Si les chaînes de télévision publiques pataugent aujourd'hui, c'est principalement en raison de l'énorme retard accusé sur le chantier de la réforme secteur audiovisuel. Driss Jettou n'a pas fait dans la langue de bois, hier mardi sous la coupole, quand il a analysé la situation du paysage audiovisuel. Pourtant, la solution avait déjà été formulée et des premières actions avaient été entamées. Le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle avait émis un avis en 2006 appuyant la nécessité de rassembler et rapprocher les composantes du secteur audiovisuel public dans un pôle public unifié,diversifié et complémentaire, tout en bénéficiant des réalisations des deux sociétés actuelles. Où en est-on aujourd'hui? « Une telle initiative a trop tardé et 13 ans après le lancement des premières étapes de la réforme, ce pôle audiovisuel public n'a pas encore été institué », a critiqué Jettou lors de la séance commune des deux Chambres du Parlement. Ce pôle, a expliqué Jettou, pourrait induire une nouvelle dynamique dans le secteur, à travers la modernisation et l'équipement des structures et engendrer la complémentarité et la synergie dans leurs activités, surtout dans le climat de forte concurrence des chaînes satellitaires étrangères et de la multiplicité des médias modernes de communication . Ce que les deux chaînes ont en commun aujourd'hui, c'est leur Président directeur général. Hormis cela, et en dépit de leur situation financière difficile, les deux sociétés publiques ne « forment pas un pôle unique leur permettant de travailler dans un environnement meilleur en ce qui concerne la coordination et la complémentarité des activités ainsi que l'économie dans la gestion des ressources », a indiqué Jettou. En effet, même à des paramètres différents, la situation financière des deux sociétés publiques est délicate. Et les chiffres sont là pour étayer ce diagnostic: Le résultat net de la SNRT s'est dégradé de façon considérable en 2012, année au cours de laquelle le déficit enregistré avait atteint 146,35 millions de DH. « Bien qu'elle ait connu une légère amélioration au cours des années suivantes, la SNRT affronte de nombreuses contraintes pour stabiliser sa situation financière », a fait remarquer Jettou. Quant à SOREAD-2M, le président de la Cour des comptes a indiqué qu'elle connaît une détérioration encore plus grave car elle enregistre depuis 2008 des résultats négatifs, notant que « la société a subi une perte annuelle en moyenne de 100 millions de DH durant la période 2008-2018, ce qui l'empêche de procéder aux investissements indispensables pour moderniser ses diverses structures ». Concernant les ressources financières, la SNRT compte essentiellement sur les subventions de l'Etat qui ont atteint en 2018 un montant de 931 millions DH, alors que les ressources propres de la société provenant surtout de la vente des espaces publicitaires restent modestes, n'ayant guère dépassé les 13% de son financement depuis 2013, a fait savoir Jettou. En revanche, il confirme que la SOREAD-2M s'appuie pour son financement de façon substantielle sur les produits de la publicité, les subventions de l'Etat ne dépassant pas en moyenne, depuis 2013, les 50 millions DH par an, soit 7% des ressources de la société. La Cour considère que le modèle économique appliqué par SOREAD-2M rend difficile la possibilité d'un compromis entre la profitabilité financière et les engagements en matière de service public, sachant que les cahiers des charges exigent des obligations déterminées relatives à la diffusion de la publicité. Partant de son évaluation de la gestion des deux sociétés, a-t-il relevé, la Cour des comptes constate « le non renouvellement des contrats-programmes entre l'Etat et ces deux organismes publics depuis 2012, ce qui va à l'encontre du rôle stratégique attendu du secteur audiovisuel public et le met en situation de contradiction avec les dispositions de la loi 77.03 relative à la communication audiovisuelle qui prévoient que les dotations budgétaires de l'Etat aux deux sociétés soient accordées sur la base de contrats-programmes ».