Après un moment de flottement, il se confirme donc que le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, réservera sa première visite officielle à son meilleur ennemi, le Maroc. Il sera reçu ce mercredi par le chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane, voire par le roi Mohammed VI en personne. Que faut-il attendre de cette rencontre entre l'Espagnol, venu arracher des concessions au Maroc et le Marocain, déterminé à défendre bec et ongles, les intérêts du royaume ? L'âge d'or de l'Espagne L'Espagne sait qu'elle doit beaucoup au Maroc. Huit siècles durant, l'étendard de l'islam a flotté sur les terres ibériques. Sous l'ère musulmane, l'Espagne connaîtra son âge d'or, avec la renaissance de la philosophie grecque, le développement des sciences et de la médecine, et l'introduction de nouvelles cultures. Juifs, chrétiens et musulmans vivront ensemble en parfaite symbiose. Puis viendra la sinistre Inquisition, la reconquista et la traque des musulmans et des juifs. Des siècles durant, les Espagnols lorgnent les côtes marocaines, y installant des forts retranchés, à défaut de pouvoir conquérir l'intérieur du pays. Sebta et Mélilia en seront les derniers vestiges. La «désastreuse» bataille d'Anoual demeure encore gravée dans la mémoire collective espagnole. La guerre civile allait à nouveau réveiller chez les Espagnols une peur enfouie dans leur subconscient collectif, la peur du Maure. Pour finir, le coup de génie de la marche verte allait susciter pour beaucoup d'Espagnols le sentiment amer de s'être fait duper par Hassan II, qui, en fin stratège, aurait profité de l'agonie de Franco pour faire son OPA sur le Sahara. Il faut donc connaître la complexité des relations pour comprendre pourquoi les Espagnols sont tellement sensibles à tout ce qui vient du Maroc. D'égal à égal Depuis la marche verte, les Espagnols nous mènent la vie dure, cette fois sur le terrain politique et dans les arènes diplomatiques. Aujourd'hui, un Maroc en plein boom économique fait face à une Espagne vieillissante et vivant une crise économique sans précédent. Le moment est venu de dépasser les différences culturelles et reli gieuses pour traiter d'égal à égal avec le Maroc nouveau, celui des réformes politiques et des grands chantiers économiques. L'Espagne est consciente que le Maroc est sans doute le pays arabe qui a le mieux résisté au printemps arabe et dont le modèle de transition politique suscite l'intérêt. Espérons que Rajoy ne vient pas seulement pour trouver une solution pour les pêcheurs espagnols, mais qu'il saura élever le débat pour enfin franchir une nouvelle étape qualitative dans les relations maroco-espagnoles, qui décidément, valent mieux que cela. A l'ère de la crise généralisée, cédera-t-il aux sirènes xénophobes et protectionnistes ou privilégiera-t-il la coopération élargie entre les deux pays, unis pour le meilleur et pour le pire ?