L'impact d'une année blanche ne se limitera pas uniquement aux étudiants grévistes mais touchera les nouveaux bacheliers et portera une estocade au gouvernement qui est déjà épinglé pour le manque de ressources humaines dans le secteur de la santé. S'agit-il d'une mauvaise gestion du dossier ou d'une crise de confiance ? Si aucune nouvelle initiative n'est engagée au cours des prochains jours, tout porte à croire que l'on s'achemine vers une année blanche pour les étudiants en médecine en grève depuis plus de deux mois. Le gouvernement semble impuissant face au bras de fer de ces jeunes qui risque de se prolonger. L'Exécutif a-t-il mal géré les négociations avec les représentants des étudiants qui semblent intransigeants en ce qui concerne toutes leurs doléances ou s'agit-il d'une crise d'une nouvelle nature portée par des milliers de jeunes qui font partie des étudiants les plus brillants du Maroc ? En tout cas, la crise de confiance dans le gouvernement est avérée dès le départ bien que les ministres de l'Enseignement supérieur et de la Santé aient affiché leur volonté de résoudre ce dossier. Et le ton ferme de Saïd Amzazi au Parlement qui a décidé le maintien des dates des examens n'a fait visiblement que mettre de l'huile sur le feu. Les étudiants ne comptent pas lâcher du lest et gardent l'espoir de la satisfaction de tous les points de leur cahier revendicatif dont la forme «juridique» de l'accord en vue. Ils craignent en effet que les promesses du gouvernement ne soient qu'une tactique pour apaiser les esprits et sauver l'année universitaire. «Les engagements formulés dans un communiqué ne sont pas contraignants pour le gouvernement. Il faut un PV signé par toutes les parties pour qu'on ait une base juridique», souligne aux Inspirations ECO une étudiante en médecine. Les étudiants grévistes sont-ils tous au courant des détails des propositions gouvernementales et des mesures envisagées par le gouvernement ? Force est de constater que la communication est le maillon faible dans cette crise sociale. Beaucoup de rumeurs circulent parmi les étudiants alors que les engagements gouvernementaux ont été clairement formulés au sein de l'hémicycle. Les chefs des deux départements de tutelle ont en effet été interpellés par les parlementaires des deux chambres sur ce dossier. Anas Doukkali a souligné, mardi dernier, devant les conseillers que le dialogue devait aller dans les deux sens pour parvenir à l'accord souhaité. Que propose le gouvernement ? L'Exécutif s'engage à ce que les CHU publics soient des espaces de formation pour uniquement les étudiants des facultés publiques. Le concours d'internat ne subira aucun changement et ne sera pas ouvert aux étudiants du secteur privé. Les postes d'internat qui étaient de 220 en 2017 et 360 en 2018 seront augmentés en 2019. Quant aux postes de résidanat, ils passeront de 197 en 2017 à 700 en 2019. À cela s'ajoutent la révision du décret relatif à l'organisation des concours de résidanat, l'augmentation du nombre de postes attribués aux titulaires d'un doctorat en pharmacie et en médecine dentaire, la révision des cahiers des normes pédagogiques nationales relatifs au diplôme de docteur en médecine, en pharmacie et en médecine dentaire, l'instauration d'une bourse pour les étudiants en pharmacie au cours de la cinquième année et des indemnités de fonction pour les étudiants en médecine dentaire et en pharmacie pendant la sixième année, la promotion et l'élargissement des espaces de stage… Le gouvernement ne veut pas céder sur deux points. Il s'agit du concours de la spécialité qui, selon Doukkali, ne peut pas être limité aux lauréats des facultés publiques mais l'Exécutif s'engage à réviser le concours pour garantir les droits et les acquis des lauréats publics. Le gouvernement n'est pas prêt non plus à renoncer à la sixième année de médecine dentaire car «c'est un critère pédagogique» et s'engage à améliorer les conditions de formation et de stage. Le gouvernement est appelé à agir avec tact pour convaincre les étudiants qui prévoient de tenir une marche aujourd'hui à Rabat et sont décidés à boycotter les examens prévus le 10 juin. Le non-report de la date des examens est considéré par les étudiants comme une tentative de les punir pour leur mouvement de grève. Ils craignent de surcroît qu'on durcisse délibérément les examens pour resserrer l'étau autour d'eux. Il faut autant que faire se peut éviter une année blanche dont l'impact ne se limitera pas uniquement aux étudiants grévistes. Les bacheliers de cette année seront très lésés car ils seraient privés d'accéder aux études de médecine. En outre, le Maroc qui pâtit du manque de ressources humaines dans le secteur de la santé ne peut pas se permettre une année blanche dans les facultés de médecine. Le gouvernement a fortement besoin des institutions de médiation pour sortir de cette impasse. Certains groupes parlementaires ont exprimé le souhait de jouer ce rôle. Les ministres de tutelle sont appelés à communiquer davantage sur ce dossier. À l'heure où nous mettions sous presse, Saïd Amzazi et Anas Doukkali devaient tenir un point de presse sur cette question.