Le marché du consulting aiguise les appétits internationaux. Deux étoiles ont rejoint récemment la constellation déjà bien garnie des cabinets de conseil étrangers présents au Maroc. En avril dernier, l'américain Boston Consulting Group (BCG) a inauguré discrètement son nouveau bureau à Casablanca, le premier du continent africain. Le BCG qui conseillait, jusqu'à la récente implantation de son antenne au Maroc, le seul Office chérifien des phosphates (OCP), a toute latitude aujourd'hui pour développer son catalogue client. Avant la fin de l'année, BearingPoint devrait lui emboîter le pas. Le cabinet qui travaillait déjà, depuis ses bureaux européens, pour des opérateurs télécoms et des banques du Maghreb, fait le choix de s'implanter en propre également à Casablanca, afin d'enrichir ses domaines d'intervention. Au passage, il y a lieu de préciser qu'outre l'opportunité d'élargir les champs de prospection, l'ouverture de représentations offre comme attrait pour les cabinets étrangers un traitement fiscal plus avantageux, en ce sens que cette démarche fait soumettre l'antenne créée non plus à une retenue à la source, mais à une imposition sur les bénéfices. Mais, cela va sans dire, l'opportunité commerciale reste bien plus déterminante pour les cabinets étrangers. En effet, les grandes réflexions menées par les départements ministériels, qui se sont multipliées ces dernières années, sont autant d'occasions de drainer du chiffre d'affaires pour les spécialistes du consulting. À ce titre, le Maroc est cité par nombre d'observateurs comme le premier marché pour l'audit et le conseil sur la région Afrique et Moyen-Orient, l'industrie du conseil sur cette dernière zone générant 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, selon les estimations des professionnels. En réaction aux convoitises que suscite le marché du consulting aujourd'hui, de la part de nouveaux arrivants, les cabinets de conseil étrangers déjà installés au Maroc, préparent la riposte. À titre d'exemple, Accenture, présent au Maghreb depuis 5 ans dans les services d'audit (certification de comptes, modernisation de systèmes de comptabilité...), a lancé en avril dernier de nouveaux services de consulting et est en phase de recruter une équipe à cet effet pour son bureau au Maroc. Les spécialistes étrangers «historiques» que sont PricewaterhouseCoopers, Deloitte, Ernst & Young et KPMG, ne se démontent pas non plus et prévoient pour les années à venir les mêmes rythmes de croissance si ce n'est plus que ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant au titre de leurs activités de conseil. Croissance annuelle à double chiffre attendue, donc, par Ernst pour ses activités de conseil au Maghreb et progression annuelle de plus de 20% anticipée chez PricewaterhouseCoopers. Les autres cabinets de consulting étrangers plus récents au Maroc devraient eux aussi redoubler d'agressivité commerciale pour maintenir le trend de leurs bonnes affaires de ces dernières années. À ce titre, et pour ne citer que quelques exemples, le cabinet américain McKinsey arrivé au maroc en 2004 s'arroge une position de choix en ayant pris part à plusieurs gros dossiers, dont les récents plans de reprise économique post-crise ainsi que le plan de développement logistique. Accenture, citée plus haut, a élaboré deux études stratégiques en 2009, l'une pour l'expansion en Afrique de Royal Air Maroc et l'autre pour le développement des sports de masse et d'élite. L'allemand Roland Berger a quant à lui planché dernièrement sur les opportunités ouvertes au Maroc après la signature de l'association de libre-échange avec les Etats-Unis. La présence en force des opérateurs du conseil étrangers amène par ailleurs une question sur la situation des cabinets nationaux de consulting : ne pâtissent-ils pas de ce rush de la concurrence internationale? Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le développement de la concurrence étrangère ne présente pas que des inconvénients pour l'industrie locale. «Les firmes internationales ont compris que pour percer au Maroc, elles doivent développer des partenariats avec des acteurs locaux pour mener à bien leurs missions », rapporte Eric Pradel, directeur associé de Capital Consulting, l'un des deux plus gros cabinets de conseil nationaux, aux côtés de Valyans. Capital Consulting entretient d'ailleurs un partenariat exclusif avec Roland Berger. Selon Pradel, cette démarche s'impose aux grands noms internationaux du conseil pour s'assurer d'une bonne appréhension du contexte local et pour bénéficier d'une bonne introduction auprès des décideurs. Il en résulte des partenariats de lancement gagnant-gagnant entre opérateurs locaux et internationaux. Il n'empêche que les professionnels nationaux ont aussi veillé à mettre en place des stratégies de défense pour sécuriser leur chiffre d'affaires. Celles-ci ressortent dans les positionnements dont ils se prévalent et qui se veulent taillés sur mesure pour les besoins du marché marocain. Selon les cabinets nationaux, la tendance observée actuellement est que les études stratégiques commanditées par les ministères et autres organes formulent de plus en plus la nécessité de définir des modèles propres au Maroc, à son histoire, à sa culture, à sa pluralité et à ses stratégies sectorielles déjà en place. Et il se trouve que les consultants locaux ont un avantage manifeste à faire jouer dans ce contexte de par leur connaissance des spécificités locales. Bénéficiant d'une présence renforcée au Maroc, les cabinets nationaux disent se distinguer aussi sur le volet de la disponibilité, notamment lorsqu'il s'agit d'adapter la durée des missions aux contraintes des clients. Par leur positionnement, les cabinets nationaux se ménagent enfin des chasses gardées. «Les missions ayant trait au conseil en système d'information ou encore à l'élaboration de schémas directeurs informatiques leurs reviennent dans la quasi-totalité des cas», constate un responsable au ministère. En l'occurrence, étant donné que la compétence requise pour mener ces missions est disponible au niveau local, et qu'elle revient nécessairement moins cher que la compétence importée des cabinets étrangers, c'est l'argument prix qui avantage les cabinets nationaux. Et quand on sait qu'entre compétences locales et enseignes internationales, le tarif de la consultation par jour varie du simple au triple, l'argument prix pèse effectivement de tout son poids. Les prix pour une consultation auprès d'un cabinet national est facturée de 5.000 à 15.000 dirhams par jour. Un cabinet international facture quant à lui une journée de services en moyenne entre 15.000 et 50 000 dirhams.