... Il n'y a plus d'espoir. Sacré Johnny ! Il n'a pas l'air très futé, comme ça, à première vue, mais n'empêche que parfois, il est d'une lucidité déconcertante. Cette chanson ne date pas d'hier, mais elle reste d'une actualité flagrante, en tout cas, pour le Maroc. Oui, vraiment, ce bled me fait voir de toutes les couleurs et cette chronique va finir par me donner des cheveux gris. Je sais, c'est déjà fait, mais je dois vous dire que mes quelques cheveux gris actuels ne sont que le reflet de la fleur de mon bel âge et le pollen de ma maturité. Le gris foncièrement clair qui risque de tacher ma belle tignasse serait plutôt l'expression de la coloration du trop plein d'aberrations, la teinture du vide cybernétique du non-changement et la pigmentation de notre immobilisme statique. Si je n'avais pas peur qu'on croie que j'ai perdu la boule, je me serai rasé la crâne à zéro pour montrer à mes pauvres compatriotes que, justement, le zéro, ce chiffre si fièrement arabe, c'est la seule note que nous méritons. Nous ne voulons pas avancer. Nous nous contentons de gesticuler en faisant de beaux faux grands pas en avant et de belles vraies enjambées en arrière, pour, en fin de compte, rester sur place. Apparemment, le sur-place c'est la seule place qui nous convient. Oui, vous pouvez le dire : je broie du noir. D'ailleurs, vous ne pensiez pas si bien dire : c'est justement le noir qui me fait voir aujourd'hui les choses aussi sombres. Je vous raconte. Hier, alors que j'étais dans ma salle de fitness, comme chaque jour, non pas pour éliminer quelques grammes superflus, mais pour garder la forme et vous donner des billets de fond (c'est fort, ça !), je croise, entre le vélo et le tapis, un vieux pote qui a toujours été plutôt bien bâti. C'est normal, il est dans le bâtiment. (Elle est un peu facile, mais j'avais envie de la placer). En vérité, il est plutôt dans l'immobilier, et plutôt un gros calibre. Je n'en dirai pas plus, pour ne pas le griller encore plus. «Alors, lui lançai-je tout de go, comment tu as trouvé notre dossier d'hier ? Bien construit, hein ?». Il esquissa un léger sourire, histoire de me faire comprendre qu'il avait compris mon jeu de mots si primaire, et me répliqua aussitôt : «Oui, je ne dis pas le contraire, mais il faut dire à tes amis – c'est à vous, mes chers collègues de la rédaction qu'il s'adresse – que toute cette histoire, toute honteuse et toute scandaleuse qu'elle est, et vous avez très bien fait de la dénoncer, n'est absolument rien à côté de tout ce qui se passe à côté. Le noir, mon vieux, a-t-il martelé, le noir !». Le long monologue qui s'en est suivi, avec noms de sociétés, de projets, de personnes – et non des moindres - et chiffres à l'appui, m'a définitivement convaincu que, vraiment, certains responsables de ce pays, et qui se reconnaîtront, ont besoin d'une bonne fessée déculottée, et en public, s'il vous plaît ! Et comme me dit souvent un ami, grand peintre devant l'éternel : si on veut sortir du rouge, il faut éliminer le noir. CQFD.