Moulay Hafid Elalamy, Président du groupe Saham Les Echos quotidien : Le groupe Saham vit un tournant historique dans son développement, à travers cette alliance stratégique avec deux partenaires de choix, la SFI et Abraaj. Qu'est-ce que cela représente pour vous ? Moulay Hafid Elalamy : Ce partenariat stratégique que nous avons scellé cette semaine avec Abraaj Capital et la SFI est une reconnaissance d'institutions internationales du travail qui a été réalisé par les hommes et les femmes du Groupe et aussi un gage de confiance pour notre stratégie de développement. Cela donne un nouveau souffle à notre croissance sur l'ensemble de l'Afrique. Dans la phase actuelle, nous avions besoin de partenaires solides, capables de nous 'challenger' dans notre démarche. Les équipes de Saham ont comme obsession d'œuvrer pour un groupe éthique, avec des fondamentaux sains et ambitieux, et se développant de façon harmonieuse et cohérente. Nous avons soumis tout cela à la sanction du marché international. Il est possible d'imaginer qu'il n'a pas été facile de les convaincre, surtout dans le contexte actuel ? Nous sommes dans un contexte mondial dépressif, qui fait que même les entreprises cotées sur les grandes Bourses internationales ont du mal à lever des fonds, que les Etats, même les plus forts, ne se font plus confiance. Une telle opération semble porteuse de plusieurs messages. Je tiens à souligner que la crise économique et la crise dans la région ont fait que les grands fonds d'investissement sont de plus en plus méfiants. Ils ont peur d'investir. Ce n'est pas propre au Maghreb. Ma conviction est que notre pays recèle aujourd'hui des capacités de concrétiser l'un de nos objectifs stratégiques, mais que nous n'avons pas encore pu totalement réaliser, qui est celui de devenir un hub pour les opérations économiques mondiales de l'Occident vers l'Afrique, mais aussi de l'Afrique vers l'Europe. C'est à dire que notre pays tend à devenir une véritable plaque tournante. Et c'est dans cet axe que s'est inscrit le groupe Saham. Nous avons abordé le projet de manière pratique, sur le terrain. Cela a pesé dans la balance, mais ce n'est pas tout. Vous voulez dire qu'il ne suffit pas d'être rentable pour intéresser les investisseurs internationaux ? Quelle est donc la recette ? Tout à fait. Si au Maroc ou en Afrique nos affaires, aussi prospères soient-elles, n'arrivent pas à constituer un attrait stratégique pour les plus grands investisseurs, le fait d'être ensemble, dans des groupements régionaux, nous donnera la capacité d'être visibles sur leurs radars. Toutefois, pour passer à une nouvelle étape, il est vital de se mettre aux normes internationales de gouvernance. À chacun sa recette. La nôtre se résume en trois mots: la taille, la couverture régionale et la gouvernance. Les institutions ne s'associeront jamais à des structures opaques, aussi rentables soient-elles. La bonne gouvernance n'est plus un luxe, c'est une nécessité de base pour les opérateurs marocains et africains, en général. Nous savons aujourd'hui pourquoi Abraaj et SFI ont dit «oui» à Saham, mais vous de votre côté, qu'est-ce qui a motivé ce choix ? Lorsque nous avons lancé le projet d'ouverture du capital de Saham Finance, nous avons organisé à Londres des rencontres avec 11 institutions de taille mondiale. Sur les 11, nous avons eu 9 offres, ce qui, selon les experts est exceptionnel. Cela nous a donné la possibilité de choisir les institutions les plus créatrices de valeur pour nos projets et pour notre stratégie en Afrique. Aujourd'hui, Saham Groupe est associé à deux partenaires mondiaux, qui partagent notre vision sur le continent et qui sont aussi motivés et actifs que nous pour la réalisation de nos projets. IIs partagent notre vision et nos valeurs d'éthique, d'ambition, de performance, d'engagement, de partage, de citoyenneté et de responsabilité. Ces valeurs, qui constituent l'ADN du groupe Saham, sont pratiquement les mêmes que vous retrouverez chez nos partenaires. Dans quelle mesure est-ce que le climat des affaires au Maroc a été déterminant dans ce mariage ? Nous sommes convaincus que c'est grâce à la situation particulière du Maroc que nous sommes en mesure de réaliser une opération majeure comme celle que nous venons de sceller aujourdhui. Imaginez que Saham soit dans un autre pays, atteint par le printemps arabe par exemple. Quelles auraient été ses chances de conclure un tel partenariat? Il ne suffit pas d'être un groupe performant, dans le contexte actuel. Il est primordial d'appartenir à un pays stable, rassurant, qui donne toutes les garanties nécessaires aux investisseurs. Le travail qui a été fait jusque là et la gestion que le Maroc a fait de la crise du printemps arabe, que ce soit au niveau économique ou au niveau politique, permet aujourd'hui aux opérateurs privés nationaux et internationaux de percer. Vous répétez souvent que l'Afrique pour Saham n'est pas une mode mais une stratégie. Parlez-nous de la vision de Saham et de ses ambitions en Afrique... L'ambition que Saham group s'est fixée en Afrique est sans limites. En prenant le contrôle d'un leader africain de l'assurance, Colina, qui s'est ensuitepositionné sur l'Angola, Saham Finance s'est ouvert de nouveaux horizons de croissance et de développement. Nous avons pour objectif de devenir un groupe panafricain centré sur l'assurance, l'offshoring et la santé, les trois pôles qui sont désormais les piliers de la stratégie de développement du Groupe. Une idée sur Saham aujourd'hui: c'est 5,8 milliards de dirhams de chiffre d'affaires, c'est 5.600 employés en col blanc et c'est une présence significative dans 15 pays. Tout le monde connaît le groupe Saham en sa qualité de leader de l'assurance, particulièrement dans la non vie. Le groupe a aussi été précurseur dans l'offshoring, c'est incontestable, mais la santé, c'est nouveau. Pourquoi ériger la santé en pôle stratégique de développement du groupe, alors que ce n'est pas votre métier à la base? Je vous l'accorde. À la base, rien ne prédestinait le groupe Saham à aller dans ce secteur, mais en tant qu'investisseur, nous étudions toutes les opportunités cohérentes et complémentaires avec nos métiers, que le marché peut offrir. Nous avons acquis le site de production de GSK en juin 2010 et à cette occasion, nous avons examiné de très près le potentiel du secteur au Maroc, mais aussi en Afrique. Il est prématuré aujourd'hui de vous livrer les détails de notre stratégie, mais nous avons l'intention de devenir un player significatif en Afrique sur la pharmacie et les métiers de la santé. Ce sont la des métiers d'avenir pour le Groupe.