Evoluant dans des sphères différentes, My Youssef El Kahfai et Bill West se trouvent aujourd'hui des points de ressemblance. Pour le meilleur et surtout pour le meilleur de l'art. Du 16 septembre au 16 octobre prochain, la Villa des arts de Casablanca accueillera une première rencontre entre les deux artistes, parce que leurs démarches artistiques et leurs recherches plastiques, aussi différentes qu'elles soient, ne laissent pas indifférent. Comme d'un même coin d'œil, ils ont vu un monde fragile, incertain... mais poétique. Traversez les mondes et les modes artistiques de My Youssef El Kahfai et de Bill West et vous êtes tantôt explorateur, historien, sociologue et humaniste d'un duo dont l'art est solitaire, puissant et alchimique. Accessible à tous...comme la nature Peintre, graveur, sculpteur et lithographe, My Youssef El Kahfai propose une nouvelle façon d'aborder l'art. De cette passion de créer, naît un atelier d'impression, haut lieu de création sis dans la périphérie de Marrakech et lieu de pèlerinage pour de nombreux d'artistes. C'est qu'El Kahfai privilégie la légitimité de la forme comme propos pictural, une ode à l'envers de la chose ressemblante. Son acolyte, lui, rompt avec la représentation formelle. Dans sa peinture qui reprend des enveloppes extérieures, des masses de couleurs se superposent en plans et les perspectives s'en trouvent modifiées. «En définitive, il simplifie visuellement le signifiant pour faire appuyer et émerger le signifié», selon le poète Mohamed El Jerroudi. Aux deux sensibilités qui les caractérisent et les différencient, un même regard se pose sur le monde à travers une observation très personnelle de l'activité humaine familière. My Youssef El Kahfai travaille à briser les contraintes et les tabous, laissant le pinceau errer dans l'imaginaire pour donner toute la force aux émotions. Et les voilà à la portée de tous. Ce même mode d'expression auquel Bill West est resté fidèle, comme à une génération des années soixante en Grande-Bretagne. Ainsi, en intégrant à la peinture ce qu'il a vécu de façon directe et sans artifices, elle se fait accessible à tous. L'abstrait et le figuratif n'ont jamais été aussi semblables que par l'œuvre singulière et plurielle de ce duo d'artistes. Pour Bill West, la notion d'abstraction ne l'attire ni le séduit, son langage plastique étant plutôt humaniste et poétique. «C'est la mise en perspective de l'histoire contemporaine d'un monde en transformation avec un destin qui saisit Bill West», nous dit le poète. Et ce n'est pas El Kahfai qui dira le contraire. Fervent de la liberté de la création, la peinture pour lui n'est pas dans le choix d'un camp figuratif ou abstrait... «Tout simplement parce que le terrain qui sépare les deux camps n'est pas un champ de bataille, mais un monde imaginaire à cultiver». L'enfant de Marrakech, dont les réalisations figurent autant dans les expositions nationales qu'internationales, (se) refuse toute étroitesse culturelle et partant, d'évoquer l'être humain généralement, abstraction faite de la responsabilité individuelle. Le tout pour le meilleur de la création, plutôt que pour le confort de la nostalgie. À cette vision créative des choses, Bill West qui fut navigateur, voyageur infatigable et toujours en première ligne du front face à la nature, dirait autre chose. Solitaire pendant de longs voyages, les sujets qu'il traite retracent les souvenirs de toute une vie, sans attache aux idées perçues, sa curiosité étant celle des voyageurs britanniques, naturaliste. Et puis d'autres éléments picturaux, procédés plastiques et visions les rassemblent, puisque devant leurs travaux respectifs, un ordre dans l'agencement du tableau restitué donne le ton à une logique commune dans l'architecture graphique et visuelle.