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Pas si évident que ça !
Publié dans Les ECO le 11 - 05 - 2012

«Le Maroc n'est pas aussi attractif qu'on ne le pense pour les autoentrepreneurs africains». C'est là la déduction faite par Hamid El Otmani, directeur général du cabinet LMS, suite à l'étude menée sur l'autoentrepreneuriat en Afrique, élaborée pour le compte du Centre des jeunes dirigeants (CJD) et rendue publique mercredi. Selon cette étude, les principaux pays ciblés pour d'éventuelles créations d'entreprises par les jeunes sont le Sénégal, la Tunisie et le Cameroun, le Royaume n'arrivant qu'en sixième position des destinations qui tentent ces jeunes entrepreneurs africains. Un constat amer, dans un contexte où le Maroc aspire à devenir une plaque tournante, à la fois par rapport aux marchés africains mais aussi comme terre d'accueil des investisseurs africains souhaitant se rapprocher des marchés européens et occidentaux. «Même les Africains qui viennent faire leurs études au Maroc préfèrent soit y travailler comme salariés, soit rentrer créer leur entreprise dans leur pays d'origine», précise El Otmani. Ces futurs autoentrepreneurs ont-ils pris conscience que c'est en Afrique subsaharienne que la croissance a de l'avenir ? Sont-ce les freins culturels qui les poussent à investir dans leur propre pays ? Les hypothèses pour expliquer le constat relevé par LMS ne manquent pas, sans qu'elles soient pour autant vérifiables. Néanmoins, ce qui est sûr, c'est que sur les 2.030 ressortissants des pays africains sondés, le cabinet d'études et de conseil relève que 63% du panel sondé pointe du doigt les difficultés de financement comme principal obstacle pour se lancer dans l'autoentrepreneuriat au Maroc. Ils rejoignent ainsi les jeunes Marocains qui, dans des études semblables réalisées par le passé, ont également fait ressortir ce volet comme principal frein. «Le microcrédit pourrait être une solution permettant d'anticiper le risque d'opérer dans le secteur informel, tout en facilitant aux autoentrepreneurs l'accès au financement, obstacle majeur commun à tous les pays africains», propose Zakaria Fahim, président du CJD. Au-delà du financement, le sondage relève que l'accompagnement est également un point central pour soutenir l'entrepreneuriat. 17% des sondés déplorent en effet le manque de soutien et d'aide tout court. À ce titre, l'étude du CJD International confirme que, sur les différentes phases de vie d'un projet, l'entrepreneur a besoin d'assistance. D'abord, dans la phase de création, il a besoin d'une aide pour transformer l'idée en projet, l'assistant à monter un dossier défendable, un financement et la facilitation des procédures. Ensuite, sur la phase de démarrage, le besoin concerne principalement l'encadrement juridique et technique en plus de la formation et du conseil. Enfin, en phase de développement, il a besoin d'outils et de méthodes de pilotage et de développement d'activité. Ils sont par ailleurs, 12% à trouver les démarches administratives de création d'entreprises toujours compliquées et lentes en Afrique, et ce, malgré les efforts notables dans certains pays comme le Maroc et le Sénégal, avec notamment l'existence de guichets uniques depuis le début du siècle. 6% des interrogés pointent pour leur part l'inexpérience comme frein à la création d'entreprise, tandis que 3% sont découragés par les barrières linguistiques.
La clé qui ouvre l'esprit d'entrepreneuriat
L'étude de LMS va encore plus loin en dévoilant que le développement de l'esprit d'entrepreneuriat passe par la résolution de ces problématiques. «Ces obstacles, une fois solutionnés, auraient encouragé 94% de ceux hésitant à franchir le pas de l'autoentrepreneuriat. 96% des personnes interrogées dans la cadre de l'étude, encouragent même leurs enfants à devenir entrepreneurs», notent les initiateurs de l'étude. Pour ce faire, cette étude pourrait constituer une piste pour la mise en place d'un cadre incitatif dans le sens où elle a été l'occasion, pour les potentiels créateurs d'entreprises, d'adresser un message au législateur africain pour un meilleur accompagnement à l'autoentrepreneuriat. La première idée prônée dans ce sens par la majorité des sondés consiste à accorder «un financement approprié à chaque projet». «La couverture sociale» arrive en deuxième position, avant respectivement l'idée de «domiciliation chez soi» et celle de «la déduction forfaitaire des impôts sur le chiffre d'affaires encaissé». Ce sont là des points que les entrepreneurs potentiels présentent comme des impératifs. L'étude menée par le cabinet LMS a permis d'identifier les secteurs les plus prisés par les porteurs de projets et les créateurs d'entreprises. Le commerce, la vente et les franchises arrivent en tête, ciblés par 30% des personnes interviewées, suivis des secteurs de la logistique et de la distribution avec 25%. Les technologies de l'information, la formation, le conseil et la fiduciaire arrivent en 3e position avec 20% contre les autres secteurs restants (BTP notamment)... avec 5% de réponses.
Mieux cerner les freins
L'étude sur l'autoentrepreneuriat en Afrique a été menée de janvier à avril derniers et a porté sur un panel de 2.030 individus, composé d'étudiants (79%), d'actifs en poste (18%) et d'actifs à la recherche d'un emploi (3%). Les interviewés, en face-à-face et via Internet, dont 70% d'hommes et 30% de femmes, sont des ressortissants d'une quinzaine d'autres pays d'Afrique (Egypte, Djibouti, Tunisie, Algérie, Mauritanie, Congo, Cameroun, Tchad, Bénin, Sénégal, Burkin-Faso, Mali, Niger, Madagascar, Guinée-Equatoriale). Selon le CJD International, les objectifs de cette initiative étaient d'identifier les freins et les motivations qui dissuadent/encouragent la cible à lancer un projet individuel, de vérifier l'existence de l'esprit entrepreneurial dans le cercle familial et son impact sur l'attitude de celle-ci à l'égard de l'entrepreneuriat, ainsi que de déterminer les secteurs les plus attractifs aux yeux d'une population-cible, pour créer son entreprise. Il s'agit notamment d'une étude en complément à celle réalisée auparavant, qui visait principalement un panel marocain.
Autoemploi, la recette du gouvernement
Alors que le gouvernement veut inscrire l'autoentrepreneuriat comme solution pour résorber le chômage, le CJD avait déjà anticipé la question en réalisant en mai 2011, un sondage pour définir ce qui freinerait les jeunes Marocains dans la création de leur propre entreprise. Celui-ci a permis de relever les mêmes difficultés que la récente étude sur l'Afrique. Il s'agit en l'occurrence de la complexité des procédures administratives, le manque de financement adéquat et adapté et l'absence d'accompagnement. En d'autres termes, les défis à relever pour développer cet esprit sont les mêmes, qu'il s'agisse des Marocains ou de jeunes d'autres nationalités. À ce titre, il convient de souligner que le plan d'action du gouvernement prévoit de lancer une évaluation des mesures de soutien de l'autoemploi, déjà mises en place en vue d'y apporter les remodelages nécessaires. Il s'agit en effet du programme Moukawalati qui, de l'avis même du ministre de l'Emploi, n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été fixés. «Il s'est avéré qu'il ne suffisait pas de soutenir financièrement un créateur d'entreprise pour que le projet marche. Il faut également un travail d'accompagnement, afin d'instaurer un esprit entrepreneurial chez le porteur de projet», indiquait
récemment le ministre de l'Emploi devant la Chambre française de commerce et d'industrie.
Par ailleurs, il est question pour le gouvernement de promouvoir l'auto-emploi à travers l'accompagnement des nouvelles entreprises et la facilitation de leur accès à la commande publique. Ceci devrait donc constituer le véritable cheval de bataille pour le gouvernement, afin de répondre au chômage. Un constat d'autant plus valable que, selon les résultats d'une enquête commandée par le département de la Jeunesse et des sports en 2011 sur les besoins des jeunes Marocains, près de 52% des sondés ambitionnent de créer leur propre entreprise. Un pourcentage assez prometteur, qui continuera de prendre de l'ampleur avec la multiplication des initiatives destinées à promouvoir la culture entrepreneuriale chez les jeunes, les étudiants principalement. Certes, cet aspect ne suffit en aucun cas à garantir le succès de ces initiatives sans que soient mis en place, en amont, des mécanismes susceptibles d'accompagner les jeunes entrepreneurs, non seulement, dans la création d'entreprises, mais aussi dans leur pérennisation.


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