sécurité et la disponibilité ainsi que les temps de réponse. Tout cela nécessite des investissements en technologie, en logiciel, en télécoms, ce sont des investissements portés par le CMI et financés sur la marge qu'il nous reste», continue Mikaël Naciri. De la même façon que Bank Al-Maghrib a assigné au CMI la charge de participer au développement de la bancarisation. D'où les campagnes de communication de la société pour convaincre, à la fois les porteurs de carte et les commerçants, de privilégier ce mode de paiement. La Banque centrale a d'ailleurs recommandé au CMI d'accélérer la cadence au niveau de l'équipement des commerçants en TPE. «La cadence s'est déjà accélérée au début de l'année 2012 et nous allons doubler notre activité en passant de 5.000 TPE par an à 10.000 par an», confirme Naciri. Une manière encore une fois de préparer le terrain de la mise en concurrence du marché. La monétique en chiffres Lentement mais sûrement, les habitudes de paiement des Marocains évoluent. Il suffit de se pencher sur les statistiques du secteur pour remarquer les différentes progressions. Aujourd'hui, 25.000 commerçants, sur un potentiel de 120.000 commerces éligibles, sont déjà équipés en terminaux de paiement électroniques (TPE). Aussi, 8,35 millions de cartes bancaires étaient en circulation au Maroc à l'issue du premier trimestre 2012, représentant une progression de 4% par rapport à la fin 2011. En parallèle, le nombre de transactions ne cesse d'augmenter. Le nombre d'opérations déclenchées avec une carte bancaire, qu'il s'agisse de retrait d'espèces sur le réseau des 5.172 guichets automatiques (GAB) ou de paiement auprès des commerçants, physiques ou virtuels, a atteint 50 millions d'opérations durant le 1er trimestre 2012, pour un montant global de 43,1 MMDH (+13% par rapport au 1e trimestre 2011). Le Centre monétique interbancaire gère ainsi 50.000 transactions par jour, dont 94% émanent des TPE, les 6% restants s'inscrivant dans le segment du e-commerce.