La création de zones industrielles autour de Tanger, au cours de ces dernières années a provoqué un afflux massif d'investisseurs. À Tanger Free Zone, à Gzénaya et autour du port de Tanger-Med, les industriels affluent pour produire ou pour stocker en vue de redistribuer. Si des prix de 1.500 à 2.000 DH le m2 peuvent parfois être accessibles à de grandes entreprises prêtes à bénéficier des avantages du code des investissements pour des projets d'une valeur supérieure à 200 MDH, ce n'est pas le cas des investisseurs ayant des projets de moindre poids. Ainsi, trouver un terrain pour créer une station-service ou un hall d'expositions peut relever du parcours du combattant. Du coup, plusieurs projets sont mis en stand-by, tandis que d'autres émigrent vers la périphérie sur la route de Had Gharbia et d'Asilah par l'intérieur, la route de Tétouan, la route de Melloussa et de manière moins importante vers Larache ou la route de Ksar Séghir. Sur cette dernière, sinueuse et étroite, les espaces potentiels permettent la création d'affaires d'hôtellerie moyenne ou de restauration, de stations-services aussi éventuellement. La route de Had Gharbia, vers Asilah, abrite déjà un céramiste, la Compagnie industrielle des fibres, une unité de menuiserie aluminium. Lafarge s'y est installée il y a plus de 20 ans déjà. Les terrains y sont disponibles, mais les décisions administratives sont lentes à se prendre. Pourtant, on se trouve en zone rurale et si le coût d'acquisition reste abordable, autour de 500 DH le m2, les frais d'aménagement et d'équipement à la charge de l'investisseur restent importants. Aujourd'hui, une zone rurale industrielle similaire se développe sur la route de Tétouan dans la bifurcation qui mène au barrage Ibn Battouta, avec une dominante de fabricants de matériaux de construction, mais pas seulement. On appelle cela, les zones industrielles «grises» de la région. Elles se situent en zone rurale, les équipements de base y font défaut, mais le prix d'acquisition de départ du foncier y est inférieur à la TFZ ou en zone viabilisée. Outre la rareté du foncier et le contrôle étroit exercé sur son affectation par le CRI, la wilaya et les services des Domaines, le blanchiment d'argent qui marque encore fortement l'économie régionale ne favorise guère la fluidité des transactions. Ceux qui ont placé leur argent dans ce foncier ne voient aucun intérêt à vendre et à le rendre liquide, puisqu'au départ ils avaient acheté du foncier pour placer leurs importantes liquidités ! Cette logique spéculative est en train aujourd'hui de trouver ses limites avec la logique d'investissement que les pouvoirs publics, les investisseurs et le secteur privé veulent mettre en œuvre. La pénurie de terrains permettant de réaliser des investissements rentables est aujourd'hui latente. Le Centre régional des investissements comme les hommes d'affaires de la ville citent nombre de projets reportés ou oubliés en raison de la spéculation foncière que l'Etat est censé enrayer à travers notamment l'instrument des Domaines et celui des appels d'offres. Ainsi, à plus de 500 DH le m2, «aucun pétrolier ne peut décemment rentabiliser une station-service à construire sur 4.000m2», indique un agent immobilier européen . Idem pour un show-room, lorsque les prix commencent à flirter avec les 1.000 DH le m2. Pourtant, sur la région, les échéances sont là. Renault a besoin de sous-traitants et de logements pour ses ouvriers et ses cadres, la route entre Tanger et jusqu'au-delà de Ksar Sghir ne compte aujourd'hui aucune station-service, la ville de Tanger ne compte pas de parc d'exposition et de salle de congrès. Sans compter les milliers de nouveaux diplômés des universités de la région et du reste du pays, puisque Tanger concentre une part importante des emplois de demain. Pour les moins riches, les spécialistes de la délocalisation selon l'opportunité et certains concepteurs de la gestion de trésorerie, Il reste la solution de la location de locaux industriels avec de grandes hauteurs et un minimum de piliers. Pour cela, il faut compter autour de 5 euros le m2 à la TFZ, 33 DH/m2 à Moghogha et 37 DH/m2 à Gzénaya, où les superficies sont plus petites. Mais cela ne peut être possible que si vous travaillez en fonds propres à 100%. L'avantage du foncier à prix abordable est qu'il permet de disposer de garanties bancaires pour pouvoir emprunter et de participer à une formation de capital local, que ce capital soit national ou maroco-européen. Mais la logique de spéculation étouffe ce type d'évolution, donnant lieu à l'émergence de zones industrielles «grises», avec des problèmes d'aménagement du territoire et d'importants risques pour l'environnement naturel.