Samira Haddouchi Styliste marocaine Les Echos quotidien : Vous êtes l'une des stylistes marocaines les plus en vogue en ce moment. Plébiscitées au Maroc et à l'étranger, vos créations font un tabac. Quel est votre secret ? Samira Haddouchi : Il n'y a pas de recette magique pour réussir. Il faut trimer, persévérer et y croire. J'aime toujours rappeler que mes débuts étaient loin d'être faciles. Je n'ai pas brûlé les étapes, au contraire. J'ai commencé toute petite, avant de pouvoir imposer mon style et mon nom sur la place. Le fait d'avoir relevé des défis, de surmonter des obstacles, d'échouer avant de trouver la réussite, me donne aujourd'hui une grande satisfaction personnelle. La chance y est-elle pour quelque chose ? Pour être honnête avec vous, je ne crois qu'au travail. C'est en se donnant corps et âme au métier qu'on aime, que l'on peut réussir. Il se peut que la chance soit aussi un facteur déterminant dans la réussite de certaines personnes, mais je trouve que le travail, la passion et l'abnégation sont les clés du succès. Votre style plutôt avant-gardiste a-t-il été adopté facilement par les professionnels et les clients ? Au début, mon style se distinguait par la superposition, ainsi que par des coupes très spéciales. Je me souviens d'avoir créé une série de caftans avec une seule manche, ce qui était vraiment nouveau. J'ai osé aussi les couleurs, parce que j'avais remarqué que les gens ne portent pas les couleurs vives, par exemple le vert. Franchement, les stylistes et les professionnels avaient apprécié mon travail. Toutefois, j'ai trouvé des difficultés à convaincre mes clientes à porter mes créations, qui n'avaient rien à avoir avec le caftan traditionnel. Et qu'avez-vous fait ? J'ai adopté une stratégie, celle de convaincre d'abord les stars à porter mes créations. Lorsque la défunte Whitney Houston a porté l'une de mes créations au festival Mawazine, cela m'a donné un véritable coup de pouce. Quant à Haifa Wahbi, très appréciée dans le monde et qui se veut le modèle de la femme arabe sexy, qui porte souvent mes caftans, elle a aussi contribué à ce que mes créations deviennent populaires auprès du grand public. Nombreuses sont les femmes qui voulaient posséder le même style de caftan que celui porté par Haifa. Côté stars marocaines, j'ai réussi à convaincre Abderrahim Souiri de mettre des djellabas de couleur ou encore des vestes en sfifa avec un jean. C'est ainsi que mes clients femmes et hommes sont arrivés à accepter mon style. Actuellement, ce problème ne se pose plus. Mes clients font entièrement confiance à mes créations. Certains pensent que le caftan doit garder son authenticité et rejettent complètement ce nouveau style proposé par les jeunes stylistes. Qu'est ce que vous en pensez ? Je suis à la fois pour et contre cette théorie. Le caftan marocain doit certainement garder son authenticité, tout en arrivant à se faire vendre à l'étranger. Pour cela, il faut justement apporter quelques retouches, pour le moderniser. Personnellement, je pense qu'en changeant seulement les modes de la coupe, on réussit à créer un caftan authentique et moderne à la fois. Tout est une question d'ajustement. C'est d'ailleurs la valeur ajoutée que j'essaie d'introduire dans le caftan : le fait qu'il soit sur mesure. D'ailleurs, dans la collection Croisière de prêt-à-porter haut de gamme, nous proposons des djellabas pratiques que les jeunes peuvent porter avec des baskets ou des jeans. Mon objectif est que l'habit traditionnel marocain trouve sa place dans notre vie quotidienne et ne reste pas seulement un habit pour certaines occasions. Qu'est ce qui vous inspire pour apporter telle ou telle touche sur le caftan ? Je fais énormément de recherches et j'assiste à tous les événements sur la mode organisés à travers le monde. C'est ainsi que j'ai déjà visité des salons en Chine ou encore au Chili, à la recherche de nouvelles tendances. Je suis d'ailleurs en contact permanent avec le bureau des tendances mondiales pour être au courant de toutes les nouveautés. Bien entendu, je me base sur ces tendances pour créer mes caftans. Je pense que c'est un vrai dilemme, parce qu'il faut garder justement l'authenticité du caftan, tout en lui apportant des touches modernes, qui lui ouvrent la porte vers l'universalité. Qu'est ce qui fait que certains stylistes marocains deviennent internationaux et d'autres non ? S'imposer sur le plan international nécessite un vrai travail en amont. Il faut se faire coacher, faire appel à des spécialistes en consulting, en économie, en communication et même en gouvernance. Vous savez, il y a trois ans, en pleine crise internationale, j'avais fait appel à des économistes, qui m'ont préparé un plan pour faire face à la crise, en cherchant des tissus et des textures moins coûteux, une main d'œuvre avec des prix plus accessibles, sans pour autant affecter la qualité. Être bien entouré ne peut que nous aider à aller de l'avant. Revenons à votre prochaine collection. Quelle en sera la tendance ? Ma prochaine collection sera sur le thème de la fluidité. Le brocard, le satin et la couleur parme sont les trois particularités de cette nouvelle collection. Comme je vous ai expliqué, je me base sur les tendances mondiales, avant d'opter pour tel ou tel tissu ou telle ou telle couleur. Allez-vous présenter bientôt vos créations ? Je vais participer à la Fashion Week à Paris en 2013. Sinon, je vais exposer à Paris toujours mes toutes dernières créations en matière de décoration. C'est une autre passion qui ne m'empêche pas de créer des caftans. Ce sont deux choses que je fais en parallèle. En tant que styliste professionnelle, quel regard portez-vous sur la tenue vestimentaire de nos hommes politiques ? Ecoutez, j'estime que nos hommes politiques sont les ambassadeurs du Maroc à l'étranger. Il faut donc bien représenter notre pays en mettant des tenues élégantes et des couleurs assorties.