Processus normalisé, la veille permet à l'entreprise de collecter des informations clés sur les différentes forces qui s'exercent sur son marché (concurrents, clients, nouveaux entrants, réglementation, fournisseurs), d'anticiper les événements pouvant bouleverser les actions de chacun d'eux (crise économique, enjeux écologiques, innovations technologiques…) et pouvant atteindre sa propre structure (réputation, investissements, réglementations). L'ensemble des contraintes actuelles et la vitesse d'apparition de nouvelles contraintes ne laissent pas le choix quant à la nécessité de disposer d'un système de veille efficace, permettant de collecter, de traiter et d'analyser des informations sur son environnement tant concurrentiel que commercial ou encore réglementaire. La réflexion quotidienne du PDG d'AXA «Qui va tuer mon entreprise» est un postulat de base intéressant à intégrer lorsque se pose la question du déploiement d'une veille. Les noms des concurrents seront certainement l'une des réponses les plus naturelles. Suivre l'action de ces concurrents frontaux, directs s'imposent a minima pour ne pas perdre de distance en termes de services apportés, de qualité de services, d'offres commerciales. Mais suivre ces concurrents directs ne suffit pas toujours. Ainsi, le secteur de l'assurance a été lui aussi perturbé par l'arrivée des nouvelles technologies. Avec la révolution numérique, de nouveaux entrants, souvent des startups, sont venus bouleverser le panorama de l'assurance traditionnelle en modifiant les modèles économiques (services assurantiels exclusivement numériques, micro-assurance, assurance à l'usage (km, journalier), assurance rechargeable), ou en prenant en charge des risques nouveaux (cyber-risques, handicap, précarité). Les assureurs traditionnels, qui avaient en grande majorité sous-estimé ce phénomène et l'impact qu'il allait avoir sur leurs activités, ont ensuite trouvé la parade d'acheter ces startups ou d'entrer au capital. Axa, CNP Assurance ont fait le choix, par exemple, d'investir de façon importante dans ces nouvelles entités. Relation client : grosses mutations La révolution numérique a un impact sur l'ensemble du modèle économique des assurances. Elle touche en premier lieu la relation client. Si certaines entreprises du secteur se sont constituées sur des modèles exclusivement digitaux, la place de la technologie dans les différents interactions clients (souscription, déclaration de sinistre, paiement des primes…) est devenue une réalité que nul ne peut ignorer. Et les évolutions technologiques autour des nouvelles formes de monétisation (bitcoin, cryptomonnaie), des nouveaux usages de la téléphonie, engendreront certainement de nouvelles attentes de la part du consommateur et de nouvelles évolutions pour les prescripteurs de services. Certaines assurances ont fait le choix de déployer de vraies démarches de benchmark afin d'importer des pratiques propres à certaines secteurs au sein du secteur assurantiel. La micro-assurance trouve ainsi son origine dans la microfinance. Déployée originellement pour les pays en voie de développement, elle trouve aujourd'hui ses applications face à la paupérisation de certaines classes sociales dans les pays en développement. Le suivi des politiques publiques de certaines pays (nordique, germanique, nord-américain…) apportent aussi des retours d'expérience intéressants pour les entreprises françaises et marocaines, bien souvent présentes à l'international, sur les relations qu'elles peuvent entretenir avec les institutions nationales de protection sociale. La remise en cause de l'Etat-providence dans de nombreux pays amène des réflexions, chez nous comme chez nos voisins, qu'il est utile de suivre afin de réfléchir conjointement à des solutions adaptées, et de proposer individuellement des offres répondant aux attentes nouvelles de la société. L'activité juridique et réglementaire est également une donnée pouvant impacter fortement les entreprises. Les nouvelles législations nationales (Loi Hamon, Loi Chatel, Loi Sapin…) ainsi qu'au niveau international, notamment au Maroc (RGPD, Solvabilité II…) peuvent peser sur les obligations des assurances en termes de capitalisation, de protection des données, et de services aux consommateurs, qui ont des incidences sur les modèles économiques actuels et ouvrent parfois des «brèches» à l'arrivée de nouveaux concurrents. Le développement de nouvelles technologies, de nouvelles formes de travail sont autant d'impacts possibles sur les assureurs qui peuvent y voir autant de menaces que d'opportunités. Se passer d'une structure de veille adaptée semblerait être un risque très important, alors même que le risque est l'un des pires ennemis de l'assureur! Rabii Benadada Chargé de veille à la Caisse de dépôt et de gestion – CDG Prévoyance Christelle Urvoy Consultante en veille stratégique et intelligence économique, dirigeante du Cabinet Advicie à Paris