Les réformes dans le transport routier des voyageurs vont bon train. Le projet de loi appelé à remplacer une législation archaïque datant de 1963 est, pour l'heure, sur la table du Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour étude avant validation. Pour une meilleure visibilité, les représentants de la profession ont jusqu'au 30 juin prochain pour soumettre leurs propositions et amendements au ministère de l'Equipement et du transport. «Le projet dans sa mouture actuelle répond aux doléances des professionnels opérant dans un secteur où plus de 90% des entreprises sont embryonnaires. Il faut dire que la cadence de traitement de ce dossier est rapide, mais, il ne faut pas oublier que ce projet a été préparé par l'ancien Exécutif après plusieurs études destinées à cerner ce métier», reconnaît Chennaoui Abderrahim, secrétaire général de la Fédération générale du transport par route et aux ports (FGTRP). Destiné à combattre l'économie de rente, ce projet a pour ambition de réorganiser le transport des voyageurs, dont l'offre est, depuis des années, incapable de suivre l'évolution de la demande. En effet, le transport par autocar dans les déplacements interurbains est en perte de terrain. Il cède, de plus en plus, la place à d'autres modes de transport, notamment informels. C'est dans ce contexte qu'intervient la réforme du secteur du transport routier public de voyageurs. Elle s'est fixé pour objectif de supprimer le système des agréments «distribuant de manière discriminatoire des rentes sans rapport avec l'investissement ni le travail nécessaire à l'exploitation des services de transport». Dans ce sillage, Aziz Rabbah, ministre de l'Equipement et des transports, conformément au programme gouvernemental qui prône la lutte contre l'économie de rente, a brisé le silence. En effet, en commençant par la publication, le 29 février 2012, de la liste des bénéficiaires des agréments de transport de voyageurs par autocars, comportant 3.681 autorisations de transport profitant à 1.478 personnes physiques ou morales, un vif débat a éclaté sur la scène publique et politique. «Certes, la publication de la liste des agréments a suscité une vive réaction du public, mais, elle n'a pas eu d'impact sur le déroulement de l'activité du transport des voyageurs. En effet, il ne s'agit pas de perturber les citoyens dans leur déplacement. Il faut trouver les bonnes solutions pour gérer cette problématique», indique Chennaoui. Il est à noter, à ce titre, que le projet de loi stipule «qu'avant l'expiration des agréments en cours d'exploitation à la date de la mise en œuvre du nouveau système... et de sorte qu'il n y'ait pas de rupture de service public, l'autorité régulatrice des transports procèdera aux appels d'offres pour attribuer des lignes ou réseaux de lignes conformément à la nouvelle loi». Notons qu'une période de transition de trois ans est prévue pour basculer progressivement d'un système de rente à un système économiquement viable. Cependant, nombreux sont les titulaires d'agréments qui auront du mal à se convertir en transporteurs. Cela rendra difficile la restitution du transport de voyageurs aux professionnels sur la base de dispositions légales nouvelles. «Les transporteurs de voyageurs veulent profiter des erreurs commises lors de la libéralisation du secteur. Si la réforme dans sa mouture actuelle est bonne, elle doit être bien menée pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le secteur de transport de marchandises», considère Abderrahim Chennaoui, qui recommande une forte adhésion de la société civile aux négociations. Bonne gouvernance La bonne gouvernance est l'un des piliers de la réforme du secteur du transport routier public des voyageurs. En attendant la constitution du Conseil national du transport, l'autorité de régulation de la profession, un secrétariat permanent va se former au sein du ministère de l'Equipement et du transport, pour trancher les litiges. Il s'agit d'une interface entre les professionnels et le ministère, qui s'inscrit dans le cadre de la mise à niveau du secteur, qui compte trois fédérations. D'ailleurs, l'autorité régulatrice se chargera aussi de la planification des transports. Les plans de transport porteront sur l'identification des lignes et des réseaux de transport routier répondant à la demande et économiquement viables à travers des études de faisabilité et de rentabilité. Ils devront définir origine, destination, capacité, horaires,... La libéralisation du transport routier sur la sellette La libéralisation des autorisations dans le secteur du transport routier des voyageurs revient souvent sur la sellette. Les retombées négatives de la libéralisation des licences dans le transport maritime 2007(Open Sea) et dans l'aérien en 2006 (Open Sky) sur les opérateurs de ces deux secteurs incitent à se poser des questions sur l'importance de l'ouverture d'un secteur à la concurrence étrangère. En effet, le cas du transport maritime est plus qu'édifiant. Le chiffre d'affaires global des armateurs marocains a chuté de 25% entre 2009 et 2010 pour s'établir à 3,5 milliards de DH, tandis que l'activité des armateurs étrangers est montée en flèche de 16,4%, à plus de 14,66 MMDH. Conséquences : des transporteurs marocains en difficulté d'honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs créanciers. Le transport aérien n'est pas en reste. Les compagnies low cost pratiquant des prix trop bas, ont rendu la vie dure à Royal Air Maroc, actuellement en restructuration, à cause essentiellement, d'une ouverture presque totale à la concurrence étrangère. C'est dire que toute politique de libéralisation mérite d'être bien étudiée pour éviter que les opérateurs nationaux ne soient livrés à eux mêmes.