Après deux premières sessions dédiées au court métrage, les douze candidats retenus par le programme Méditalents ainsi que les intervenants devant les accompagner se sont retrouvés, la semaine dernière à Ouarzazate, afin d'achever l'écriture du scénario du court métrage, et de s'atteler à une question plus épineuse, celle de l'écriture du premier séquencier du long métrage. Quatre jours durant, l'hôtel où résidaient les différents participants s'est transformé en une ruche bourdonnante. Ateliers d'écriture collectifs, rencontres «one to one» entre candidats et intervenants ou encore réunions entre les jeunes cinéastes appartenant aux trois pays maghrébins (Maroc, Algérie et Tunisie), étaient au menu. Co-organisé par trois organismes, en l'occurrence l'association française «1.000 visages», la Ouarzazate Film Commission et l'agence Canal France international (CFI), Méditalents s'est fixé comme objectif principal de «faire émerger et accompagner de nouveaux talents cinéastes, scénaristes et techniciens de création du Sud de la Méditerranée dans le développement de leur projet de premier long métrage de cinéma porteur des valeurs du dialogue interculturel», expliquent les initiateurs du projet. Ceux-ci sont donc en train de dessiner les contours d'un joli scénario, puisque leur objectif commence à se concrétiser. «C'est la troisième fois que nous nous rencontrons. Je pense que ces ateliers nous ont permis de maîtriser les outils de l'écriture du scénario et de rectifier ainsi nos scénarios originaux que nous avons présentés tout au début», nous confie Bahri Ben Yhmed, jeune réalisateur tunisien. Des ateliers intensifs en attendant... le jury Durant cette troisième session, des ateliers intensifs ont été programmés afin de permettre aux douze candidats d'être prêts pour défendre leurs projets devant les membres du jury. À deux jours de la date fatidique, une certaine effervescence régnait dans cet hôtel, connu pourtant pour son calme. «Je trouve cet atelier très intéressant, puisqu'il faut être très réactif aussi bien pour les lauréats que pour les intervenants. Nous avons très peu de temps... nous essayons donc d'aller à l'essentiel, ce qui crée une excitation agréable», explique Yves Ulman, l'un des quatre intervenants lors de cette session. Danièle Souissa, qui a accompagné les lauréats depuis le début de l'aventure, nous affirme par ailleurs, qu'ils sont presque tous prêts à rencontrer les membres du jury. «À l'issue de cette session, nous nous rendons compte que les différents lauréats qui ont une grande envie d'apprendre, ont une idée plus profonde sur la valeur des personnages et du scénario. Malheureusement au Maroc, comme en France d'ailleurs, on accorde peu d'importance à l'écriture du scénario. À travers les différents ateliers organisés, nous avons démontré aux jeunes que l'écriture est fondamentale et doit être détaillée», ajoute-t-elle. Avec un regard sur leurs sociétés respectives, loin d'être convenu ou banal, les sept jeunes marocains, les trois réalisateurs algériens et les deux participants tunisiens, chacun de leur côté, tentent de «rectifier le tir» avant le jour J. «Je pense que tout le monde est prêt. Le fait de participer à des ateliers accélérés, nous a donné la chance de bien cerner nos sujets. Il y a même un travail sur soi qui a été fait lors de cette session», assure Rita El Quessar, jeune participante marocaine. Et les lauréats sont .... Arrivés tard dans la soirée, les membres du jury, en l'occurrence le cinéaste marocain Faouzi Bensaïdi (président du jury), la productrice marocaine Lamia Chraibi et le producteur tunisien Farès Ladjimi, se sont penchés le lendemain sur la lecture de la nouvelle version des scénarios des candidats. C'est ainsi qu'ils ont sélectionné, pour être accompagnés sur le développement de leur premier long métrage, deux projets : «Les poissons du désert» et «Le cri des Marocains» de Alaa Eddine Aljem et de Hicham Elladdaqi. Ce n'est pas tout, le jury a sélectionné, pour participer à un nouvel accompagnement-formation dans le cadre de leur projet de premier long métrage, quatre projets (Bech7al al 7aouli de Rita El Quessar, Choftchof a ami lhajdu Marocain de Akram Nemmassi, Le chroniqueur de l'Algérien Raouf Benia, En attendant les hirondelles de l'Algérien Karim Moussaoui et Lina de la Tunisienne Sana Jaziri). Une fois les noms des lauréats qui continueront l'aventure dévoilés, une nouvelle étape commence, celle de mener une véritable réflexion cinématographique. «Je pense qu'il nous faudrait au moins quatre sessions pour le long métrage. Maintenant, nous allons nous concentrer sur la mise en scène, passant ainsi du scénario à la réalisation. Sinon, nous espèrons que les lauréats seront opérationnels d'ici à la fin de l'année», ajoute le coordinateur du programme Didier Boujard. En attendant, les douze candidats ont décidé de créer un collectif afin de pouvoir dénicher des producteurs pour les projets non sélectionnés par le jury. Les initiateurs de Méditalents, eux, ont déjà lancé la candidature pour la nouvelle année. Décidément, personne ne chôme... Didier Boujard, Coordinateur du programme Méditalents. «Nous cherchons des partenaires pour appuyer le programme» Les Echos quotidien : La troisième session de Méditalents vient d'avoir lieu à Ouarzazate. Peut-on dire, au bout de cette session, que ce programme est sur la bonne voie ? Didier Boujard : Il me semble que Méditalents est sur la bonne voie. Cette session a été marquée par la présence de certains membres du jury, notamment le président Faouzi Bensaïdi, qui ont une idée complète sur les projets des différents candidats et qui ont apporté un regard neuf sur tout ce qui a été accompli en trois sessions. Cette session est considérée comme un bilan de tout ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Quelle sera la prochaine étape du programme après la décision du jury ? Nous allons plonger complètement dans l'écriture des scénarios des deux projets sélectionnés par le jury. Lors des trois premières sessions, nous nous sommes concentrés sur les racines qui précédaient l'histoire, beaucoup plus que sur l'intention du long. La prochaine étape sera naturellement dédiée au long métrage lui-même. On va creuser davantage pour pouvoir avoir, d'ici à la fin de l'année, un scénario achevé et répondant aux normes. Qu'en est-il du court métrage ? Nous devons organiser le tournage avec les participants et la Ouarzazate Film Commission, ainsi que la faculté poly-disciplinaire de la ville et l'Institut supérieur spécialisé des métiers du cinéma. Au-delà du tournage du court métrage, notre objectif est d'essayer de trouver des producteurs qui s'attachent aux courts métrages et/ ou aux longs métrages présentés par les différents candidats. C'est la raison pour laquelle nous tenons d'ailleurs à inviter des intervenants marocains et français, spécialistes dans les différents métiers du cinéma, afin de donner la chance aux participants de pouvoir concrétiser leurs rêves. Le programme Méditalents va-t-il attribuer une aide financière aux candidats ? Pour qu'il y ait aide financière, il faut trouver des partenaires au Maroc qui puissent nous aider. Afin d'atteindre cet objectif, nous avons créé l'association Méditalents, avec un conseil d'administration, composé de bon nombre d'artistes marocains, qui va nous permettre de chercher des partenariats auprès de l'Etat et du secteur privé. Pour le moment, nous avons des partenaires comme France Télévisions et Arte. Je tiens toutefois à préciser que nous sommes vraiment sur la formation et l'accompagnement et que nous ne sommes pas producteurs. Bref, notre ambition est d'avoir un équilibre de financement entre le Nord et le Sud, pour qu'il y ait un vrai partage à tous les niveaux. Concrètement, quel est le budget de ce programme ? Le budget d'une session varie entre 180.000 et 200.000 DH. Il inclut l'hébergement, le transport des candidats et des intervenants, ainsi que la rémunération de ces derniers. Je rappelle que les ambassades de France en Algérie et en Tunisie ont déjà pris en charge le transport de certains candidats. Il y a aussi le CFI, qui co-organise les sessions avec nous. Cet organisme apporte sa structure et prend également certaines charges à son actif. Ce qu'ils en pensent... Je trouve que ce programme est assez spécial, vu qu'il s'agit d'un accompagnement en termes d'écriture. En tant que lauréat d'une école de cinéma, ce projet m'a permis d'avoir la chance de bénéficier d'ateliers professionnels et de pouvoir présenter mon projet de long métrage. Sortir de la peau de l'étudiant est une étape cruciale qui s'est bien passée pour moi grâce à Méditalents. Il s'agit à mon sens d'une passerelle entre les films d'écoles et les films professionnels. Et puis, c'est une occasion d'avoir un retour sur ce que nous écrivons grâce aux remarques des intervenants. Alaa Eddine Aljem, 23 ans (Maroc). J'ai déjà eu la chance de participer à un autre programme, vu que j'ai réalisé un court métrage à l'issue d'un concours en Algérie, mais je peux vous assurer que Méditalents se distingue grâce aux ateliers programmés, à la manière de travailler et à la qualité des intervenants. Le fait de réunir des jeunes réalisateurs de la rive sud de la Méditerranée est aussi une belle initiative. Les différentes sessions nous ont permis d'avoir une idée plus précise sur les outils nécessaires pour écrire un scénario. Lorsque je suis arrivé, je n'étais pas convaincu de mon histoire qui est intéressante, mais banale dans son traitement. Depuis, un long chemin a été parcouru. Raouf Benia, 34 ans (Algérie). Méditalents m'a permis de travailler sérieusement sur mon projet et surtout d'être bien encadrée par des professionnels. J'ai réussi à acquérir, lors de ces trois sessions, les outils nécessaires à l'écriture du scénario. L'idée d'écrire un court métrage dont l'histoire est antérieure au long métrage, nous a donné l'occasion de travailler en profondeur les personnages. Je pense que le fait de travailler des semaines condensées, nous a permis également d'avancer. Sanae Jaziri, 25 ans (Tunisie).